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servir à leur entretien les biens qui leur avaient été conlisqués (Doat, XXXI, p. ;  !). Il atténua la peine de la conliscalion des biens en exceptant de cette mesure rigoureuse les dots des femmes des condamnés, et il ordonna aux archevêques de Bordeaux, de Narbonne et d’Arles, auxévêquesde Toulouse, de Cabors, du Puy, de Mendc, d’Albi et de Rodez, de faire rendre les dots qui auraient été ainsi confisquées (Berger, Registres d’Innocent I V, n" 3422). Il apporta aussi des adoucissements à la procédure inquisiloriale. Quand les noms des témoins devaient être cachés au prévenu, il voulut au moins qu’ils fussent communiqués aux personnes qui formaient le jury de l’inquisiteur, pour que les témoignages fussent rigoureusement examinés et appréciés par eux ; c’est ce qu’il écrivit à l’Inquisition des comtés de Toulouse et de Poitiers, le 13 juillet 125/4 (I.ayeites du Trésor des Chartes, Ill.n" 4’12). Après avoir cité tous ces actes, Mgr Douais apprécie en termes très exacts les relations d’Innocent IV avec l’Inquisition et les hérétiques du midi de la France : « Surveiller l’hérésie, mettre à l’abri des poursuites ceux qui voulaient faire acte d’orthodoxie, contenir le zèle des inquisiteurs en précisant et réglant minutieusement la procédure, et par là même préparer la pacification du Languedoc, de la Garonne jusqu’au Khône, telle fut la politique d’Innocent IV (Documents, p. xxii). Nous retrouvons ce jugement sous la plume de M. ElieBERGFR : n Surveiller l’hérésie, mais empêcher qu’elle servît de prétexte à des persécutions exagérées, rétablir enfin la tranquillité dans le midi de la France, en facilitant dans une certaine mesure le retour à ceux qui voulaient se réconcilier avec l’Eglise, telle paraît avoir été, en 1243, l’une des préoccupations d’Innocent IV. » (Registres d’Innocent IV, >. xLix.) Il n’agit pas autrement en Espagne ; car le 25 mai 1248, il ordonnait à l’évêque île Lérida d’absoudre purement et simplement tous les hérétiques qui voudraient rentrer dans le giron de l’Eglise (Ibid., n° 3904).

Dans un passage de son livre, intitulé Mansuétude du Saint-Siège, Lea lui-même rend hommage à la modération de plusieurs papes. Il cite la décision par laquelle, en février 1286, « Honorrs IV relevait les habitants de la Toscane, individuellement et collectivement, des pénalités encourues pour hérésie, ainsi que de toutes les incapacités décrétées par les précédents pontifes et par Frédéric Un. Il faisait encore plus : il abrogeait, pour la Toscane, les terrihles constitutions édictées par Frédéric II contre les hérétiques, a Il semble, ajoute Lea, que cet extraordinaire privilège ait été respecté pendant un certain temps. Il (Histoire de V Inquisition, II, p. 290.) « A côté de cette manifestation d’indulgence pontificale, notons que le Saint-Siège intervint à l’occasion, pour atténuer la sévérité des canons ou réprimer le zèle déplacé des inquisiteurs. » (Ibid., II, 291.) Ces constatations feraient honneur à Lea et démontreraient sa propre loyauté, s’il ne les faisait suivre d’explications inspirées par l’animosité, attribuant, — sans en donner la moindre preuve, — la générosité d’Honorius IV à son peu de confiance dans les lois draconiennes, et celle des autres papes aux influences politiques et pécuniaires. Il est intéressant de constater que l’un des papes qui réprimèrent le plus les excès de l’Inquisition fut celui dont on blâme davantage le caractère hautain et dur, BoNirACE Vlll. Il ordonna la revision de plusieurs condamnations pour cause d’hérésie. Trois mois après son avènement, le 29 mars 1 296, il confia celle du procès du franciscain Paganus de Pietrasanta aux provinciaux franciscain et dominicain de Lombardie et au prévôt de Saint-Ambroisc de Milan (Sdaralea, liuUarium franciscanum, IV, n* 7). Le 13 février 1297, il cassait une

