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FRAxNC-MACONNERlE

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seulement lies priUenlions de certains historiens qui, - nis le pi-élexle que la secte « a toujours existé, -mon en acte, du moins en puissance de devenir, vu i|M(lle répond à un besoin primordial de l’esprit liuuiain » (W’iiitu, Le Livre de l’Apprenti, p. il), lui attribuent une existence de plusieurs milliers d’années. Em. Uebold en est le type : dans son Ilisluire, encore si vantée, des Trois Grandes J’-uites, il allirme que la Franc-Maçonnerie est « issue d’une antique et célèbre corporation d’arts et métiers fondée à Home en l’an yiS avant notre ère par le grand législateur Numa Pompilius » (p. 697) ; sa « Liste des Grands-Maîtres 1. commence à l’année 292, par « Albanus, architecte, premier grand inspecteur de la Franc-Maçonnerie dans la Grande-Bretagne », et, jusqu’en iGGo, cette liste ne com[>orte pas moins de dix rois et neufévcques ou arclievè((ues, dont saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry (p. 681) ; sa « Notice histori que sur les principaux Congrès et Couvents maçonniques )) commence par celui d’York, en gSG, (p. 0 ; 6).

(>ette façon de présenter les choses est absolument illusoire. Si le « compagnonnage « paraît avoir existé de tous temps parmi les ouvigers constructeurs, et si parfois leurs associations ont adopté des rites, plus ou moins secrets, qui n’ont pas échappé aux ci-usures ecclésiastiques (voir Cl. Jannet, Les l’récur.. iirs de la /"ranc-Marunnerie) ; si, d’autre part, la 1 auc-Maçonnerie moderne a emprunté à l’histoire U- l’architecture certaines légendes et certains sym-I les. il ne s’ensuit nullement qu’elle soit aussi .i.icicnne que l’ai-t de bâtir ! « Il est singulier de rencontrer dans récriture accadienne le triangle A comme signe de la syllabe Rou, qui a le sens de faire, b.*itir. — Si ce n’est qu’une simple coïncidence, elle

: tout au moins frappante, et les maçons enthou

istes pourront y voir un indice de la haute antiquité de leur symbolisme, car les manuscrits chaldcens dont il s’agit remontent à plus de 4-500 ans avant notre èi-e. » (Lii’re de l’Apprenti, p. 13.) Cette façon de M. O. Wirtli de favoriser 1’  « enthousiasme » de ses frères.’, poiu" l’antiquité de leurs illustres origines caractérise bien le prétendu « positivisme » de la secte.

Des textes connus indiquent la différence qui existe entre la Franc-Maçonnerie coustriictive ou o/jér

« //ce, telle qu’elle subsista jusqu’au xiii’siècle, et la

Franc-Maçonnerie spéculative moderne, telle qu’elle fui fondée par la Constitution de 1^23. Les règlements de la première portaient partout, au éhapitre « devoirs envers Dieu et la religion », l’article suivant : « Ton premier devoir comme maçon est que tu sois fidèle à Uieu et à l’Eglise, et que tu te préserves des erreurs et de l’hérésie. » Dans la charte constitutive de la "condc (charte dont nous indiquerons plus loin la -I iicse et le sens complet), on lit tout autre chose :

Devoirs envers Dieu et lu Heligiori. — Le maçon, i’.ir sa profession, est obligé d’obéir à la loi morale, et s’il entend bien l’art, il ne sera ni un athée stupide, ni un libertin irréligieux. Mais quoique, aux anciens temps, les maçons fussent tenus, dans chaque pays, d’être de la religion de ce pays ou de eettenation, quelle qu’elle fut, maintenant on croit plus expédient de ne plus les obliger qu’à la religion dans laquelle tous Us hommes s’accordent, en laissant à chacun ses opinions particulières ; c’est-à-dire que les maçons doivent être des hommes bous et véridiques — (good nieu and true) — ou des hommes d’honneur et de probité, pur quelques dénominations ou convictions qu’ils soient [du reste] distincts. Par là, la maçonnerie devient le centre d’union et le moyen de constituer une véritable amitié entre les gens qui [sans cela] seraient forcément restés dans un pcrpéliiel

éloignemcnt les uns des autres. » Ainsi définie, la maçonnerie cessa d’être chrétienne, pour devenir 1 humanitaire et entraîner ses adeptes aux révolutions ! les plus radicales par les voies obliques de 1’  « adogmatismc », de la « laïcité » et delà « sécularisation » de la vie humaine.

