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IRAN (RELIGION DE L’j

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qu’elle n’avait pas pécbé. Un trait marque à quel point le caraclèi-e national s’adirmait dans les idées sur les lins dernières. L’idée de la rélril)Ulioii chez les Parsis a ceci de particulier que toutes les bonnes actions sont pesées contre toutes les mauvaises. Ou ne s’arrête donc pas au dernier état dans lequel se trouve le pécheur. Or, c’est précisément la méthode des anciens Perses, d’après Hérodote ; quand il s’agit de châtier un serviteur, on ne le punit pas pour un seul crime, on tient conq)le de toute sa vie (Hiiu., I, là"} ;

Leur sentiment très vit" de la justice a-t-il conduit lis Perses de 1res bonne heure à la doctrine de larétril )Vilion ? En l’ait, les renseignements nous l’ont défaut. It serait très osé de soutenir que cette idée naît plus lacilemcnt dans le dualisme, car le monothéisme est incontestablement plus favorable à l’idée d’une strie te justice exercée par le maître de toutes les créatures. Le dualisme suggérerait plutôt l’idée d’une lutte qui aboutirait à l’élimination des mauvais, de telle sorte (pie le lrionq)he des bous n’aurait lieu qu’au moment (lu triom|ihe du Bien. El en elïcl toutes les idées de la rétribution des justes, dans l’Avcsta et dans les Gàthas spécialement, sont étroitement liées à de grandes vues mondiales. Sur ce point encore, où sont les concepts primitifs ?

Nous répondrions volontiers : dans le mythe de Yima. Le Zoroaslrisme a distingué très nettement comme deux stages de la vérité religieuse. Zoroastre représente la révélation complète, Yima la vie piofane antérieure, et, parce que toute vérité religieuse, étant absolue, remonteen principe à l’origine des choses, l’Avesla imagina que si Yima n’avait pas [iromulgué la i-évélation, c’est qu’il n’avait [las voulu. K Alors Ahura Mazda répondit : ’Yima, le beau, ’( le bon berger, ô saint Zaralhustra, a été le pre(( mier des hommes par qui, moi,.hura Mazda, je

« me suis fait interroger, en dehors de loi, Zaralhus-Ira, 

et pour lui j’ai proclamé la religion du Sein gneur et de Zarathustra. Moi, Aliura Mazda, je lui (( ai dit, ô Zarathustra : « Beau Yima, lils de

« Vivanhal, accepte de moi d’étudier cl de porter la

(I religion. » Alors, ô Zarathustra, le beau Yima me

« répondit : " Je ne suis pas créé, ni ne suis instruit

<( f)Our étudier et porter la religion. » Alors, Zarathu. -, tra, jeluidis, moi, Ahura Mazda : « Si toi, Yima, n lu n’acceptes pas de moi d’étudier et de porter la religion, alors fais prospérer mes êtres, fais progresser mes êtres, accepte de moi d’entretenir, de

« i>roléger et de gouverner mes êtres. » CVendiuad, 

II, 2-4, traduction SoDKRBLOM.) Yima accepte, et sous sa direction l’humanité immortelle se multiplie tellement que, par trois fois, Yima est obligé d’agrandir la terre d’un tiers.

Tout à coup la scène change, et nous nous trouvons en présence d’un second chant de Yima où Zoroaslre ne figure plus et qui n’en a que plus de chances d’être mieux conservé dans sa forme primitive : « Le roi Yima lit une assemblée des hommes les meilleurs, là, dans le pays de la bonne Dàitya, le fameux Airyana-’Vaêjah (le lieu d’origine des Iraniens, d’ai)rès la légende) A l’assemblée alla le créateur, Ahura Mazda, avec les dieux spirituels, dans le pays de la bonne Dàitya, le fameux Airyana-Vaèjah….Mors parla Ahura Mazda à Yima ; Alors

Tomj II,

Yima lit comme Ahura Mazda le lui ordonnait. Il foula la terre avec ses pieds et la pétrit avec ses mains, comme les hommes à présent rendent la terre humide… Tous les quarante ans naissent pour cha(ue couple humain deux êtres humains par couple, femme et houmie, de même pour les espèces d’animaux. Ces hommes vivent de la vie la plus belle dans les "Varas que Y’ima a faits. » (^eni>., II, yv. 20I’, 22’,

21 », 25", 32, 4l. Trad. SÔDERBLOM.)