condamnation pour hérésie portée par l’Inquisition contre Raynier Gatti de Viterbe et ses deux fils, parce qu’elle avait été déterminée par un témoignage entaché de parjure (Registres de honifuce Vlll, II* 1673). En 1298, Il fit rendre aux enfants innocents d un hérétique les biens confisques par l’Inquisition ; enlin, il invita l’inquisiteur de la province de Rome, Adam de Corne, à cesser de molester un citoyen d’Orvieto déjà absous par deux inquisiteurs et qu’il persistait à poursuivre (Lea, op. cit., II. 191).

En 1305, l’inquisiteur de Carcassonne souleva par ses rigueurs, l’opinion publique, et les habitants de Carcassonne, d’Albi et de Cordes adressèrent des réclamations au Saint-Siège. Elles furent accueillies avec bienveillance par le pape Clément V, qui en confia l’examen, le 13 mars 1306, à Pierre Taillefer de la Chapelle, cardinal prêtre de Saint-Vital, et à Bcrenger Frédol, cardinal prêtre des Saints Nérée et .cliillce, l’un et l’autre particulièrement aptes à cette mission, puisque le premier avait été cvèque de Carcassonne, de 1291 à 1298, puis de Toulouse, de 1298 a 1303, et le second évêque de Béziers de i 2g4 à 1305. Us devaient, en attendant la conclusion de leur enquête, suspendre toute poursuite contre les hérétiques et inspecter les prisons de l’Inquisition (Douais, Documents, II, p. 306). Us se mirent aussitôt à l’œuvre, et dès les derniers jours d’avril, ils visitèrent les prisons de Carcassonne. Us y trouvèrent quarante prisonniers dont ils admirent les griefs contre leurs geôliers. Des gardiens plus humains leur furent donnés ; on leur assigna des chambres meilleures et réparées à neuf, on leur permit de se promener per carrerias mûri largi, enfin on recommanda formellement de leur donner tout ce qui leur était assigné par le roi ou envoyé pas leurs amis, leurs parents ou toute autre personne, pour leur entretien (Documents, II, pp. 322-327). ^^ visite des prisons d’Albi eut lieu de la même manière, le 4 mai 1306 ; le cardinal de Taillefer fit enlever les ihaines des prisonniers, nomma de nouveaux gardiens et Ut assainir les chambres, en y ménageant pour le jour et la lumière, de nouvelles ouvertures (Ihid., pp. 331-332).

L’Inquisition réussit à élouffer le Catliarisme. Le nombre de ses adeptes poursuivis se ralentit considérablement dans le premier quart du XIV’siècle ; après 1340, on ne rencontre guère quedes cas isolés. M. ScHMiDT déclare que, au xiv’siècle, a la secte disparut sans laisser de traces dans nos provinces méridionales » (Histoire et doctrine des Cathares, I, p. 360). Même constatation pour l’Espagne. « En 1292, écrit-il, on trouve les dernières traces de l’hérésie cathare en ces provinces, le roi Jacques II, les évcques assemblés à Tarragone et les inquisiteurs se réunirent pour les faire disparaître : depuis ce temps on n’en entend plus parler en Espagne. « (Ibid.. p. 374.) En Italie, l’Inquisition découvrit encore des Cathares jusqu’à la fin du xiv siècle ; ils s’étaient réfugiés dans les vallées reculées des.li>es et dans les massifs inextricables de la Corse ; dans cette lie,

« les réfugiés habitaient pour la plupart dans les

forêts et les montagnes ; pour les réduire, on établit une ligne deforteresses ecclésiastiques sous laforme de résidences de franciscains » (Lea, op. cit., II, p. 304). Ainsi refoulé, le catliarisme ne constituait plusun danger ; il finit d’ailleurs parseconfondre u^ec les hérésies des Vaudois et des fralicrlli. Il ne persista que dans la péninsule des Balkans, où l’Inquisition fut faiblement organisée et ne fonctionna que d’une manière intermittente.