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INSPIRATION DE LA BIBLE

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rien autre chose que le texte biblique lui-niêrae. Ce texte, Uieu le destinait, en l’inspirant, à son Ejjlise qui devait le reconnaître autlienticiueaient comme sa parole et en faire une règle de loi. Celte destination est essentielle. Sans elle, un livre, même inspiré, ne saurait jamais devenir canonique, faute d’appartenir au (li’pùt de la révélation publique.

Pour fondée et importante que soit la distinction entre ins[)iration et révélation quand il s’agit d’analyser la psychologie de l’auteur inspiré, elle n’autorise |)as à faire deux catégories des textes bibliques, couime s’il y en avait de plus inspirés, de plus divins les uns que les autres. L’Eglise n’a jamais distingué dans le Canon des livres proprement canoniques et des livres ecclésiastiques (bien que cette terminologie puisse se réclamer de certains passages de saint Jéhùme et de Rufin) ; elle n’admet pas davantage qu’à la suite de Jau. et de Loisy on maintienne une dilférence d’inspiration entre les livres protocanoniques et les livres dits deulérocanoniques. Cette distinction n’a qu’un intérêt historique, surtout après le concile de Trente. Voir Canon CATUOLiiiUK, col. 439.

Bien que tout le contenu de la Bible n’ait pas été a révélé » à ceux qui l’ont écrite, pour nous qui la lisons son texte est d’un bout à l’autre la « parole de Uieu ». A ce titre, nous lui devons notre foi. Tout hagiographe est un prophète au sens large mais réel du terme, c’est-à-dire un interprète de Uieu auprès des hommes. Dans ses discours, nous entendons la voix même de celui qui l’inspire. C’est là une façon de voir traditionnelle. Mais, il faut bien convenir qu’il n’est pas facile de dire clairement en quoi consiste et jusqu’où s’étend l’équation qu’elle suppose entre le « texte biblique » et la « parole de Dieu ». Aux xvi’et xvn’siècles, des théologiens (H. Hoi.den, Divinæ fidei analysis, 1652, 1. I,.^j ; 1. 11, 1, 3 ; Ph.-N. CuuisMANN, IlegiiUi fidei cathoticae. i^iJS, c. 11, 50-51) avaient déjà posé le problème, mais sans lui donner une solution heureuse. Ue nos jours, la question a été reprise et traitée en sens divers. Pour suivre cette controverse, il faut lire d’une part UinioT, Traité de la Saillie Ecriture d’après Léon Al//, 1894, p. 231, et dans /ietiie de Lille, janv. 18g.5, p. 225 ; Laghanok, dans la Hevue biblique, 1900, p. 1 38- 189 ; Girkkd, dans Annales de pliilosopUie chrétienne, juill. 1898, p. 410-i’3 ; BoNAc.consi, Qiiestinni hibliclie, 1904, p. 203 ; et d’autre part : Vacant, Etudes thénlngii/ues sur les constitutions du Concile du Vatican, 18y, 5, 1. 1, p. 507-516 ; (’iHANDEHATii, dans Dsr KatlioUk, 1898, II, p. 289, 383 ; ViNATi, dans Dii’us Thomas^ 1886, n^, p. 53 ; EoaBR.Strei/lichter iiberdie freiere /iihelforschung, 1899. Dans une voie moyenne, on rencontrera Nisius, Zeitschrift fiir liatholische Théologie {Inn^hruek), 1897, p. 155 ; 1899, p. 185, et dans Kirchliche Lehrgenalt und Schriftauslegting, 1899, cahier Il et m ; J.-V. Bainvel, De Scriptura sacra, 1910, p. 107.

