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INSPIRATION DE LA BIBLE

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présidé au choix des mots, ou bien si elle a été limitée au sens des assertions bibliques. Jusqu’à la fin du xvi’siècle, rinspiration verbale était enseignée dans l’Ecole. Les Jésuites de Louvain (voir ci-dessus, II, 2, /’) furent les premiers à réagir en soutenant " qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’un texte soit Ecriture sainte, que le S. -Esprit en ait inspiré chaque parole, au sens matériel du terme ». Les protestations contre cette nouveauté furent si violentes que Bel-LABMiN, SCARFZ, etc. Crurent devoir adoucir la formule en disant que « tous les mots du texte ont été dictés par le S. -Esprit, eiflce qui concerne la substance », mais dilléremment d’après la condition diverse des instruments. Cette opinion est allée en se précisant toujours davantage, elle s’est débarrassée peu à peu de la terminologie qu’elle avait retenue de l’inspiration verbale, notamment du mot de dictée : ses progrès ont été si rapides qu’au début du xix’siècle on l’enseigne couramment. Le card. Frax-ZKLiN semble lui avoir donné sa formule définitive. Dieu a positivement inspiré le fond (en langue scolastique, veilnim formule), savoir les idées, les assertions, le sens ; tout le reste : mots, ordonnance des liétails, et en général ce qui concerne le style, la forme (en langue scolastique, lerhiim mnteriale) a dépendu uniquement de l’hagiograplie. Toutefois, dans son travail de rédaction, celui-ci a été assisté par une providence spéciale, dont le but était d’assurer l’expression exacte de la pensée inspirée. Si çà et là cette providence ne devait pas suffire, si le Saint-Esprit voulaitl’emploi d’un mot déterminé, qui ne fut pas à ce moment au pouvoir de l’iiagiographe. l’assistance se changeait en inspiration proprement dite ou même en révélation. Cf. DuTorguBT, Psychologie de l inspiration, dans les a Etudes i>, lyoo, t. LXXXV, p. 15g.

Depuis un quart de siècle, l’inspiration verbale retrouve des partisans, toujours plus nombreux. Ce regain de faveur a co’incidé avec la renaissance du thomisme. Seulement, les théologiens d’aujourd’hui, tout en retenant la terminologie des anciens, en ont passablement modifié l’opinion. Bien que certains d’entre eux parlent encore, en latin, de dictatio, il ne s’agit plus d’une dictée purement passive de la part de celui qui la reçoit, d’une dictée matérielle des mots à l’oreille, ni d’une révélation intérieure du terme à employer ; mais seulement d’une motion divine s’étendant à l’écrivain tout entier, même à ses puissances executives ; influant par conséquent sur l’œuvre entière, y compris la rédaction. D’après la théorie générale de la causalité instrumentale, le texte biblique est, à la fois, tout entier de Dieu et tout entier de l’homme, mais à des titres dilTérents ; tellement que vouloir y démêler un élément attribuable au seul hagiographe, c’est entreprendre un travail de vivisection. Il est vrai que les caractères personnels du style tiennent à l’écrivain inspiré, mais en tant que celui-ci est mù par Dieu qui l’inspire. Si habile que soit l’artiste, son œuvre se ressentira toujours de l’instrument qu’il a employé. Plutarque en faisait déjà l’observation à propos des oracles de la pythie. Cf. P. Pf.guks, O. p., dans la liet’ue thomiste, 1890, p. io5.

