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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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des maisons de famille pour étudiants laïques. Bref, Friliourg est devenue dans toute la force du terme une ville universitaire ; elle en connaît les joies et les petits ennuis ; certaines nuits de fête, les lions bourgeois ne dorment guère plus que ceux de Louvain ; mais ils sont liers de leur vaillante jeunesse qui, sous ses brillants costumes, respire la force, l’honnêteté, la foi, le dévouement à l’Eglise.

En 24 ans, Fribourg a produit une quantité considérable de bons travaux. Au début, l’université lit concorder ses publications avec le programme de ses cours. A partir de 18y3, elle commença une collection tout à fait indépendante, les CoUectanea f’rihur ^ensia, qui comprend déjà vingt-deux Aolumcs, dont plusieurs d’une grande valeur, signés de Reinhardt, Grimm, Marchot, Jostes, Michaut, Biichi, Mandonnet, Scliniirer, Giraud, Zapletal, Gockel, Wagner. Daniels, Bertoni, Arcari. L’édition des Pensées de Pascal et le Sainle-Beine avant les Lundis de M. Michaut, l’Essai sur faine de M. Victor Giraud, le Si^er de Brahant et l’.41erruïsnie latin au XIII’siècle du Père Mandonnet, appartiennent à cette collection.

Ainsi Fribourg est devenue l’un des foyers les j)lus chauds et les plus lumineux du catholicisme en Europe.

c) Dablin. — La troisième université catholique constituée en Europe (toujours mises à part celles de France) est l’université de Dublin, University Collège, fondée en igo8.

L’histoire de cette fondation a été féconde en péripéties.

En iSgi, avait été fondé à Dublin Trinity Collège, (pii n’était pas, à proprement parler, une Université, mais qui jiassait pour telle dans l’opinion, et qui porte aujourd’hui le titre d’i’niversity of Duhlin. Celle institution a été protestante dès l’origine : entr’ouverte aux catholiques vers l’époque de l’émancipaliun, elle les reçoit comme étudiants et leur permet de prendre leurs grades, rien de plus. En 1843, un étudiant catholique ayant obtenu une bourse au concours se la vit refuser par le seul fait qu’il était catholique.

Au surplus, toutes les traditions protestantes de Trinity Collège le rendaient suspect au clergé et aux fidèles irlandais : le gouvernement finit par le comprendre et chercha ce qu’il pouvait faire pour donner satisfaction à la majeure partie de la population.

Sa première pensée fut d’essayer d’acclimater en Irlande un enseignement non confessionnel. C’est ainsi que Robert Peel fonda, en iS^o, les trois collèges neutres de Belfast, de Cork et de Gal, vay, auxquels se superposa, en 1850, un corps d’examinateurs d’Etat, Queen’s i’niyersity. Cette neutralité plut médiocrement aux protestants et scandalisa tout à fait les catholiques ; le synode de Thurles condamna le principe et l’institution, condamnation que Pie IX s’empressa de confirmer.

Apres les tâtonnements et les hésitations du début, l’université de Louvain commençait alors à allirmer sa vitalité et son succès. Son exemple entraîna les évêques d’Irlande qui, à l’image des évoques belges, voulurent une université à eux. La fondation décidée, ils se demandèrent qui la ferait prosjiérer, qui lui donnerait droit de cité dans l’opinion, et ils conclurent que nul n’était plus capable de cette grande mission que le plus illustre et le plus profond penseur des catholiques anglais, Newman. Celui-ci accepta : dès 1862. dans une série de discours prononcés à Dublin, il traçait un magnifique programme de ce que doit être un établissement de ce genre. « Il saluait sans doute la théologie comme la reine des

sciences et leur trait d’union nécessaire, comme la clef de voûte de l’enseignement supérieur, réagissant ainsi contre le mouvement général de sécularisation universitaire ; mais en même temps, il insistait sur le champ large et libre qui devait être laissé à la science, sur la convenance de former des jeunes hommes en pleine possession de leurs forces intellectuelles et capables de se mesurer avec les problèmes qu’ils devaient rencontrer dans le monde’. »

Les évêques belges avaient fait à Louvain une œuvre nationale ; les évêques irlandais voulaient au fond faire de même à Dublin, et, sous ce rapport, ils s’étaient peut-être trompés en appelant Newman, un |)ur Anglais : celui-ci eut plus en vue l’élite de la jeunesse catholique anglaise que les Irlandais ; en outre, il chercha surtout ses collaborateurs parmi les convertis, qu’il tenait, souvent avec raison, pour supérieurs aux autres, mais ce qui ne pouvait manquer d’exciter les défiances du clergé d’Irlande. S’il avait tout d’abord visé moins haut, s’il avait eu davantage le sens des réalités pratiques, le sens du possible, il aurait sans doute acclimaté l’œuvre en Irlande et cette œuvre aurait ensuite grandi et pris tin plus libre essor. Il n’en fut rien ; en1858, Newman dut s’avouer vaincu et résigner ses fonctions.

Après lui, l’université de Dublin ne fit que végéter ; d’ailleurs elle ne pouvait conférer les grades et elle manquait de ressources ; c’en était assez pour la paralyser. Seule l’école de médecine, fondée par les évêques en même temps que l’université, prospéra.

En 1873. le ministère Gladstone tombait sur V University mil pour l’Irlande. En 1879. lord Beaconsfield faisait voter, sous le nom de Royal l’niyersity of Ireland, la création d’un corps d’examinateurs dont l’unique fonction devait être de conférer les grades à tous les candidats qui les mériteraient, quel que fût l’établissement où ils auraient fait leurs études et préparé leurs examens. Ce système était plus libéral que celui i|ui, vers la même date, en 1880, était substitué par les Chambres françaises au régime éphémère du jury mixte. En effet, chez nous, les étudiants des universités libres devaient et doivent encore subir leurs épreuves, non devant un jury d’Etat indépendant et supérieur à tous, mais devant les professeurs des établissements rivaux. Dans le même esprit de libéralisme, l’Etat anglais accordait indifféremment des bourses aux étudiants de l’Etat ou aux étudiants de l’enseignement libre qui s’étaient distingués.

L’université de Dublin, il faut le reconnaître, ne s’en porta pas beaucoup mieux. C’est alors que le vieux séminaire catholique de Maynooth (fondé en 1790) prit le parti de s’adjoindre une Faculté des arts et de présenter ses sujets aux examens de Boyal Unitersity.

Cependant la majorité des catholiques demeurait persuadée que le défaut de ressources était, somme toute, le principal obstacle à la prospérité de l’université ; et ils se disaient que, puisqu’en Irlande les protestants et les agnostiques avaient des collèges dotés par l’Etat, quoi qu’ils ne fussent qu’une minorité dans la nation, c’était bien le moins qu’eux, catholiques, fussent traités avec la même faveur.

En 1908, le ministère anglais se décida à leur accorder une université qui, en fait, est catholique, sans en porter le titre oiriciellenient, et que soutiennent les subsides de l’Etat. Tel est le biais qu’avait imaginé le secrétaire principal [lour l’Irlande, M. Birrell, afin de ne pas violer ouvertement le principe libéral qui défend d’employer les deniers publics en

1. Tml’RRW-Dangin, La Renaissance catholique en Angleterre au..V siècle, t. II, p. 276.