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INSPIRATION DE LA BIBLE

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conditions. C’est la loi ordinaire et elle suffit à expliquer les différences du style qu’on relève entre les écrivains inspirés.

Dans ces conditions, quel est le rôle de l’influence inspiratrice sur rintelligence ? Grâce à elle, l’Iiagiographe porte un jugement certain, qui participe à l’autorité divine elle-raèrae, sur les choses qu’il doit écrire. A la rigueur, cette appréciation, qui est à la fois de Dieu et de l’homme, peut être limitée à l’ordre pratique, porter sur l’opportunité qu’il y a d’écrire ceci plutôt que cela ; mais indirectement, ou mieux implicitement, elle atteint la vérité spéculative elle-même, puisque, sous l’inspiration divine, l’esprit humain ne peut faire erreur. Le cardinal Zigliara explique comment cette analyse se vérilie dans l’hypotlièse d’un écrivain inspiré utilisant des sources écrites (hypothèse qui a été depuis autorisée par la Commission romaine pour les études bibliques, Denz.’", lygy). « In hypothesi præexistentium documentorum, hæc niateriatiter solummodo considerari possunt, sed formaliter siini mosaica : quia licel (in hypotliesi)Iiumano more accepta, nonlamen humano more, sed ex diviiia inspiratione sunt a ^ioyse jiidicata et inserta suis libris. » Propædeut’ua, I. III, c. IX, 4. — S’il n’y a que citation, sans élal)oration proprement dite du document, le texte introduit de la sorte dans la Bible ne devient pas « parole de Dieu », l’inspiration se bornant ici à assurer l’exactitude et l’opportunité de la citation. Le vers d’Epiménide Creleitses semper mendaces, m/iliie hestiae, ventres pigri, reste un texte profane même dans l’épltre à Tite, i, 12. Quant à la vérité objective de la citation, elle n’est garantie par l’Ecriture que dans la mesure ou l’auteur inspiré lui donne son approbation. L’approbation peut être expresse, comme dans ce passage cité de saint Paul : » Testimonium hoc veriim est » ; mais parfois elle est seulement tacite ou équivalente. Il est clair qu’en citant le vers d’Aratus : Ipaius enim et geniis suinus (Act., Ti.vii, 28), l’Apôtre entend y trouver une preuve de sa propre assertion : « In ipso enim -ii’imus, et moyemiir, et suniiis. » Voir Inkrrancb, col. jôa-^ô.’i.

Saint TuoMAS, Il> II » ", q. 171-175, donne à l’inspiration, en tant qu’elle agit sur l’intelligence, les noms de lumière. A’illumination ox encore de mo((o «. Quand Dieu enveloppe de sa vertu surnaturelle une faculté, c’est pour la perfectionner dans la direction même de ses opérations naturelles. Or, dans toutes les langues on a recours à la comparaison de la lumière pour faire comprendre les propriétés et les énergies de l’intelligence. Disons donc, a près le saint Docteur, que l’inspiration est une « lumière divine », dans laquelle et par laquelle l’esprit de l’écrivain sacré conçoit exactement l’ieuvre que l’Esprit-Saint entend produire par son moyen. C’est avec raison qu’on parle aussi de

« motion « , puisque Dieu meut réellement sa créature

en se l’associant en vue d’opérations qu’elle ne saurait produire laissée à ses propres forces. Il se subordonne les facultés de l’écrivain connue l’agent principal fait son instrument, de manière à ne plus former avec lui qu’une cause adéquate. Le danger est ici de se représenter la motion inspiratrice comme une invasion de l’àme humaine par une force venant du dehors. Sans doute. Dieu est distinct de l’àme et. à ce titre, l’homme inspiré se trouve placé sous l influence d’une activité étrangère ; mais l’agent ne lui est pas proprement extérieur. Subslanliellement présent et intérieur à tout être. Dieu s’unit son instrument dans vine intimité dont aucune comparaison ne saurait donner la juste idée. Il n’inspire pas Ihagiographe coniTne fait l’homme qui suggestionne son sendjiable au nuiyen de paroles extérieures ou d’impressions sensibles, il n’a pas même besoin d’entrer

chez lui puisqu’il y est déjà. Dire que la pression divine fait jaillir de l’àme humaine l’œuvre inspirée comme notre pied fait sourdre de la terre une source encore latente, c’est exprimer avec assez de bonheur les préparations subeonscicntes que la providence de l’Inspirateur a bien pvi se ménager ; mais la comparaison est devenue suspecte (et à bon droit) à cause. de l’abus que les sentimentalistes protestants et les modernistes en font.

