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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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mand, prêtre du diocèsede Marseille, premier fondateur en France au A’IX’siècle des OKuyres dites de la jeunesse ; Paris, Leuiiffe, 1868). Après avoir hésité et longtemps médite, il se décida enfin. Quand le bruit commença à se répandre que l’abbé Allemand cherchait à réunir des jeunes gens pour fonder une œuvre, un des prêtres les plus respectables de Marseille, à qui on en parlait, s’écria : a Quoi ! Allemand ? lui, faire une œuvre de jeunesse ! Ce n’est pas possible ! Il n’y a personne, dans tout Marseille, de moins propre à une telle entreprise ! » C’était bien lui cependant que Dieu avait choisi.

En homme sage et humble, M. Allemand résolut de commencer très petitement, sans tambours ni trompettes, comme il disait lui-même, et d’une manière si simple qu’il n’y fallut que peu d’argent. Ce qui importait, ce n’était pas d’aller vite et de rassembler tout à coup beaucoup de participants. L’essentiel, c’était de trouver quelques bons sujets pour la fondation ; de les choisir tels qu’ils pussent s’adapter parfaitement au dessein d’une œuvre très chrétienne ; puis de travailler avec beaucoup de soin à former ces premiers membres et de ne leur en adjoindre de nouveaux que peu à peu, en les choisissant toujours bien : méthode patiente, mais féconde, qui, aujourd’hui encore, doit cire ordinairement suivie par quiconque veut constituer sur des bases durables un groupement de jeunes catholiques. Le troisième dimanche de mai 1799, l’abbé Allemand réunit quatre jeunes gens, dans une petite chambre d’emprunt, chez un fervent chrétien, nommé Rome, rue Curiol. Telle fut la très modeste origine de VO£uyre de la jeunesse de Marseille. Dans les premiers temps, pour ne pas éveiller les soupçons d’une police encore fort ombrageuse, les réunions du dimanche durent rester cachées, tantôtdans un lieu, tantôt dans un autre. Fidèle à son principe d’aller lentement pour marcher avec plus de sûreté, M. Allemand mit près de deux ans pour former, par une incessante action de détail, son premier nojau d’une vingtaine de jeunes gens. Aussi, lorsque le Concordat permit à l’Eglise de reprendre sa vie au grand jour, l’Œuvre de la jeunesse put très rapidement augmenter en nombre, sans avoir à redouter cette extension. Elle fut alors installée dans un local plus vaste etcommen(, a à prendre la forme délinitive que M. Allemand s’était proposé de lui donner : les jeunes gens s’y réunissaient les dimanches et jours de fête ; ils y venaient aussi, quand ils le voulaient et le pouvaient, le soir et en semaine ; enfin les pratiques de piété y étaient en honneur, et déjà les associations y groupaient les plus fervents. Le 24 janvier 1804. dans une tournée de conlirmation, après avoir visité l’Œuvre de la jeunesse, Mgr de Cicé, archevêque d’Aix, donna une approbation complète à M. Allemand : ainsi donc le premier patronage était oniciellement reconnu et encouragé par la hiérarchie religieuse.

De cette consécration, l’Œuvre reçut une nouvelle force et une croissante prospérité. Tout semblait donc lui présager un heureux avenir lorsqu’un coup terrible vint détruire ou plutôt suspendre pour un temps son action bienfaisante : l’QIuvre fut fermée par ordre des autorités civiles. Irrité de la démarche d’un prêtre marseillais, l’abbé Desniazures, qui, apprenant la captivité de Pie VII, était allé à Savone se jeter aux pieds du Pape et demander sa bénédiction, le gouvernement impérial donna l’ordre de dissoudre à Marseille toutes les associations religieuses que son autoritarisme supportait d’ailleurs avec peine : l’organisation de M. Allemand fut comprise parmi les groupements proscrits. Durant les dernières années de l’Empire, le patronage dut rester fermé.

mais l’abbé Allemand conserva des relations régulières et fréquentes avec un grand nombre de ses anciens membres ; aussi, cinq ans plus tard, à peine Louis XVm était-il sur le trône, que, le troisième dimanche de mai 181 4, l’Qiuvre se rouvrait et réunissait une centaine de jeunes gens. Désormais, elle allait se développer sans interruption, sans secousse, et devenir le modèle de nombreuses associations de jeunesse.

Mais la création de ces associations ne fut pas immédiate : elle est postérieure à la Restauration et même, pour l’ensemble, à la Monarchie de Juillet.

Sous Louis XVIII et sous Charles X, l’esprit d’apostolat, jusque-là impuissant ou endormi sous la domination napoléonienne, commença, il est vrai, à se réveiller et à se développer : ce fut l’époque des Missions. Seulement, les Missions, fort utiles pour

« remuer « une paroisse, ne peuvent donner de résultats

durables que si leur action est ensuite poursuivie, accentuée même par des œuvres permanentes et vivantes. Or ces œuvres n’existaient pas alors, de sorte que les Missions purent convertir quelques âmes et produire un certain bien individuel ; mais, le plus souvent, elles n’eurent pas d’action générale

— et elles ne pouvaient pas en avoir.

Sous la Monarchie de Juillet comme sous la seconde République, les catholiques sentirent de plus en plus la nécessité des groupements d’apostolat, mais leurs eiTorts collectifs se portèrent surtout du côté des questions d’enseignement. C’est la période des luttes pour la liberté de l’école. Tandis que ces efforts attiraient sur eux l’attention publique, quebiues hommes travaillaient sans bruit, sans plan d’ensemble, en dehors des cadres ecclésiastiques ofliciels, à constituer les œuvres de jeunesse ou patronages qui devaient rivaliser plus tard avec les écoles congréganistes pour conquérir et conserver à l’Eglise les jeunes générations.

Dans ces fondations d’œuvres, faites le plus souvent à l’insu les unes des autres, nous pouvons distinguer deux origines différentes, deux influences simultanées : quelques-unes de ces œuvres sont dues à l’initiative de disciples de l’abbé Allemand ; les autres, les plus nombreuses, sont entreprises par les membres des naissantes conférences de Saint-Vincent de Paul qui, après la visite des pauvres, prirent particulièrement à cœur la création, l’organisation et l’entretien des patronages d’apprentis. Nous avons retracé ailleurs (Max Turmasn’, Au sortir de l’école, 5’édit., p. 1 2-203, Lecoflre, éditeur, 191 o) l’historique détaillé de ces fondations et de la naissance de la Congrégation des Frères de Saint-Vincent de Paul qui se voua à ces œuvres populaires ; nous nous bornerons à rappeler ici qu’issues d’un double mouvement, ces œuvres s’efforcèrent, durant le second Empire, d’établir entre elles une certaine union et, à cet effet, tinrent des congrès.

Grâce surtout à l’initiative de M. l’abbé Le Boucher, le très actif directeur de « NotrcDanie-des-Charaps » d’Angers, et sous le patronage de Mgr Angebault, un « congrès des directeurs d’œuvres de jeunesse » se tint à Angers, du 31 août au 3 septembre 1 858. Vingt-quatre membres représentant dix-sept œuvres avaient répondu à l’appel des organisateurs ; on se réunit encore l’année suivante à Paris, du 12 au15 septembre 1869 ; une trentaine d’œuvres étaient représentées par cinquante à soixante délégués, parmi lesquels MM. Decaui et Vallée, président et secrétaire du Conseil supérieur des patronages de Saint-Vincent de Paul, les abbés Hello, Timon-David (successeur à Marseille de l’abbé Allemand), Le Boucher, etc. Tandis que le congrès d’Angers, sous l’influence des disciples de l’abbé Allemand, s’était