Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

103

FRANC-MACONNERIE

104

caractère philosoplii([iie peu accusé. « Jusqu’à Tinstallation du G.-. O.". en ly^S, dit très bien Gustave Bord, l’organisation maçonnique française fut une véritable foire, où chacun, dans sa loge, faisait ce qui lui plaisait, ne retenant de la réglementation anglaise que les cérémonies initiatiques dont il ne comprenait pas le symbolisme et les réunions gaies, suivies de banquets souvent tumultueux. » (Histoire…. p. 152.) Les maitres des loges étaient des tenanciers de cabarets ; leurs initiés étaient d’ordinaire des gens de peu, des bourgeois et de petits commerçants ; on y inventait, pour s’amuser, de nouveaux grades et de miriûqnes cérémonies ; parfois, elles étaient accouplées à des loges de Fendeurs et de Félicilaires… Leur nombre, sans doute considérable, est impossible à évaluer : DARCTY.leplus érudit des historiens maçons, en signale (avant i^^i) 2^ à Paris et 199 en province ; Gustave Bord (p. 155 et suiv.) a dresse une liste de ib ! i loges parisiennes et déterminé 822 loges provinciales et 21 loges de régiment. La plupart avaient des noms de saints. Leurs deux premiers Grands-Maitres français furent deux jouisseurs achevés : le duc d’Antin (1788-1 y^S) et Louis de BoiRBON-Coxoii, comte DE Clermoxt, prince du sang (i-^.3-i- ; -i).

D’après La Tierce, le duc d’Antin (dont l’immense fortune provenait des spéculations de Law) aurait prononcé en 17^0 un discours où se trouvent ces passages caractéristiques : « Le monde entier n’est qu’une grande république dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant… L’ordre exige de chacun de vous de contribuer par sa protection, par sa libéralité, ou par son travail, à un vaste ouvrage auquel nulle académie ne saurait sulHre. Tous les G.-. M.’, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et ailleurs, exhortent tous les savants et tous les artisans de la confraternité de s’unir pour fournir les matériaux d’un dictionnaire universel des arts libéraux et des sciences utiles… »

Le comte de Clermont (petit-Qls de madame de Blonlespan), prince scandaleusement galant bien que f destiné d’abord à l’état ecclésiastique — (Il jouissait j à 24 ans, en i^SS, des revenus de six abbayes), — fut nommé G.-. M.-, (le Il déc. 1748) par les vénérables de seize loges ])arisiennes qui composaient alors la Grande Loge de Paris, dite Grande Loge de France. Cette élection, pour laquelle il avait été en concurrence avec le prince de Conti et le maréchal de Saxe, fut ratifiée par les loges provinciales. Après avoir pris part à diverses cam|)agnes (il commandait à Crevelt), il se ruina avec mademoiselle Le Duc (voir les Tliéâtres libertins du xviii= s., de d’Aimeras et d’Estrées, elle Comte de Clermont, de J. Cousin) ; il mourut à Versailles (le 16 juin 1771) : c’est à son lit de mort que s’étaient réunis les princes du sang pour prolester contre le Parlement Maupeou.

Il est malaisé de déterminer le rôle exact joué i>ar

1.1 G.-. L.-. de France sous le gouvernement du comte

(1 ; Clermont, les registres de ses délibérations (1748

! 772) faisant aujourd’hui partie de la bibliothèque

secrète du président du Conseil des rites du G.-. O.-.

Il est toutefois probable, — tousles historiens maçon niqr.es l’ont affirmé, — qu’elle eut d’étroites relations

