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IRAN (RELIGION DE 1/

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les maîtres religieux d’Israël ii’oiil pas hésite à considérerCyrus comme un simpleinstiumeiit de lahvo ; c’était l’enseigneiuentdc la seconde partie d’isaie (/>., XLiv, -28). (Ju’on ait été reconnaissant aux Perses de leur tolérance, qu’on ait estimé leurs <)ualités naturelles, qu’on ait apprécié cliez eux un penchant bien moindre à l’idolâtrie et des idées plus relevées sur la divinité, tout cela ne créait aucune raison pour échanger lahvé, le créateur du ciel et de la terre, contre Alnira Mazda, qui avait aussi créé le ciel cl la terre. Tout au plus, si les Perses aimaient le vocable tic i( Uieu du ciel », était-ce un encouragement à le joindre au nom de lahvé. En pareil cas, il est diflicile de faire la part de la protestation ou de la conciliation.

Il est donc très assuré que les directeurs spirituels des Juifs n’ont pas dû être iniluencés beaucoup par la croyance nationale des Perses. Si l’ancienne relijfion s’était plutôt épurée au contact immédiat de la grande Babylone, dont la séduction était traditionnelle et pénétrait par toutes les habitudes de l’esprit, par toutes les allinités du tempérament, elle n’a pas dii reilouter beaucoup la séduction d’une religion de Barbares. Nous parlons ici de la religion d’isi’aél, telle ([u’elle a prévalu grâce à ses chefs spirituels ; il est certain par ailleurs que cette victoire n’a pas empêclié mainte revanche des superstitions babyloniennes p.irmi le peuple sur des points particuliers.

En fait, presque tous les points où l’on croit voir des rapports étroits, même la résurrection, appartiennent selon nous à la réforme persane.

Que si l’on compare le Judaïsme à la réforme elle-même, l’inlluence des Perses ne saurait être antérieure aux environs de l’an 150av. J.-C. Or il est constant <iu"à cette époque le Judaïsme était déjà dans une fcrnienlalion extraordinaire et en possession de toutes les idées qu’on dit empruntées au mazdéisme. Que l’on compare d’ailleurs la réforme de Zoroaslre au doul)le phénomène de l’évolution religieuse d’Israël et de l’évolution philosophique des Grecs ! Xi la Judée ni la Grèce n’ont été fermées aux iniluencés étrangères, mais enfin on peut suivre en Judée et en Grèce le dévelopi)emenl autonome du principe religieux et du principe rationnel, on peut en faire l’histoire.

L<’Zoroastrisine au contraire a toutes les apparences d’un système artificiel, formé d’éléments disparates, et qui n’a pas eu la force de s’assimiler la religion ancienne en la pénétrant profondément de ses principes.

LesGàthas send)lent bien un vigoureux effort pour faire de la lutte pour le bien le grand ressort de la vie religieuse. Il n’y est question ni des dieux delà nature, ni des âmes des morts, ni des sacrilices sanglants, ni de celui du Haoma. Et tout cela fait corps dans le reste de rvesta avec une vieille religion naturiste : on y voit Ahurii Mazda, auquel Ahriman, par un coup de mauvais œil, a envoyé 99.91)9 maladies, obligé de recourir à la parole divine pour se guérir ; les dieux privés de sacrilices sont sans force, et A luira Mazda lui-même en offre à d’autres divinités. Parmi les crimes les plus sévèrement punis, des vétilles côtoient des fautes fort graves. Le pouvoir mystique du chien l’enqiorte sur celui des bonnes pensées, des bonnes paroles et des bonnes actions, et il en coûte plus de donner de mauvaise nourriture à un chien de berger que de tuer im homme. Nous n’insistons pas sur ce côté grotesque, il y aurait trop à dire ! On pourra voir le résumé de la législation et des pénalités dans l’Introduction de Darmesleter au VENDlnAO II, X ss.).

