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INVESTITURES (QUERELLE DES)

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dilKcilc ique soit celle évalualion, nous croyons pouvoir ne dater que du xix" siècle la faculté vraiment générale de placer rruilueusement son argent.

Mais, par sa sévérité, l’Eglise n’a-t-cllc pas nui au l)ien de l’huiuanilé, à la prospérité économique de divers pays ? — Si ces pages en offraient l’occasion, quelle éloquente réponse ce deuxième grief pourrait recevoir !

Durant plusieurs siècles, la sévérité de l’Eglise a été la sauvegarde du petit peuple. L’Eglise a déclaré la guerre à des abus formidables, qui menaçaient de ramener une société ]iaienne fondée sur l’esclavage. A propos de la discipline de l’Eglise sur l’usure, Claudio Jannkt n’hésite pas à écrire : « Son application rigooireuse élait… dans les siècles précédents une mesure de salut public indispensable… Tous les fruits de l’émancipation des serfs eussent été perdus ; les grands propriétaires auraient détruit toute indépendance dans les populations vivant autour d’eux, comme à RonuM’t dans U Grèce ivncienne. » (Le capilat, la ipt’cnlaliim et la finance, c. m.)

Quand vint l’époque où le commerce d’abord, puis l’industrie, prirent un inagniliqu^" essor, l’Eglise, par sa sévérité, s’est opposée aux placements de tout repos, favorables à l’avarice comme à l’inertie. Elle a stimulé l’activité intelligente de ceux qui voulaient des proiits. Elle leur a (lit : « Je ne vous défends point de chercher des bénéfices, d’engager vos capitaux dans des entreprises lucratives. Mais je ne veux pasqu’àl’aide d’un argentqui chez vous demeurerait oisif, vous préleviez uneilime sur le travail ou la nécessité d’autrui. » Et ce langage de l’Eglise poussait les hommes à chercher les entreprises lucratives et à les multiplier.

L’on ne pourrait pas même taxer d’inutiles les détours, quelquefois subtils, par lesquels on s’évertuait à échapper aux rigueurs des lois. Ils ont amené des combinaisons ingénieuses de change, d’assurance et de société, dont nous profitons encore à l’heure actuelle. Gomme toujours, l’obstacle et la dilliculté ont engendré l’invention. Et à voir où la soif immodérée du gain conduit la société présente, l’on est peu enclin à reprocher à l’Eglise d’avoir opposé des barrières à l’avarice et à la cupidité.

Mais si l’Eglise défendait une si bonne cause, n’a-t-elle pas eu torl de la délaisser, et de se ranger maintenant du côté des prêteurs à intérêt ?

Et qui vous dit que l’Eglise ait délaissé cette bonne cause ? Autrefois, l’intérêt était l’usure. Voilà pourquoi les foudres de l’Eglise le frappèrent. Aujourd’hui, il y a intérêt et usure. En permettant le premier, l’Eglise a-t-elle moins de force pour condamner l’usure des temps actuels ? L’Encyclique lierum novarum ne dénonce-t-elle pas vigoureusement les formes nouvelles de l’usure et de l’exploitation des hommes ?

D’autre part, dans notre monde moderne, le simple prêt à intérêt joue un rôle plus modeste et plus effacé. Bien à tort, quelques auteurs, même catholiques, lui portent en compte la crise sociale où nous nous débattons. Les témérités malhonnêtes des lanceurs d’affaires, les jeux cl les spéculations stériles, le luxe et les prodigalités qui suivent ces excès, voilà ce qui trouble profondément notre ordre économique. En toutes ces affaires véreuses, il s’agit assez peu de simple prêt à intérêt.

Devant les déconvenues de l’école manchestérienne et l’absolutisme révolutionnaire de l’école socialiste, une appréciation plus saine et plus équitable de la conduite de l’Eglise revient partout en faveur. Des hommes versés dans les sciences économiques reconnaissent que, sous l’influence des conditions sociales, l’intérêt normal peut descendre jusqu’à zéro. Ne se

Tome II.

rapprochent-ils pas de la sorte des persuasions catholiques en matière de prêt à intérêt ? Un illustre économiste anglais, spécialement versé dans l’histoire et doyen de la faculté commerciale dans la nouvelle université de Birmingham, M. Ashi.hv, n’a pas hésité à écrire que, dans le [)assé, la « doctrine canonique était l’expression légale, et, on peut bien l’ajouter, morale oie la situation économique du temps ». (The canonist doctrine was but the légal, and it may be added, the ethical expression of économie conditions. An Inlioduction to English Economie, llislory and Theory, vol. 1, p. i, 1. i, c. i, § 17.) Nos considérations précédentes peuvent donc se résumer en ces quelques mots. L’Eglise a pris parti pour la vérité. La vérité ne saurait causer de dommage définitif.

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— Brœdersen (pasteur janséniste), De usuris licilis et iltieitis, Leyden, 1^43. — Concina, O. P., Cornmentarium udversus usuram, 1 vol., Romae, 1748’— Endemann (non-catholique),.Studien in der Jlomaniscli-cunonistisclien Wirtscliafts-und-Jteclitslelire, a vol., t. II, viii : Das Interesse : Dus Darlelien, Berlin, 1883. — Funk, lleclit und Moral in LIezug auf das H’irtschaflleben ; — Zins und ll’uclier im cliristlichen Alterthuni : Scipio iIaffei und das kirkliclie Zinsierhot : — Gescliicltte des kircliliclien /.ins^erbotes, Tiibingen, 186g, 1876, 1876, 187g, igoi (voy. Tlteotogische Quartalschrijt).

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— S. Thomas, ’<omme tliéologique, II, II, q. 78 ; — De malo, q. 13, t. 2, art. 4- — Van Roey, De iusto auctarin et contracta crediti. Dissertatio historico-moralis, Lovanii, igoS. — Vermeersch, S. J., Qaæstiones de Justitia ad usum hodicrnum scholastice disputatae, éd. Bruges, 1904. — Weiss, O. Pr.,.Sociale Frage und sociale Ordnung, p’reiburg in Brisg., 1898. — Zech, Higor moderatus doctrinæ ponlificiæ circu usuras a S. D. A’. Henedicto XIV per epist. encycl. traditus, etc. i vol. Ingolstadt, 1751.

A. Veb.mbersc.u,

S. J.


INVESTITURES (QUERELLE DES). — Notion de l’investiture. — Origine de l’investiture laïque.

— Conséquences de l’investiture laïque. — Préludes de la réforme. — Condamnation de l’investiture laïque. — Opposition aux décrets condamnant

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