Depuis Er. Lenormant, nous sommes accoutumés à voir comparer les hivers de Mahrkusa au déluge, et le’Vara de Yima à l’arche de Noé. Les rapports sont plus apparents que réels, car le déluge appartient au passé, les hivers à l’avenir. Darmesloter, il est vrai, a pensé que le rédacteur du Vendidad avait transporté le mythe diluvien dans l’eschalologie zoroaslrienne. Cela est d’autant moins probable que le mythe estmoins à sa place dans ce système avec lequel il cadre mal. Aussi croyons-nous avec MM. Uscner, Lehmann et Suderbloni (/. /., 1>. 180), que le Vara de Yima est censé exister : il est caché sous terre, alin qu’on ne se donne pas la peine de le chercher, et l’humanité qu’il renferme est destinée à repeupler le monde après le grand cataclysme du froid. Le froid est la grande terreur des Iraniens. L’Airyana-Vaèjah, leur berceau, est un pays idéal, mais les hivers sont durs (Vendidad, I, 4). Le froid est la création et la demeure du mauvais esprit.

>fous touchons ici à une concei)lion vraiment iranienne, populaire, savoureuse, dont la haute antiquité n’est pas contestée. L’histoire du monde est charpentée simplement : le bonheur de la lin correspondra à celui du commencement. Mais nous avons déjà fait remarquer que cette eschatologie cadre mal avec celle de Zoroaslre, et nous sommes un peu surpris qu’on ne mette pas davantage en relief ces divergences. Dans cette vue primitive, le monde des vivants périra par le froid ; aussi n’est-il [las question d’un incendie du monde ni de l’épreuve du métal brûlant. Le monde sera repeujdé par la mystérieuse réserve du Vara ; il n’est donc aucunement besoin de la résurrection. L’humanité future n’est pas l’asserabléedes justes gloriliés avec Mazda ; elle esl cependant digne des idées élevées qui hantent toutes les eschatologies, parce que c’est l’humanité immortelle des premiers temps. Il était assez facile à la théologie du ix’siècle de considérer le Vara de Yima comme un épisode qui ne faisait pas ombrage à la doctrine de la consommation zoroaslrienne (/^i « ^ « r/."II, i) ; mais celle interprétation n’esl-elle pas contraire à son sens primitif ?

Le mythe de Yima se passe de la résurrection. Quand donc cette idée s’est-elle acclimatée chez les Perses ? Darmesteter lui-même croit la constater déjà au temps des Achéménides. C’est aussi l’opinion commune, et cependant elle nous semble reposer uniquement sur deux fondements très précaires.

Le texte d’Hérodote (Hiin., III, 62), du moins, devrait disparaître de cette controverse. Cambyse apprend que son frère Smerdis, dont il a ordonné la mort, a été proclamé roi.’Prexaspe déiilare à Cambyse qu’il a enseveli Smerdis de sa juoprc main :

« Si donc les morts ressuscitent, attends-loi aussi à

voir reparaître Astyage le Mède » (E(, (/. ; v vj » ol isSvswtî ; i’vy.TTïy.Tt, Tzp’iç^zy.so r-ji /y.t’A ?Tjc<-/£a TÔy M<cey è ; T « vKCTTï ; « 76^(). jj (sans accent, même dans Darmesteter) ne signilje pas « maintenant » ; c’est l’enclitique Jonc :

« mais s’il en est comme jusqu’à maintenant, il ne

surviendra de sa part aucun inconvénient n. Manifestement Prexaspe envisage la possibilité d’un mort qui revient, vraiment ressuscité. Nous savons aujourd’hui que cette idée était courante en Babylonie. Pour le Perse, elle esl plutôt chimérique : on ne

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