Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

91

FOI, FIDEISME

92

distinguer. Elle n’est pas acquise par voie scientilique, c’est vrai ; elle n’est pas acquise pour la science, je pourrais le nier ; mais, pour préciser encore, je distingue : elle n’est pas acquise en fait, ]iarce que les incroyants refusent de l’agréer et de reconnaître ses titres, c’est vrai ; elle n’est pas acquise en droit, je le nie, car toute vérité de foi, dès lors qu’elle présente ses titres comme vérité révélée, s’impose niêiue à la science.

S’ensuit-il, au moins, ffue les savants incrédules soient conséquents avec leurs propres principes, en refusant de reconnaître que le procédé des catholiques est nécessairement antiscientitique en ces matières ? Oui, si les catlioliques appuyaient leurs reclierches et leurs conclusions sur les données de la foi ; non, si, avertis par leur foi, ils se remettent à l’étude des documents, et montrent par cette étude même que les hypothèses et les conclusions des savants ou ne sont pas fondées sur les faits, ou sont en contradiction avec les faits. Même si le catholicpie prétendait prouver par voie scientiQque — comme l’entend Gunkel — ce qu’il sait être vrai par ailleurs, il faut examiner la preuve et voir si elle vaut scientifiquement : on n’a [las le droit de la rejeter, sous prétexte qu’il y croyait déjà. Ce n’est pas d’ailleurs le cas ordinaire en pareil genre d’études : le plus souvent les catholiques se contentent de prouverque les autres ne prouvent rien. Et cela même est une œuvre saine et scientilii]ue. de déblayer le terrain, de démolir des hypothèses mal fondées, de montrerqiie telle conclusion dépasse les données. Ainsi le savant incrédule, quand il aurait le droit de repousser au nom de la science toute intervention de la foi dans son douiaine, n’aj^as le droit par là même de récuser l’intervention d’un savant qui a la foi, si celui-ci n’en appelle qu’à la science pour défendre ou jiour maintenir une vérité qu’il possède d’ailleurs.

Suivons Gunkel dans l’application de ses principes, cela nous aidera à préciser quelques points. Il accorde à Steinmctzer les jikis belles qualités : connaissance remarquable des recherches modernes, science solide de la langue, clarté rare, ])olémique habile à la fois et digne. « Mais on doit reconnaître d’autre part qu’il n’envisage pas ses problèmes en toute liberté. Car d’après la doctrine catholique, les récits évangéliqucs de la naissance de Jésus sont une réalité historique, non un mythe ; et la naissance virginale de Jésus est un dogme que le catholi(]ue doit professer. » L’auleur dit partout : f(7/Ao/ ; Vy ; (e ; c’est croyant qu’il faudrait dire : car il n’y a pas de dilïérence à cet égard entre catholitiues et i)rotestants dits orthodoxes : de notre point de vue actuel, la chose importe peu.

Il continue : « Ce dogme donc, d’après la doclrine catholique, ne peut venir du babylonien, et l’histoire de la naissance de Jésus ne peut être une recension d’une légende que l’on trouverait aussi chez d’autres peuples… Ces résultats sont donc acquis pour l’auteur avant la recherche. Il n’est pas ici le jvige oljjectif — idéal qui tlotte devant nos jeux dans nos recherches scientiliques, — il est partie, et comment ne le serait-il jias ? Voilà donc une séparation profonde — qui, à parler net, rend en délinitive tovile discussion impossible. « C’est vite dit Mais ce n’est qu’une échappatoire. Tout d’abord, l’auteur confond des choses fort ilistinctes. De ce <|ue le croj’ant tient pour historique la naissance virginale de Jésus, il s’ensuit « pi’il n’admet pas que cette histoire n’est pas une simple « recension >i d’une légende babylonienne. Mais en quoi cette conclusion s’opposc-t-elle à ce que nous cherchions de bonne foi si les nujnunients babyloniens racontent queUpie chose d’analogue ? C’est là iHi point de fait, non une ques tion de principe. Nous n’avons nulle peine, etjamais les croyants n’en ont eu, à reconnaître dans d’autres religions des analogies avec nos histoires ou nos doctrines ; rien ne s’oppose même à ce que nous admettions des emprunts, et nous le faisons quand une étude attentive nous amène à en reconnaître. M. Gunkel lui-même accorde maintenant qu’il n’y a rien dans les documents babyloniens qui rappelle même de loin la femme merveilleuse de l’Apocalypse, ni la naissance virginale, ni aucun trait de l’évangile de l’enfance ; bref il se range aux conclusions de Steinmetzcr. Pourquoi ces conclusions ne seraient-elles pas scientiliquement acquises par Steinmetzcr, si elles sont, après lui, scientiliquement admises par Gunkel ?