Mais d’où venaient ces principes nouveaux ? Au fond, ils n’avaient rien de nouveau : ils avaient été ceux des « omniscients » du Moyen Age et de toutes

« les sectes recherchant le secret éternel de l’humanité, 

de ces gens qui, ne pouvant comprendre et définir Dieu, las de le chercher en vain, trouvèrent plus commode de magnifier la matière «.Les gnostiques, avec leurs théories sur le panthéisme, la divinité de la raison humaine et l’indépendance de la morale (voir M.vTTER, Histoire du Gnosticisnie) ; les Manichéens, les Albigeois, les Templiers dégénérés, les Protestants, les Déistes anglais (Toland, Bolingbrook, CoUins, Tindall, Wolston), peuvent être considérés comme les ancêtres intellectuels des francsmaçons ; beaucoup d’entre eux fondèrent même des sociétés secrètes analogues aux futures loges. (Voir à ce sujet les références données par N. Deschamps et Cl. Jannet.) Quant aux précurseurs directs, les correspondances maçonniques et les travaux des loges du XVIII* siècle montrent que les plus infiuents furent les alchimistes et les Kabbalistes : citons parmi eux Raymond LuUc (auteur du Grand Art), Thomas Morus (auteur â’C’topia), Tliéoplirasle Paracelse, Socinus (Lclio-Sozzini), Jacob Boehm (panthéiste), Valenlin Andréa (cet abbé d’Adelsberg qui fonda sans le vouloir l’ordre des Rose-Croix, en publiant plusieurs romans qui provoquèrent en Allemagne la fondation de diverses associations), Robert Fludd. François Bacon (auteur de la Nouvelle Atlantide), Pierre Bayle (dont les doctrines furent très répandues en France), Svedberg (dernier théosophe célèl )re, inspirateur des Martinistes et des Balsamistes, anobli sous le nom de Swedenborg), NVillermoz, etc. (Voir G. Bord, La Franc-Maçonnerie en France, )

Avec ces derniers noms, nous entrons dans la période où la Franc-Maçonnerie a déjà reçu son organisation et ses principes modernes, source d’une effroyable puissance de destruction. Parlant des théoriciens des siècles précédents, un savant alchimiste contemporain (car la philosophie et les rites maçonni(|nes modernes sont encore tout imprégnés d’alchimie), M. Oswald Wirth, écrit qu’  « ils ont projeté leur pensée dans l’atmosphère mentale de la planète ». « Ils l’ont imprimée dans la lumière astrale de notre globe terrestre, continue-t-il en s’exprinianl comme Paracelse… Ainsi notre constitution s’est trouvée créée en quelque sorte à l’état de fantôme, d’àme en peine de vivre sur le plan physique, de se réaliser pratiquement et de s’incarner à cet effet. Cette entité spirituelle ne guettait plus que l’occasion de prendre corps. Elle s’offrit en 1717. » (Acacia, n" de novembre 1909, p. 2f)i.)

11 !. La tbéorie de l’origine jijive. — Parmi les explications qu’on a données de l’a’uvre maçon nique, l’une des plus répandues aujourd’hui dans le public consiste à prétendre que la célèbre association ne serait qu’un instrument créé par le judaïsme pour détruire la civilisation chrétienne. Que les Juifs soient heureux des deslrmaions qui s’accomplissent et qu’ils cherchent, qu’ils réussissent même à en tirer profit, c’est incoutestalile ; mais que les loges soient une émanation de leur puissance, c’est histori (iuement indémontré. On a constaté cpi’au xviii’siècle les Juifs maçons furent une infime minorité : on n’eu connaît peut-être pas une douzaine, et cela s’exi)lique par ce fait qu’ils étaient systématique-