Une inspiration qui n’étend pas le champ des connaissances de l’hagiographe, qui s’insinue dans son âme d’après le jeu normal de ses facultés, qui peut même décider sa volonté par des motifs d’ordre humain, ne se révèle pas nécessairement à la conscience de celui qui en est favorisé. Si les Prophètes, l’auteur de r.pocalypse et saint Paul (du moins par endroits) savent et disent que leur plume est conduite par l’Esprit de Dieu, d’autres auteurs inspirés semblent plutôt avoir été menés « par une influence mysté-, rieuse dont ils ignoraient on ne démêlaient pas bien lorigine ». S. Augustin, fle Genesi ad lilt., II, xvii, 37, P. /,., XXXIV, 278. C’est ce que saint Thomas, II" 11<’, q. 17 1, a. 5, appelle c( l’instinct prophétique ». Cependant, la plupart des théologiens admettent que l’hagiographe a eu d’ordinaire conscience de son inspiration. Cette conscience ne va pas sans quelque révélation. Se sentir avec certitude sous l’influence d’une grâce extraordinaire, n’est-ce pas recevoir de Dieu même l’assurance qu’il est présent ?

D’où il suit que l’inspiration divine n’emporte pas nécessairement l’extase, comme l’avait pensé Philon, et après lui les Montanistes. Il est vrai que quelques-uns des apologistes chrétiens du 11’siècle (Athkna-GORK, TiiiioPiiiLB d’Antiocub, S. Justin) ont, dans leur description de l’inspiration, subi quelque peu l’influence des idées alors courantes parmi les païens sur la divination.’Volontiers, ils font de l’écrivain sacré un instrument tout passif, à l’instar de la Pythie et des Sibylles, comme si son rôle s’était borné à enregistrer le message divin. Mais s’ils ont donné à l’inspiré un rôle trop mécanique, ils n’en ont pas fait un énergumène. Et ici, il serait puéril de presser la comparaison employée par les anciens, quand ils disent que l’écrivain sacré a été la lyre ou l’archet de l’Esprit-.Saint. L’intervention divine, si on en a conscience, peut bien répandre une certaine « horreur » dans l’àme (Dan., vii, 15) ; elle ne jette pas dans le délire. Quelle différence entre les prf)phètes de Dieu et ceux de lîaal, entre le Psalmiste et Balaam, ou encore la pythonisse d’EndorI

3° L’ol)jet intégral de l’inspiration biblique élant non pas seulement de concevoir mentalement la parole de Dieu, mais de lui donner une expression écrite, il va sans dire qu’elle devra étendre son influence aux facultés d’exécution : la mémoire, l’imagination, et même les organes qui contribuent plus directement encore à la composition matérielk- d’un livre. D’après l’opinion que l’on se fait de l’étendue de l’inspiration (voir ci dessous, col.go6).on se représente dilféremment cette influence : par action directe ou simple assistance. Quoi qu’il en soit, ce même secours s’étend, dans la mesure convenable, à tous ceux qui collaborent avec l’auteur principal. Nous savons par leur propre texte que.lérémie cl saint Paul dictaient à des secrétaires. D’aiitrc part, la tradition et la critique littéraire s’accordent pcuir regarder certains écrits du Xouveau Testamenl (l’cpitre aux Hébreux, les épiires de Pierre et peul-èlre d’autres encore) comme l’œuvre commune d’un auteur et d’un rédacteur. La divisiliilité de la grâce d’inspiration n’a rien que de très compréhensible.

c) Considérée dans son terme, l’inspiration n’est