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IRAN (RELIGION DE L’j

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les chilTres sont quatre ou sept, et au surplus, elle attache peu d’importance au nombre.

Et en flcliors tlu nombre, il n’y a aucune relation prochaine. Les anjjes des Hébreux sont de grandes individualités qui ont des missions spéciales ; les Ameshas Spenlas sont des abstractions qui deviennent des agents : la bonne pensée, la docilité, l’immortalitc. On n’a même pas essaye de rapprocher les missions des anges dos abstractions persanes ni des attributions naturelles que les Ameshas Spenlas possédaient probablement auparavant.

S’il fallait absolument tenir compte du nombre sept, ne devrait-on pas plutôt comparer les sept anges aux sept dieux de Babylone ? Le même livre de Tobie a-t-il emprunté aux Perses les sept époux de Sara ? ( Tohie, vii, 1 1.)

La première fois que les anges paraissent avec des noms, dans Daniel, ce sont avant tout des princes qui représentent les intérêts d’un peuple : Michel ou l’ange d’Israël, le prince des Perses, le prince des Grecs ; Gabriel ou l’ange révélateur. Laissant de côté les Ameshas Spentas, Stave veut assigner un autre rapprochement — qui détruirait le premier — avec les Fravashis qui seraient aussi les anges gardiens des peuples. Cela ne se lit malheureusement pas dans les textes, et Stave a raisonné sur une conjecture, devenue dans sa pensée une certitude. Voici ce paralogisme. A la p. 210, Stave admet que du texte cité (Yasth, XIH, 67 ss.), on peut seulement conclure à l’existence d’anges gardiens des peuples ; à la p. 224, c’est acquis pui’ement et simplement. Or, si le texte parle des Fravashis qui ont combattu « chacune sur son lieu et sa terre… chacune pour les siens, pour son bourg, pour son district, pour son pays », les Fravashis sont si bien ici les âmes des morts, qu’on ajoute : « dans le lieu et la demeure qu’elle habitait jadis ». Cette sorte de sophisme se retrouve aux pp. 153 et igS : on fait dire à Darmesteler que l’Hamestâqan ou purgatoire des âmes existe au temps des Gàthas, alors que le savant français dit simplement que les Gàthas, en parlant de gens ni bons ni mauvais, contiennent en germe l’Hamestâqan (Darm., I, p. 244, note 5).

Ici encore, si les Juifs avaient été réduits à un emprunt, ils rencontraient partout l’idée desBaals, des dieux considérés comme les princes des peuples. Mais tout indique une pensée originale, caractérisée par le mot sar, désignant peut-être la suprême dignité de ces êtres d’après l’usage babylonien du mot.

Franchement, pour nous servir de la formule de Stave (p. 21 4), est-il vrai que les Juifs sont arrivés à la même hiérarchie et au même système que les Perses ?

L’inlluence n’aurait-elle pas été plus grande dans le monde du mal, qui caractérise si nettement, non seulement le Zoroaslrisme, mais peut-être aussi l’ancienne religion des Perses ?

Nous sommes tout disposé à concéder que le nom du démon Asmodée (Tohie, iii, 8) ressemble assez à celui de.rteslima qui était un dàe^’a, ce qui a pu aboutir à la forme Aeshma-dàeva, qui d’ailleurs ne se trouve pas dans les textes. Par ailleurs le démon persan est un démon de la colère, un batailleur ; Asmodée est plutôt le démon de la luxure. La ressemblance ne va pas loin.

Satan est trop fortement entré dans l’A. T., il est trop facile de suivre le développement des idées à son sujet pour qu’on le suppose emprunté. C’est ce que concède Cheyne lui-même (art. Zoroastrianism dans Elle. bibl.). Il est d’autre part certain que son rôle grandit, jusqu’à régir un ^é^itablc royaume opposé à celui de Dieu, et on ne peut se dissimuler que sur ce point les analogies sont frappantes.

Tandis que l’A. T. hébreu contient à peine quelques allusions obscures aux démons, les ouvrages composés sous les Macchabées s’en préoccupent beaucoup. Il est clair que la pensée juive a été fort stimulée sur ce point par le contact avec la religion babylonienne et jieut-étre avec la religion des Perses. La solution témoigne cependant d’une réelle indépendance. Comme les démons des Perses, ceux des Babyloniens sont méchants par nature : c’est une opposition de deux mondes que les Perses ont conçue aussi comme l’opposition de deux chefs. Les Juifs se sont posé la question de l’origine des démons : ils ont indiqué deux solutions dans le livre d’ilénoch : la chute des anges, descendus de l’Hermon pour s’unir aux lilles des hommes ; la mort des géants, nés de ces unions, dont les esprits, demeurés entre ciel et terre, sont proprement les démons. Il y a dans ces spéculations une plus grande préoccupation de la pensée grecque que du dualisme persan, car le chef des anges déchus n’y joue qu’un rôle très secondaire.

On ne voit pas non plus que Satan et ses suppôts, quoique princes de ce monde, aient eu jamais le pouvoir d’y introduire des créatures de leur façon. Quand Satan est qualifié de maître de ce monde, il est toujours sousentendu que c’est à cause du mal qui domine dans le monde jusqu’au règne de Dieu.

De sorte que nous aboutissons au point qui a, jusqu’à présent, le moins attiré l’attention, mais qui nous semble vraiment cardinal : l’idée du royaume de Dieu.

Ici la dépendance d’un côté ou de l’autre est inéluctable et nécessaire. Rien de semblable nulle part ailleurs. Qu’on veuille bien se souvenir de la prédication des Gàthas. Le règne attendu, qui est celui de Dieu et celui du bien, dont les justes procurent l’avènement, et qui aura son Messie, c’est le royaume de Dieu des prophètes et ensuite de l’Evangile. Or, s’il est une idée dont il soit possible de suivre le développement chez le peuple juif, c’est celle du royaume de Dieu et de son Messie. Sans doute les aspects sont nombreux et variés, et l’idée ne marche pas toujours en ligne droite ; mais Israël en vit comme peuple, tandis qu’elle apparaît tout à coup dans les Gàthas comme une nouvelle religion. Le Zoroastrisme ne s’explique pas plus sans l’existence d’une religion universaliste, aspirant au royaume de Dieu par son Messie, que l’islam ne s’explique sans le Judaïsme et le Christianisme. Cette première conception eschatologique est pour nous certainement d’origine juive, si l’histoire peut nous enseigner quelque chose sur la marche des idées.

Mais ne serait-il pas possible que tel trait eschatologique particulier ait reçu l’empreinte du Parsisme ? St..ve note (/. /., p. 195 ss.) que l’ancienne eschatologie des Juifs était purement nationale, c’était la glorification d’Israël en Judée à la lin des tem.ps. Si on l’a rattaclice à des périodes historiques, comme dans Daniel, ou à la consommation du monde actuel, comme on l’a fait au temps des Macchabées, n’est-ce point sous l’inlluence des Perses, qui divisaient le monde en grandes périodes marquant la lutte des deux principes, et qui par conséquent envisageaient le salut d’abord sous son aspect mondial ?

Il est possible, mais on n’a rien indiqué de précis. Nous avons déjà remarqué que les quatre empires de Daniel qui précèdent celui des saints ne concordent pas avec les trois périodes de Théopompe avant le triomphe final ; sans parler du caractère global des périodes de Théopompe, dans l’espace et dans le temps. Les Juifs avaient d’autres moyens de parvenir à l’idée d’une consommation de toutes choses. Leurs tentatives incohérentes sur le raccord du