Les tenants des deux opinions en ont appelé pareillement à l’autorité de l’Ecriture et de la tradition, mais sans résultat décisif ; en définitive, il ne reste, de chaque côté, qu’un seul argument qui mérite considération. Le cardinal Franzklin raisonne comme il suit. Fournir à un secrétaire les idées d’une lettre en lui laissant le soin de la rédiger, c’est encore garder

droit suffisant à être dit l’auteur de cette lettre. Et donc, ce minimimi d’influence inspiratrice suffit à sauvegarder l’origine divine de la Bible. Pour

affirmer davantage, il faudrait un témoignage positif puisé aux sources de la révélation. Or, celle aflirmation n’existe pas. D’où il suit que nous n’avons pas le droit d’aflirmer la réalité de l’inspiration verbale, bien qu’en elle-même elle ait été possible. L’encyclique Proyidentissimus Ueus parle seulement d’assistance :

« ila scrihentibus adstitit ut ea omnia eaque

sala… » Denz.’", 1902.

C’est par la critique de cette argvimentation que les adversaires font valoir leur meilleure preuve. Une Ecriture, disent-ils, composée de la manière que l’on vient de décrire, serait encore, il est vrai, suffisamment divine ; on pourrait y distinguer entre le fond et la forme, pour attribuer celle-ci exclusivement à l’hagiographe ; mais elle n’aurait pas été obtenue par voie d’inspiration. La manifestation qu’un homme fait de sa pensée à un autre, en lui laissant la liberté de l’exprimer à sa façon, est un acte révélateur. Or, nous savons que, dans l’inspiration biblique. Dieu n’a pas procédé de la sorte, qu’il s’est subordonné physiquement les facultés de l’hagiographe pour les mettre en mouvement, peul-être même à son insu. Mais la cause principale meut l’instrument tout entier, tel qu’il est, avec ses qualités et ses imperfections. On peut ajouter qu’il est bien difficile de concevoir que Dieu fasse siennes les pensées de l’hagiographe, indépendamment de la connexion qu’elles ont de fait, dans son esprit, avec des mots déterminés. Enfin, on conçoit plus malaisément encore comment une inspiration dont le terme est la parole de Dieu écrite ne se serait pas étendue aux mots qui figurent en elTet dans le texte inspiré. La détermination du genre littéraire a-t-elle été laissée au bon ]dai- ; ir de l’écrivain sacré ? Si oui, il suffit de réfléchir pour se rendre compte de l’étendue du champ qui n’a pas été couvert par l’inspiration, surtout dans les compositions poétiques. Si non, comment l’influence insi)iralrice a-t-elle pu s’exercer sur cette détermination sans atteindre le style, étant donné que l’intention de Dieu à ce sujet ne s’est pas manifestée par voie de commandement ou de révélation ? A qui prétendrait qu’aux termes de l’encyclique Proxid. Deiis les écrivains sacrés n’ont écrit que ce que Dieu leur a « commandé » d’écrire (quæ ipse juberet, Denz.’", igôa), on répondra que le mot jubere est ici un synonyme de velle. L’hagiographe a été a assisté », mais reste à savoir si c’est seulement par une providence extérieure plutôt que par un secours positif donné à ses facultés.

Du point de vue apologétique, il est assez indifférent de s’attacher à une opinion plutôt qu’à l’autre. Tout le monde convient, en elTet, que les caractéristiques du style, dans les livres de la Bible, comme aussi les imperfections qui peuvent alTecter le fond lui-même, tiennent à l’hagiographe. Quant à l’inerrance du texte inspiré, c’est au divin Inspirateur qu’il faut, en définitive, la faire remonter ; et il importe peu que Dieu ait assuré la vérité de l’Ecriture, d’une façon plutôt que d’une autre.

IV. Critères de l’inspiration. — A quel indice a-t-on reconnu que certains livres étaient inspirés ? L’inspiration, étant une opération divine, n’est pas pour nous saisissable en elle-même. Nous n’avons pour la connaître que deux moyens : l’analyse de ses effets (critère interne), ou le témoignage de Dieu (critère externe).

I. L’inspiration ne se révèle pas suffisamment dans ses effets. — a) Le premier de ces elTets est la motion transitoire imprimée à l’hagiographe. Or, avons-nous déjà dit II, 3, b, <>). il peut se faire que l’activité inspiratrice se conforme tellement av. jeu normal des facultés de l’àme humaine, que celui qui en