On peut penser qu’une analyse précise et adéquate ~de la formule traditionnelle, mais sommaire, l’Ecriture est la parole de Uieu » reste encore à faire. Ce qui rend cette analyse ditlicile, c’est la complexité du contenu de la Bible, oii se lisent beaucoup de détails qui n’ont qu’une connexion assez lointaine avec l’objet propre du texte sacré. En outre, comment démêler la portée réelle de tant de paroles rapportées dans le texte sacré, qui ne sont, du moins directement, ni de Dieu, ni de son hagiographe ? Le P. ConNRi.v, Hist. et crit. Introd. in Itrius/pie Testamenti lihros, t. I (1885), p. 57^1, sentait bien la difficulté quand il écrivait :.( Certum critérium e.r quo omnia omnino verhn relata, num pro divinis accipienda sint, cum certudine judicarclur^ nullum inve nitur. » D’autre part, on ne doit pas perdre de vue que toute recherche dans cette direction n’aboutira à des conclusions acceptables qu’à la condition de respecter les deux propositions suivantes, qui sont théologiquement certaines, i » Toute assertion de l’écrivain inspiré est une assertion divine. 2° Les distinctions entre « révélé et inspiré », « revelata per se et re^’elala propter alia », « res fidei et morum », etc., ne sont ici recevables qu’autant qu’elles respectent la nature et l’étendue de l’inspiration.

III. Étendue de l’inspîratioa. — Il ne s’agit pas ici de savoir si tous les livres canoniques sont inspirés dans toutes leurs parties, même dans les fragments dont on a contesté l’authenticité. Cette question, qui concerne l’étendue et l’intégrité du canon, a déjà été traitée dans l’article Canon CATuoLiQiii, col. 442 sqq. ; 451 sqq. C’est de l’étendue de l’inspiration elle-même qu’il s’agit présentement.

1. Inspiration totale du contenu de la /iible. — Depuis la renaissance des études bibliques, il s’est toujours rencontré des écrivains catholiques pour limiter l’inspiration aux enseignements dogmatiques et moraux ; à l’exclusion de tout ce qui, dans le texte biblique, a traita l’histoire profane et aux sciences de la nature. Tout au plus reconnaissaient-ils à ces portions de l’Ecriture une inspiration inférieure qui n’exclut pas l’erreur. C’a été, avec plus ou moins d’assurance et quelques divergences accidentelles, le sentiment de Holden (1652), de Rohlino (1872), de Fr. Lenormant (1880) et de S. oi Bartolo (1882). En prenant cette position, ils pensaient se libérer une fois pour toutes de la plupart des difficultés soulevées contre l’inerrance biblique. Le cardinal Newman (Tlie Nineteenth Centurv, févr. 1884, traduit dans ie Correspondant, mai 1 884) proposait, à l’état d’hypothèse provisoire, de soustraire à l’inspiration les obitrr dicta. Au reste, il définissait mal la nature et l’étendue de ces choses « dites en passant ».

L’Eglise a invariablement découragé toute tentative pour restreindre l’inspiration des Livres saints. Ce fut d’abord la mise à l’Index des ouvrages de Fr. Lenormant (L.es origines de l’histoire), et de S. di Bartolo (/ crileri teologici) ; puis sont venues les condamnations doctrinales. En 18g3 (dans Le Correspondant, 25 janvier), Mgr d’Hulst, alors recteur de l’Institut catholique de Paris, s’étant fait le rapporteur bienveillant de l’opinion large sur l’étendue et les conséquences de l’inspiration, la réponse de Rome ne se lit pas attendre. Ce fut l’encyclique l’rovidentissimus Deus. Léon XIII y disait : « U ne sera jamais permis de restreindre l’inspiration à certaines parties seulement de la Sainte Ecriture ou d’accorder que l’écrivain sacré ait pu se tromper. On ne peut pas non plus tolérer l’opinion de ceux qui se tirent de ces difficultés en n’hésitant pas à supposer que l’inspiration divines’étend uniquement à ce qui touche la foi et les mœurs, parce que, pensent-ils faussement, la vérité d>i sens doit être cherchée bien moins dans ce que Dieu a dit que dans le motif pour lequel il l’a dit. » Denz., igôo. Cf. 2011, la 11’des propos, du décret /.amentaliili. C’est qu’en effet l’opinion d’une inspiration restreinte va à rencontre de la tradition et de l’enseignement du théologien. Quant à la théorie dea ohiter dicta.e moins qu’on en puisse dire c’est qu’elle ne repose sur aucune raison convaincante ou même vraiment plausible. Son application, qui du reste ne va pas sans danger, est d’une mince utilité pour l’apologétique biblique. Cependant, à l’exemple d’auteurs recoramandables, nous nous abstenons de la déclarer condamnée par l’autorité ecclésiastique.

2. Inspiration verbale. — Depuis trois siècles, les théologiens discutent pour savoir si l’inspiration a