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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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L’Etal serait, en conséquence, autorisé à établir le collectivisme. On voit où mène le principe invoqué.

La légitimité de la loi, qui rend l’instruction obligatoire, ne vient donc pas de l’utilité que la société en peut retirer. N’on ; mais, comme actueUenienl l’instruction primaire rentre manifestement dans le nécessaire que les parents doivent fournir à leurs

« Mifants, l’Etal prend acte de ce devoir et en urge

l’application, en cas de négligence coupable de la part des familles.

Celte façon de procéder me paraît légitime. Mais on peut se poser une dernière question : est-ce, pour l’Etal, le moyen le plus expédient et le plus elTicace d’atteindre son but : la plus grande diffusion possible de l’instruction ? On en peut douter. Combattant le monopole, M. CLKMBNciiAU interpellait ainsi les radicaux qui en étaient partisans : « L’entreprise de contrainte est un terrible engrenage. Vous ne sauriez dire vous-mêmes où vous pourrez vous arrêter, et vous vous lancez dans cette aventure sans issue, quand vous n’avez même pas pu appliquer votre très modeste loi d’obligation ! Vous avez fait l’instruction obligatoire et vous n’avez pas pu l’appliquer ! » (Discours au Sénat, Journal officiel, 18 nov. igoS, p. 871. Cf. G. GoYAU, Le péril primaire, dans Revue des Deux Mo/tdes, 1" janv. lyoô, p. 177-185.) Celte lamentable expérience semble prouver que l’Etat parviendra plus sûrement à ses uns par des voies plus suaves que le régime coercilif, c’est-à-dire en ouvrant des établissements supplémentaires, quand la pénurie des écoles libres l’exigera ; en mettant, par des subsides équilablement distribués entre les maîtres concurrents, l’instruction à la portée des fortunes modestes ; en fournissant même l’instruction gratuite aux indigents. De la sorte, si les maisons d’éducation sont en nombre suflisant, si elle est à bon marché, si elle ne coûte rien aux nécessiteux, il sera inutile de la rendre obligatoire. Car la grande majorité des familles, constatant qu’aujourd’hui 1 instruction est un moyen indispensable de réussite, la désireront pour leurs enfants, parce que, à défaut même d’affection, elles sont les premières intéressées à préparer l’avenir de ceux en qui elles doivent se survivre.

Ce système me paraît préférable : il a d’abord l’avantage de concilier dans une juste mesure les droits des familles (parents el enfants) et les intérêts de la société ; puis, il écarte l’odieux d’une coercition érigée en mesure géfe’-ale. D’autant qu’il admet, comme correctif, rinterVntion de l’Etat pour assurer l’avenir de l’enfant contre l’avarice sordide ou la prévarication de parents dénaturés.

Il y a entre les deux thèses plus qu’une différence verbale,.utre chose, en effet, est d’ajouter, à l’obligation naturelle qu’ont les parents de bien élever leurs enfants, une prescription légale qui, comme une mesure permanente, l’applique, sans le tempérament nécessaire de distinctions multiples, à tous les cas individuels ; autre chose de laisser à l’Etat le pouvoir d’urger l’accomplissement de cette obligation, quand les parents s’y dérobent d’une façon grave. Car, dans ce second système, ce n’est qu’à titre exceptionnel, comme redresseur des torts notoires et notables, que l’Etat aura la faculté de pénétrer dans l’intérieur des familles, tandis que, dans le premier, ce sera à titre journalier, comme exécuteur d’une loi universelle, qu’il pourra franchir, à tout moment, le seuil du foyer domestique el s’y livrer à des inquisitions vexatoires. L’inviolabilité du sanctuaire familial est l’un des plus fermes obstacles qu’on puisse opposer à l’invasion chaque jour plus menaçante du socialisme d’Etat. Serait-il sage et opportun de lui ouvrir, à deux battants, la porte du foyer ?

Tome II.

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Gaston Sortais.