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FRANC-.MACONXERIE

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pauvres vont cLerclier dans les greniers des fourmis les grains que celles-ci y ont entasses. — Voir Vigol-Roux, Manuel bibL, t. II, n. SSg.

[J.-B. jAUGiSY.]


FRANC-MAÇONNERIE. — Le Grand Orient de France place, en tête de son Annuaire, des Extraits I de sa Constitution, promulguée le 27 avril 1885, où ( nous lisons : « La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, i’ctude de la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience… Elle se refuse à toute affirmation dogmatique… Elle a pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité, La Franc-Maçonnerie a pour devoir d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les francs-maçons sur toute la surface du globe. Elle recouimande à ses adeptes la propagande par l’exemple, la parole et les écrits, sous réserve de l’observation du secret maçonnique. .. »

Si l’on s’en tient à ces vagues formules officielles, on peut délinir ainsi la Franc-Maçonnerie : une association secrète qui a pour but de transformer, selon ses doctrines de a libre-pensée)>, la civilisation humaine.

Un pareil programme est entré, depuis deux siècles, dans la voie des réalisations. La Franc-Maçonnerie moderne, après avoir puissamment contribué à renverser les institutions d’ « ancien régime », et à détruire, dans l’âme de nos contemporains, les idées et les sentiments (]ui constituaient la civilisation chrétienne, a partout travaillé à fonder ! ’ « humanité nouvelle n. Aujourd’hui, elle exerce, dans bien des pays, une sorte de souveraineté morale, et en France, par exemple, est devenu rigom-eusement exact le jugement que portait, dès 1854, l’un des érudits allemands qai possédaient le mieux l’histoire de la secte, le protestant Ed, Eckert : « Aucun homme d’Etat ne connaît son époque, il ignore les causes des événej ments qui s’accomplissent sur le terrain de la plus haute politique, il ne s’explique pas ce qui se fait,., dans toute la vie politique et sociale des peuples, il ne comprend pas même le sens qu’ont aujourd’hui certains mots, bref, il ne voit que des faits dont il n’aura jamais l’intelligence et en présence desquels il ne saura jamais quel parti prendre, s’il n’étudie à fond l’ordre de la Franc-Maçonnerie, et n’en comprend la nature et l’action, i

D’où vient une aussi redoutable puissance ? Dans l’Encyclique £’<51m » /^(i luctuosa (21 novembre 1 8^3), PiB IX, rappelant les condamnations portées par ses prédécesseurs depuis 1738 contre la Franc-Maçonnerie, la qualifiait de « synagogue de Satan », Elle est, en effet, comme la synthèse de toutes les hérésies, l’aboutissement de toutes les révoltes de l’homme contre Dieu, de l’individu contre la société. Elle met en œuvre l’orgueil et les haines de tous ceux qui, ayant cessé de croire en Dieu, n’écoutent plus que leur sens propre et s’imaginent que l’homme, semblable à la bète, peut désormais régler sa vie en répudiant toute préoccupation surnaturelle, d’après les seules exigences de la matière. En d’autres termes, si l’on admet, avec l’Eglise catholique, que Dieu est la source de tout bien et que l’homme, en révolte contre Dieu et livré à ses passions, est, de par sa nature viciée, entraîné au mal, on est en droit de voir, a priori, dans la Franc-Maçonnerie, l’organisation de ces puissances du Mal qui, depuis l’origine

de l’humanité, soutiennent contre les puissances du Bien une lutte qui ne cessera qu’avec le monde.

Cette organisation est d’autant plus forte qu’elle est u secrète », et que ce secret consiste moins encore dans l’obscurité (aujourd’hui bien compromise) de ses agissements, que dans l’ignorance, pour le public et pour le plus grand nombre de ses adeptes, du but où elle tend. Ce but. étant donné l’accord fondamental qui existe entre la Foi et la Raison, entre les lois divines et celles qui assurent la stabilité et la jjrospérité des gouvernements et des sociétés, — ce but ne saurait être que la révolution perpétuelle, l’anarchie.

« Par leurs cDForts à renverser les fondements

de la justice et de l’honnêteté, — déclarait Liio.N XIII dans l’Encyclique Htimanum genus, — les maçons travaillent à faire descendre l’humanité à la condition des bêtes ; ne donner à l’homme d’autre règle de conduite que l’attrait du plaisir, c’est mener le genre humain à l’anéantissement dans l’infamie et l’opprobre. ) Or beaucoup de profanes, et sans doute aussi beaucoup) d’initiés, croient que les loges tendent, selon les termes de la Constitution du Grand-Orient, i au perfectionnement intellectuel et social de l’humanilc ».

Nous allons rechercher ce qu’il en est, en étudiant l’histoire des loges, en analysant leurs doctrines, en exposant leur organisation, en caractérisant leur action, en rappelant les condamnations pontificales dont elles ont été l’objet,

Nous le ferons d’une façon aussi « objective », avec une méthode aussi rigoureuse, que s’il s’agissait de toute autre école philosophique. Nous serons seulement obligés de ne retenir que l’essentiel, et de nous borner même à de simples indications pour tout ce qui ne concerne point la Franc-Maçonnerie française moderne,

I. Difficultés de la documentation. — Le mystère historique ayant pour le public un grand attrait, on a beaucoup écrit sur la Franc-Maçonnerie ; mais, neuf fois sur dix. on l’a fait sans aucun esprit critique, et on n’a ainsi accumulé que du roman :

« Malgré tous ces travaux, — dit fort justement le

consciencieux érudit qu’est M. Gustave Bord, — par suite de la passion des-adversaires, plus on a écrit sur la matière, plus on semble avoir fait l’obscurité sur le sujet traité. » (La Franc-Maçonnerie en France, t. I, p. X.)

Les documents originaux eux-mêmes, d’ailleurs fort rares, sont sujets à caution ; non point qu’il faille considérer a priori comme contraire à la vérité tout ce qui est émané des loges, — car il conviendrait alors de renoncer à écrire leur histoire, — mais les légendes sont ici plus envahissantes et plus tenaces que partout ailleurs. Citons-en un seul exemple : ce n’est qu’en 1910 que le Grand-Orient s’est décidé à supprimer, en tête de son annuaire, les noms des deux premiers Grands-Maîtres, lord Derwextwater et lord Harxolesteh, — le premier n’ayant pu être élu Grand-Maître, vers- 1725, par la Grande-Loge de France, puisque celle-ci n’était pas encore constituée, et le second n’ayant jamais existé (op. cil., p. 120). Citons aussi la fameuse Charte de Cologne, pai- laquelle Frédéric II aurait, en 1786, fondé le Rite écossais. (Voir la critique de ce document apocryphe, et les références qui s’y rapportent, dans La Franc-Maçonnerie démasquée, lO juin 1909, p. 168.)

IL Ij38 origines. — Les origines de la Franc-Maçonnerie surtout sont fertiles en mythes : nous ne voulons pas parler des allégories, comme celle qui consiste à dire qu’Adam a été régulièrement reçu maçon à l’Or.’, du Paradis, par le Père Eternel, mais