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INTELLECTUALISME

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sont nécessairement et absolument jointes avec la Térité. — En d’autres termes, le Christ n’est pas seulement né et venu au monde, pour rendre tén » oignage à la vérité (Jean, xviii, 37). Il a pu dire encore Térilablenienl et proprement : Je suis lu Véiité (ibid., siv, 6). Mais les concepts, les jugements, les discours, de Celui <|ui est la Vérité sul>sislante, délinissent la vérité créée, loin qu’elles puissent s’en écarter en aucune sorte. « Ce que j’ai vu cliez mon Père

« ’est ce que je dis » {.lean, viii, 38) : il n’a pu

parler que sincèrement, < naïvement », vraiment, <ies choses divines. — Autrement encore. Si, comme le dit la proposition condamnée sous le n° ao par le <lécret I.amentahili, la révélation n’a rien pu être que la conscience acquise par l’homme de sa relation à Dieu, c’est avec raison peut-être qu’on entreprend une critique rationnelle de l’expression qui manifeste de pareils phénomènes de conscience. Mais si nieu s’est fait homme, la manifestation même de vette conscience, son passage en catégories humaines t^e trouvent consacrés par l’autorité de Dieu. Les objections modernistes qui partent de la dilTérence entre le phénomène originel de l’expérience religieuse et ses « formes secondaires « , autrement dit, de l’impuissance du concept humain à traduire les réalités divines, s’évanouissent donc devant la réalité de l’Incarnation.

Il est bien clair qu’on n’a pas la prétention, dans tout ce qu’on vient de dire, de prouver la vérité des dogmes catholiques. On ne prouve pas tous les dogmes en aflirmant un dogme. Mais on montre

« omrænt ils se tiennent, ou mieux comment un

dogme particulier rend raison de la nature des autres dogmes, et explique aussi cette audace dogmatique de l’Eglise, qui nous dicte tant et de si précises Jillirmations sur les objets les plus cachés et les plus sublimes. Elle a entendu le Fils. — Les adversaires, inversement, en faisant la critique générale du dogme, prennent position sur un dogme. Us commencent par dire que Jésus fut un ouvrier de campagne, qui crut que la tin du monde allait arriver,

« l qui mêla à cette grossière imagination un rêve

sublime. Ils prennent, par le fait, position sur l’ensemble ou pIutiM contre l’ensemble du catholicisme. Le Verbe ne s’est plus fait chair, le monde matériel n’a plus été sanctifié par Lui, et il n’y a plus de <’onlinuité entre nos paroles humaines quand nous disons le Credo, et les paroles humaines de l’Emmanuel, de Dieu même, quand il conversait avec ses disciples.

Il est clair encore que ce quia été dit laisse entière la question de l’identité des dogmes enseignés aujourd’hui par l’Eglise avec ce que le Christ a dit ans siens. Cette question est en dehors de notre objet propre : nous n’avions qu’à montrer qu’à l’orii’ine de la Révélation et dans la bouche même de 3 Heu l’expression de notre foi était conceptuelle. La distinction entre concepts vulgaires et concepts

« avants est, après tout, accidentelle. L’intellectualisme

dogmatique a gagné sa cause, s’il a montré

« (u’il peut y avoir, entre son Credo et la révélation

faite par Dieu même, homogénéité. Cette homogénéité nous est garantie par l’Incarnation du Verbe. /Virii/H^, dit saint Thomas, secundum humanam natiiTtini hahel perfectiiinem aliis homogeneam, et est frincipium quasi uniiocum, et est régula conformis, fl unius generis : … hæc complet in ipso rationcm capilis (III sent. d. 13, ((. 2, a. 1 sol.).