avec la G.". L.-. d’Angleterre, ce qui était quasi un

criiKe de lèse-nation, étant donnée notre politique

extérieure d’alors. Cela explique, indépendamment de

l’Eni-yclIque de 1788 (non promulguée en France),

les interdictions prononcées par Louis XV contre

les loges(1787, 1788, 5juln 1744). Cela explique aussi

les scissions qui se produisirent et aboutirent à un

véritable enchevêtrement de mères-loges et de rites

pro^inciaux. Les loges écossaises jacobites eurent

un regain de faveur, surtout dans les régiments. Le

cointe.de Clermont, tout à ses plaisirs, ne s’occu pait guère d’ailleurs de ses fonctions de G.-. M.*., et en laissait l’exercice à d’étranges » substituts », comme le banquier genevois Christophe-Jean Baur, qui fut accusé de faire des grades un honteux tralic, et le danseur Lacorne, vénérable maître de la loge La Trinité. C’est l’époque où, dans ce monde interlope, s’agitaient de fanatiques débauchés comme ce chevalier de Beauchaine, créateur de l’ordre androgyne des Fendeurs et des FenJeuses, et capable de conférer à la fois tous les grades maçonniques poui- un écu de six livres : durant la guerre de Sept Ans, il suivait l’armée d’Allemagne avec une roulotte installée en loge, garnie de rituels, de rubans et de costumes maç.". ; il l’arrêtait sur les routes pour distribuer ses 45 grades. La Grande Loge d’un pareil individu avait jiour insignes protecteurs (d’après les signatures des brevets) le marquis de Seignelay. colonel du régiment de Champagne-infanterie ; l’abbé d’Evry, commandeur (sic) de Cluny ; le comte de Choiseul, colonel des grenadiers de France, vénérable des Enfants de la Gloire ; le président à mortier de Gourguel… La maçonnerie — et la société française avec elle — tombaient ainsi en pourriture. Des luttes intestines et de nombreuses démissions d’honnêtes gens écœurés réduisirent à rien la direction centrale maçonnique : c’était peut-être la fin des loges et la guérison possible du chancre hideux qui rongeait notre infortuné pays. — Malheureusement, ledogmeégalitaire et les principes naturalistes avaient semé trop de germes funestes pour ne point aboutir au triomphe du mal lorsque les éléments révolutionnaires retrouveraient un centre puissant. Seul, le pouvoir royal avait les moyens d’entraver l’entreprise maçonnique : Louis XV céda devant elle, après avoir écrasé les Parlements (les autres souverains l’imitaient du reste). Les maçons étrangers profitèrent decette lamentable abdication nationale : ils s’abattirent sur la France comme une nuée empoisonnée. Xolre société fut imprégnée de cosmopolitisme, et se détruisit elle-même, avec une inconscience qui restera pour Ihisloire une troul)lante énigme. — Le Grand Orient fut fondé avec des tendances qui allaient directement à rencontre aussi bien des idées et des intérêts français, que de la vérité catholique.

Seuls les Papes, pilotes suprêmes et infaillibles de la civilisation, comprirent le danger qui menaçait la France et l’Europe, et le signalèrent dès la première heure : nous parlerons plus loin de leurs clairvoyants an.athèmes, ainsi que des doctrines essentielles de la maçonnerie. De 174a à 1771, ces doctrines s’étaient grossies, comme une mer fangeuse, des extravagances d’une foule de sectes : mais on ne saurait voir qu’un intérêt tout épisodique dans l’histoire du Grand-Urient de ISoulllon (père des rt ?.if/mes jacobites), delà Vieille /lru, (e a.Vi ; re Loge Ecossaise de .Marseille, du chapitre de Clermont, des Ehis Coliens (fondés en 17.J4 par Martines Pasqually et distingués parle fameux grade des lieau.r-Croix). du Conseil des Empereurs d’Orient et d Occident, du Conseil suprême des Princes maçons, de l’Etoile flamboyante (imaginée par le baron suisse T. H. de Tschoudy), des Illuminés d’A-’ignun, des Illuminés ihéosuphes, etc.

VI. Le Grand-Orient et la Révolution. — L’état le plus complet qui ait été dressé des loges existant en France en 1771 comporte près de cinq cents noms : 154 pour Paris, 298 pour les provinces — dont 15 pour Lyon, — 26 pour les régiments. — (Voir G. Bonn, f.a Franc-Maçonnerie en France, p. 3c>6-504.)

Le chilfrc (sans doute fort inférieur à la réalité) des loges maçonniques, et les listes de leurs alliliés, suflisent à indiquer l’importance de cet état-major de la’< philosophie ».