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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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est enseignée dans les écoles sans Dieu, est la conlirmation eiîrayante de la gravité du péril signalé par Lkon XIII. Voir Enfance (Criminalitk de l).

On opposera sans doute ces paroles du méine pape, qui reconnaît ailleurs la légiliniité de la tolérance : Il L’Eglise ne condamne pas les princes qui, eu vue d’un liien à atteindre ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que divers cultes aient chacun leur place dans l’Etat » (Encyclique Imntortulc Dei). Fort bien ; mais il n’y a aucune parité entre les deux cas. Si l’Eglise peut admettre en fait, quand un pays est divisé en plusieurs confessions, la tolérance de leurs cultes divers, c’est, entre autres motifs, parce que ces confessions contiennent des éléments de vérité et prescrivent à leurs lidèles d’adorer Dieu et de le servir. Mais l’Eglise ne peut tolérer à

; iucun prix la neutralité scolaire absolue, parce que

vette neutralité consiste à exclure de l’école tout <’nseignemenl religieux, même d’ordre naturel, à I>asser complètementsous silencel’exislence de Dieu et les devoirs euvers Lui. Une pareille altitude est absolument immorale et injurieuse à l’égard de Dieu, < : ar c’est tenir la balance égale entre Lui et sa négation. Pratiquement, c’est le méconnaître et le supjirimer ;

« c’est l’athéisme, moins le nom. Istud ait

allieismo, si nomiiir atiquid di/fert, re nihil differtn <I.KON XIII, même encyclique). L’Eglise ne saurait

« lonc, en aucune hypothèse, regarder comme toléral

>le la neutralité absolue, ou, comme l’on dit actuellement, areligieuse, parce qu’elle est une violation outrageante des droits divins et la méconnaissance scandaleuse du devoir qu’a toute société d’honorer l>ieu publiquement. Sans doute, la diversité des croyances, dans un pays, peut l’empêcher d’avoir une religion d’Etat, c’est-à-dire de professer olUcielleinent une religion positive déterminée. « Mais rien ne saurait dispenser une nation, représentée par ses lu’inces ou ses magistrats, de remplir d’une certaine façon le devoir du culte envers la Divinité ; car c’est là une obligation de droit naturel qu’aucune circonstance contingente ne saurait rendre caduque. El, <le fait, nous voyons en Europe une petite républi<iue, la Suisse, et, de l’autre coté de l’Océan, une jirande république, les Etats-Unis, allier sans embarras le respect de la liberté de conscience avec la manifestation officielle et nationale du sentiment religieux. » (Mgr d’Hulst, Conférences de Notre-Dame, 1895, III conférence, p.’}li--^b.)

Plus loin, en parlant des devoirs de l’Etal envers l’école, nous verrons dans quelles circonstances et sous quelles conditions la neutralité scolaire rehitne est tolérable.

C) L’Etat etl’Enfant. — L’Etat peut prendre trois attitudes par rapport à l’enseignement : l’Etat enseigne seul, c’est le monopole : l’Etat n’enseigne pas, c’est Vahstenlion ; l’Etat enseigne en même temps <|ue les particuliers, c’est la concurrence. De ces trois

« onceptions, la première, le monopole, est illégitime ; 

la seconde, l’abstention, est légitime : la troisième, qui est mixte, la concurrence, peut être légitimée en certains cas. Prouvons cette triple assertion.

I" Illégitimité du monopole. — Distribuer l’enseignement n’est point pour l’Etat une fonction normale, car :

a) Pour justilier sa prétention à élever la jeunesse <lans les écoles ouvertes par lui, l’Etat ne peut, comme la Famille et l’Eglise, exhiber un titre indiscutable, celui d’auteur de la vie de l’enfant. Pourquoi conlisquerail-il à son profit les droits des parents et delà société religieuse fondés sur la fonction auguste et primordiale de la génération naturelle ou surnaturelle ? La famille peut encore montrer un

autre titre : n’est-elle pas, logiquement et en fait, antérieure à la société civile et politique, puis(pie celle-ci n’est, en délinilive, qu’une réunion de familles associées pour la poursuite d’un l)ut commun ? L’enfant appartient donc à la famille et non à l’Etat, comme le veut la doctrine révolutionnaire de Dan-To. N, renouvelée du paganisme (cf. Platon, République, 1. V et VI).

