Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/562

Cette page n’a pas encore été corrigée

un

IRAN (RELIGION DE L’)

1112

Au premier abord on croirait qu’Hérodote attribue aux divinités des Perses un caractère fort spirituel : ils n’ont pas de statues, ni de temples, ni d’autels. Il faut lire jusqu’au bout, et la pensée devient claire : les Perses ne prêtent pas aux dieux une nature semblable à la nôlre, ils ne leur bâtissent donc pas de maisons, ni par suite d’autels permanents. L’antliropomorpliisme, et sa conséquence, l’idolâtrie, sont, dans l’ancien monde, le privilège fâcheux des peuples les plus avancés dans la culture et dans les arts. Le culte des Perses n’en est pas moins rattaclié à la nature. Ils sacrifient sur les sommets les plus élevés, sans doute pour mieux embrasser le ciel, car o ils nomment Zeus, c’est-à-dire le dieu suprême, tout le cercle du ciel. Or ils sacrifient au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à l’eau et aux vents » (Hkr., I, 131 :

as/rivr, y.vÀ yv] y.y.i TTjpl /.y.i ûcart z « ( àyéy-îtfff). II n’y a pas lieu de juger les Perses plus sévèrement que les Sémites : nous ne voulons point trop presser les paroles d’Hérodote, et nous admettons volontiers qu’il s’agit du maître du ciel, du génie du soleil, etc., et que l’objet de l’adoration n’était point le corps matériel lui-même. Mais qu’Hérodote ait vu juste, c’est ce que prouve sa réflexion sur le culte de la déesse céleste. Ce culte leur est venu, dit-il, des Assyriens, qui la nomment Mylitta, et des Arabes, qui la nomment Alitta : les Perses la nomment Mitra. Il faut lire Anahita, car Mitra est un dieu masculin, et les éranistes ne peuvent qu’applaudir ; ils sont en effet d’accord pour reconnaître que le culte d’Anahita a été presque complètement assimilé à celui de la déesse sémitique Nana-Iclitar-.^starté, même dans la forme plastique qui lui a été donnée. D’a])rès Lehmann, c’est même une déesse sémitique. Il y aurait lieu cependant d’admettre une divinité des eaux purement iranienne, l’immaculée, transformée par le contact du sémilisme.

Car les Perses ne pouvaient manquer de verser dans l’idolâtrie. Ils ont re])résenté, sur les palais de Persépolis, le dieu suprême comme uu monarque dont le buste humain jaillit du disque ailé. Lehmann croit savoir que ces représentations n’étaient pas orthocfoxes ! Peu à peu on étendit ces représentations aux autres génies. On en reconnaît plusieurs sur les monnaies des rois indo-scythes ; ce sont bien celles des divinités indiquées par Hérodote : Mào, le dieu lune ; Vàto, le dieu vent ; Mithra, le dieu soleil (Maspero, Histoire, III, p. â80 s.).

Ce qui concerne le sacrifice est encore plus caractéristique d’une religion naturelle et peu développée. Les braves Perses d’Hérodote ont à cœur de sacrifier largement : Xerxès immole mille bœuls à.théné Iliade sur les ruines de Troie, et les mages font des liliations aux héros (HÉn., VII, ^3). Ailleurs les mages sacrifient des chevaux blancs (Hnn., VII, 113), et c’est même la coutume des Perses, dans les cas graves, d’ensevelir les gens vivants (Héb., Yl, ii/|).

Les rites du sacriûce sont des plus simples, et rappellent de loin les coutumes sauvages des.rabes de S. Nil. Il n’y avait pas d’autel, et on n’en éprouvait pas le besoin, puisque rien n était offert aux dieux. Le rôle de l’autel proprement dit ne s’impose que lorsqu’on brille une partie de la victime. Les autels signalés à Nakhsh-1-Roustem, la nécropole de Persépolis, et à Meshed-i-Mourgal, sur remplacement de l’ancienne Pasargades (Maspeho, Histoire…, III, p. 5gi s.), sont donc probablement des imitations royales des Grecs ou des Babyloniens. D’abord, on cuisait la viande, mais pour la manger. C’est l’antique immolation du bétail pour banqueter en l’honneur des dieux. En conséquence, celui <pii olTre le sacrilice immole lui-même, mais il prie en même temps pour