Il y a, dit Gunkel, la méthode, le procédé de démonstration. Ici encore a nous sentons qu’il y a un abîme » entre le croyant et nous. Voyons pourquoi.

« Notre idéal à nous, c’est de nous donner aux choses

avec un sentiment simple et un cœur ouvert, et d’y pénétrer dans l’intime. Et nous entendons que c’est précisément ce sens intime de la nature des choses qui fait l’historien et l’exégète. » On ne voit pas ce qui empêcherait un croyant d’avoir ce « sens intime i. ; et siuncrojant protestant peut l’avoir, pourquoi pas un croyant catholique ? Voici donc réduit à rien le prétendu antagonisme entre la science et la foi. Il s’est trouvé un catholique spécialiste pour battre ses adversaires, suivant le mot de Gunkel, avec leurs propres armes. Il faut bien reconnaître qu’il a raison, et on le fait d’assez bonne grâce ; mais on se rattrape par ailleurs, et l’on profite de sa défaite même pour affirmer à nouveau que ces catholiques, avec tout leur talent et tout leur savoir, n’ont ni la liberté, ni le désintéressement, ni les méthodes des vrais savants, de ceux qu’ils viennent de battre sur leur propre terrain et avec leurs propres armes. Cette allirmalion consolera l’amour-propre et permettra de continuer à faire peu de cas de la science des croyants, ou, comme on dit, des catholiques.

D. Conclusion. — Que conclure de cette longue revue des attaques dirigées contre la doctrine catliolique de la foi ? Les objections nous auront, j’espère, amenés à mieux préciser quelques points, à les mieux comprendre. C’est le profit que l’Eglise a tiré des hérésies ; c’est celui qu’elle peut tirer des difficultés soulevées contre sa doctrine au nom de la raison et de la science. Quant aux objections elles-mêmes, ce qui frappe surtout, c’est combien elles sont faibles. Nous ne les avons pas affaiblies ; nous les avons rapp(H-tées telles qu’elles se trouvent chez ceux qui les ont le mieux ex|)rimées. Ce n’est pas notre faute si elles s’évanouissent comme d’elles-mêmes, dès qu’on fait la lumière : elles ne reposent le plus souvent que sur des malentendus, des confusions, des méprises. Même quand elles viennent d’Iionimes de valeur, de philosoidies, desavants, on voit qucceux qui les font ne parlent plus en hommes qui savent de quoi ils parlent et ce qu’ils veulent dire, ni en savants, ni en philosophes. Et n’est-ce ])as un témoignage en faveur de la vérité, que l’on ne puisse l’attaquer a ce quelque a])parence qu’en la défigurant, et que, même si l’on est savant et philosophe, on cesse d’agir comme tel dès que l’on s’en prend à elle ?

BiBLiOGR.’iPHiE. — Dans ce ! 5 VI, nous n’avons eu en vue que de maintenir, contre les attaques rationalistes, qu’il n’y a nulle incompatibilité entre la scienceet la foi. L’étude complète des rajjports entre la raison et la foi demanderait trop de dévelop])ements ])onr trouver place ici. Utiles remarcjues à ce sujet dans plusieurs ouvrages déjà cités ou qui