On olijectera que l’Etat est l’auteur de la vie sociale et que, comme tel, il a des revendications à faire valoir ainsi que la Famille et l’Eglise. — Cette objection repose sur une équivoque. La vie sociale et l’Etat, qui est l’un de ses organes, sont postérieurs (on vient de le noter) à la constitution familiale : ils résultent de la ratilication, le plus souvent implicite, de telle ou telle forme de gouvernement par des groupes de familles, que des traditions antécédentes ou des circonstancesfortuitesont rapprochées. De plus, l’homme n’entre dans le courant de la vie sociale qu’à sa majorité, c’est-à-dire à un âge où il n’est plus enfant ni adolescent ; jusque là, il n’est pas émancipé, il n’est pas encore sorti du cercle restreint de la vie domestique. Ce qui est vrai, c’est (pie, l’enfant étant un citoyen futur, l’Etal est intéressé à sa fornialion. On déterminera bientôt la part d’influence qui, de ce chef, peut revenir légitimement aux pouvoirs publics.

b) La mission d’instruire et d’élever la jeunesse ne rentre pas dans les attributions normales de l’Etat. Son rôle essentiel et primaire consiste à garantir, au besoin par la force, la sécurité des citoyens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, alin qu’ils puissent exercer en paix tous leurs droits. Son rôle essentiel aussi mais secondaire et variable dans ses applications d’après les circonstances changeantes de temps et de pays, c’est de promouvoir la prospérité publique, non pas directement par lui-même, mais en mettant les familles et les associations dans des conditions qui favorisent leur progrès physique, intellectuel et moral (cf. Ch. Antoine, Cours d’Economie sociale, ch. iii, /|’édit., Paris, 1908 ; G. Sortais, Etudes philosophiques et sociales : II. Les fonctions de l’Etat moderne. ]>. ^7-70. Paris, 1907). En remplissant cette double fonction, l’Etat poursuit une tin sociale, qui vise le bien général, le bien commun des associés. L’éducation, au contraire, ayant pour but la formalion des inilividus, tend à leur procurer un bien personnel. Or Il le pouvoir civil n’est |ias chargé de départir à ses sujets ce qui esl leur bien particulier, comme la nourriture, le vêtement, l’habitation ; mais uniquement de développer un milieu où chacun des citoyens pourra plus facilement se ])rocurer ces biens. Rien de plus particulier, rien de plus individuel que la doctrine, nourriture ou vêtement de l’intelligence ; il n’entre donc pas dans le rôle de l’Etal, de la distribuer. » (J. Grivet, L’Eglise et l’Enfant, dans les Etudes, 1910, t. CXXIII, p. 484-485.)

Objection. — De même, dira-t-on, que l’Etat a le droit de constituer des juges et de former des officiers, ainsi peut-il ouvrir des écoles et les conŒr à des maîtres spéciaux dont il a cimstalé les aptitudes.

— Je réponds en niant la similitude des cas rapprochés. En effet, le principe, qui sert à délimiter les fonctions de l’Etat, peut se formuler de la sorte : le gouvernement, n’existant qu’en vue du bien général, ne doit s’occuper directement que des choses qui, intéressant la vie collective de la nation, exigent une autorité supérieure à toutes les autres pour être menées à bonne (in. « Il en résulte que l’Elal est chargé de pourvoir aux besoins communs de la nation, c’est-à-dire à ceux qui ne peuvent être satisfaits convenablement sous le régime de l’initiative individuelle, qui réclament le concours absolu et préalable