Ce quc l’histoire conclut du mélangeoù coexistent une si haute tentative, en grande partie avortée, et

la survivance d’une religion naturiste, malgré un programme éminemment moral, c’est qu’à un certain moment un souille puissant a traversé la religion de l’Iran. Le Zoroastrisme n’est certainement jias plus sorti de l’ancien Iran que le Mahométisme de l’ancienne Arabie. On se plail à parler d’un génie créateur. L’histoire n’en connaît point de cette force. Il faut, pour qu’une pareille réforme réussisse, que le terrain soit i)réparé par l’éclosion d’idées nouvelles.

Darmesteter a pu se tromper sur le nom de Phi-Ion, il a du moins vu juste en reconnaissant l’inlluence de la philosophie grecque dans l’Avesta. La Grèce a-t-elle fourni aussi le ressort moral ? On peut en douter ! El, quoiqu’il soit plus facile de se représenter un isolé conduit par une grande idée morale, qu’un génie arrivant d’un bond aux abstractions de la pensée grecque, n’est-il pas beaucoup plus vraisemblable de supposer ici l’inlluence de celle de toutes les religions anciennes qui avait le plus mis en relief l’unité de Dieu et son caractère de Juge des actions morales ?

L’hypothèse contraire va manifestement à rebours de toute l’évolution historique. Veut-on que les Hébreux n’aient été en contact qu’avec les idées relevées de la réforme ? Parle-t-on de l’action littéraire des seules Gàthas ? Ou bien ont-ils connu vaguement l’ensemble représenté aujourd’hui par l’Avesta ? Dans les deiix cas il leur était facile de constater combien leur système religieux était plus cohérent et plus ferme.

Les Juifs ne pouvaient pas agir comme nation sur les Perses, mais ils ont dii chercher à atteindre leurs sages. Pourquoi n’auraienl-ils pas adopté la même attitude envers les Perses qu’envers les Grecs ? Sans rien céder de leur dogme fonilamental, ils se sont eft’orcés de donner satisfaction à la réflexion philosophique. Il serait étrange qu’ils n’eussent rien essayé de semblable auprès des rois parlhes. Les colons ou les négociants de leur nation ne manquaient pas en Hyrcanie. De leur côté, les Mages ne restaient pas inactifs. Tout l’Orient a dû prendre position vis-à-vis de l’hellénisme.

En Syrie et en Egypte on a procédé par syncrétisme, et, sans le secours divin, le Judaïsme eût été emporté dans le mouvement général. Il s’est repris, non sans recevoir une allure déterminée de ce contact. Ne [)eul-on pas regarder le Zoroastrisme comme une tentative semblable ? Zoroastre n’a pas subi l’influence de Pliilon, soit ! Il a été le Philon de la Perse, un Philon déguisé. Pour fermer à la religion des Grecs l’accès de l’Iran o>i pour l’en chasser, il a entrepris de restaurer et de vivifier la religion et les mœurs nationales. HlinoDOTE I, 135), allirme que les Perses avaient emprunté aux Grecs leur vice favori. Or, l’Avesta punit la sodomie avec la dernière rigueur. Les coupables peuvent être tués par le premier venu et le crime ne peut être pardonné, ni dans ce monde, ni dans l’autre. N’est-ce pas par réaction ? Une autre manière de réagir consiste à s’assimiler les meilleures parties du système adverse ; ne voulant pas aller jusqu’au syncrétisme religieux, qui est une défaite déguisée, on devait s’arrêter aux idées philosophiques.

Ces présomptions générales ne dispensent pas d’un examen plusdélaillé. On sait qu’il y a deux écoles opposées. Commençons par ceux qui veulent que les idées des Perses aient été modifiées par le Judaïsme. Darmesleter a indiqué plusieurs points, non sans exagérer les rapprochements.

On assigne d’abord la création. L’ordre définitif dans la théologie parsie est : le ciel, les eaux, la terre, les plantes, les animaux et les hommes. Donc six actes, comme dans la Genèse, et le même ordre.