tous les Perses ; W. R. Smith aurait pu voir ! à un vestige de l’immolation par clans. Un mage est requis pour chanter une théogonie ou épode, c’est-à-dire non pas les manifestes politico-religieux des Gàthas, mais sans doute une série d’invocations, une litanie, comme on en trouve beaucoup dans l’Avesta. On semble inviter les dieux à prendre leur part, comme à Babylone, et dans ce but la viande est dressée par morceaux sur de la verdure’. On attend un peu : et comme ils ne se présentent pas, on emporte le tout-. Les libations sont exclues avec le reste de cet appareil des Grecs qui avait en partie pour but de justifier l’immolation de la victime, les llùtes, les bandelettes, l’eau versée sur la tête, l’orge qui lui était offerte.

Donc, au temps d’Hérodote, le système religieux de l’Avesta n’avait prévalu, ni à la cour, ni dans le peuple. On est d’ailleurs contraint de renvoyer son éclosion à une époque obscure, sur laquelle les renseignements nous manquent complètement, car il est bien évident que les Grecs n’auraient pas assigné des milliers d’années à Zoroastre si sa réforme avait en lieu pendant qu’ils entretenaient eux-mêmes avec les Perses des rapports fréquents. On peut aiBrmer qu’elle ne leur aurait i>as échappé, et nous en saurions quelque chose. De plus, quelle cause pouvait décider le grand roi à embrasser une religion nouvelle ? N’élait-il pas déjà adorateur de Mazda ? A-t-il suivi un entraînement général demeuré ignoré des Grecs ? Aucun intérêt national ou dynastique n’était en jeu, et d’ordinaire les poxivoirs laissent aux doctrines le temps de faire leurs preuves. Constantin n’a embrassé le christianisme qu’après des persécutions cruelles et on ne place le roi bouddhiste.çoka que cent ans ou plus après la mort du Bouddha. Encore les deux princes ont-ils débuté par des édits de simple tolérance.

Si la réforme n’a pas prévalu sous les Aehéménides, si elle ne paraît nulle part de leur temps, qu’on ait donc le courage de reconnaître ([ue fe livre qui la promulgua n’existait pas. C’est ainsi qu’on raisonne dans tous les cas semblables. Une théologie abstraite sous les Perses avant Cyrus est une invraisemblance historique telle qu’elle ne doit céder qu’à des preuves positives. Ces preuves font absolument défaut.

La réforme, qui n’avait aucune raison d’être sou& les Achéménides. devait entrer plus tard dans le courant normal de l’histoire. Si c’est un truisme de dire qu’elle eut ses causes déterminantes au moment où elle triompha complètement, — à l’avènement des Sassanides, — il faudrait peut-être chercher son point de départ dans des circonstances analogues.

Nous avons dit à quel point la conception des Gàthas est systématique ; c’est une religion que chacun doit embrasser par raison et qui convient à tous Mais c’est en même temps une religion intimement nationale, et qui, de fait, n’a jamais franchi les limites de la race iranienne. Elle a des prétentions à l’universalité, comme le Judaïsme, mais elle est, comme lui, et plus encore, parce que beaucoup

1. Oldknberg, La Religion du Vèda, trad. pur V. Henry, Paris, iy03, p. 26 : « L’eniplaceiiient du sacrifice est orné d’une jonchée ou d’un coussin d’herbes qui est censé le siège de la divinité : en védique, c’est le barltis ; dans r.ve8l<i, le baresman. m

2. Strabon atteste de son côté qu’on ne laissait rien aux dieux, cai- ils ne désiraient que l’âme de la victime ; cependant, d’après quelques-uns, on luettuil sur le feu une petite |)arlie de l’épiploon (Stbabox, XV, ni, Kil. Cet usage était connu de Catulle ; 1 Avesta lui-même a conservé des traces de ces sacrifices sanglants dans cerinines purificutinn

« (D.Mr, :.. ii, p. 2ï’i)et iqiris les funérailles (11, p. 15<i

note :  ; ’. !).