On le sait, les saints Pères ont souvent déveloiipc cette notion de la Kévélalion qui réclame l’Incarnation du Verbe non seulement pour que nous soyons rachetés, mais encore pour que nous soyons instruits <Ies vérités divines. On peut lire saint Irénéf, V, i ;

saint Athanase, Sur l’Incarnation du Verbe, ch. xiv, XVI, XLV, xLvi. — Le fond de la doctrine exposée par nous dans cette section est résumé par saint (’iHKGOiHK LK Ghanij en ces paroles : Dum difinitas defectum nostræ carnis suscepit, hunianum genus lumen, quod amisernt, receptt. Unde eniin Deus Itumana patitur, inde liomo ad divina sublevatur (llom. ir in Evang.). Saint Irénéh dit encore que le Verbe s’est fait enfant pour converser avec nous :

7UVcV » ; 7T1KÇ£V IV, XXXVIIl).

m. Intellectualisme librement discuté. — Après avoir exposé quel intellectualisme l’Eglise rejette et quel intellectualisme elle consacre, il nous reste à dire quel est celui qu’elle laisse matière de libre discussion.

Il sulUt à l’Eglise que soient saufs ses dogmes, et les conséquences qui en découlent touchant la valeur limitée, mais réelle de la connaissance conceptuelle ; elle n’impose par ailleurs aucune systématisation déterminée sur la nature et l’activité de l’intelligence, ou sur ses rapports avec la volonté. En fait, les deux systèmes philosophiques les plus célèbres dans son sein, et qui ont servi de base aux deux écoles de théologie les plus tranchées, le thomisme et le scotisme, se trouvent précisément, sur ces points, en opposition irréductible. La volonté a la primauté chez ScoT, et chez les Franciscains en général ; leur système est couramment et justement caractérisé comme anti-intellectualiste et volontariste. L’intelligence a la primauté chez saint Thomas ; on peut dire que sa philosophie est fondée siu- un intellectuali. sme intransigeant, radical.

Mais, quand on parle ainsi, il importe de l’observer, on prend intellectualisme ausens métaphysique, an sens où. le prend la délinilion de Littré citée au tlébut (le cet article. Le cœur de l’intellectualisme thomiste, c’est sa thèse sur la béatitude : il affirme que l’Etre infini, que Dieu, bonheur et Fin dernière de l’homme, est possédé, à proprement parler, par l’intelligence, et non par la volonté’. C’est dans la vision intuitive de Dieu que l’intellectualisme thomiste voit l’idéal de l’opération intellectuelle, et la raison dernière de tout le mouvement de l’intelligence surnaturalisée. C’est dans l intuition des (I Intelligibles subsistants », des purs esprits vivants, qu’il voit son plusnoble exercice naturel. Or cetteidée qu’il se fait de l’inlellection idéale l’amène à critiquer avec une extrême rigueur (et parfois à déprécier en termes très méprisants) la connaissance intellectuelle propre à l’animal raisonnable, c’est-à-dire la connaissance discursive et conceptuelle, abstraite,

1. « La béatitude est l’obtention de la fin dernière. Or, l’obtention de la fin ne conyiste pas dans l’acte de la volonté. Caria volonté se portant soit à la fin absente, par le désir, soit à la fin présente, parle repos du plaisir, il est clair que le désir de la fin n’est pas l’obtention de la fin, mais un mouvement vers elle. Quant au plaisir, il survient à la volonté dès que la fin est présente, et ce n’est pas, inversement, le plaisir pris dans une chose qui peut vous la rendre présente. Il faut donc que ce par quoi la fin est rendue présente à la volonté soit quelque chose d’autre que l’acle de volonté. Et c’est bien clair quand il s’agit de fins sensibles. Si c’était l’acte de volonté iqui faisait avoir do l’argent, l’av.ire en aurait tout de suite, dés qu’il en désire ; mais d’abord l’argent est absent : on l’a quand on le prend dans la main, par exemple, ou en quelque antre manière, et alors on prend plaisir à l’arRent qu’on a. Il en est de même pour la fin intelligible. D auord nous voulons l’obtenir ; ensuite nous l’obtenons par le fait de sa présence en nous, au moyen de lacle d’intelligence ; et alors la volonté prend plaisir et se repose dans la fin obtenue. Ainsi donc l’essence de la béatitude consiste dans l’acte d’intelligence, n i’II-’, q 3, a 4. Contra, Scot, Opi(S oxonifnsc, IV, d. 49, q. 4.