Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/447

Cette page n’a pas encore été corrigée

881

INQUISITION

882

lion. » (Douais, l' Inquisition, pp. 22/1-225.) C’est ce qui explifiue qu’elle ait donné des pcnitenees d’ordre spiritviel pouvant incliner le condamne vers la piélc, qu’elle ait atténué les peines plus graves quand elle trouvait en lui des indices d’un amendement moral, et qu’elle ait abandonné au bras séculier, e"esl-àdire à la mort, les relaps qui, étant retournés à leurs erreurs, faisaient douter à jamais de leur conversion et de leur sincérité. Les adoucissements, les commutations et les remises de peines proviennent donc du principe de l’Inquisition même, et non du caractère particulier de tel de ses juges.

Tous les inquisiteurs, sans doute, n’eurent pas assez d'élévation d’esprit ou de modération de caractère pour conformer à cet idéal tous leurs actes, et il y en eut qui poursuivirent cruellement l’iiérésie, donnant libre cours à leur cupidité ou à leur haine contre ses adhérents, se livrant à des excès que tout liomuie doit réprouver. C’est ce qui a permis à Lka d’agrémenter son Histoire de V Inquisition de soustitres tendancieux tels que ceux-ci : Insolence des inquisiteurs, Conseils infâmes des inquisiteurs : Cruauté des inquisiteurs ; £jctorsions des inquisiteurs : A’idité des inquisiteurs ; Goût du pilluf ; e, eU-. Mais Lea, et après lui ses nombreux disciples et imitateurs, n’ont pas dit ou ont dit d’une manière insullisante que le Saint-Siège a continuellement surveillé le fonctionnement de l’Inquisition et enasouventrépriraé lesabus. Les excès qu’ils décrivent et qui, en elTet, sont coujjables, ont été le plus souvent blâmés et punis par les papes, les légats et les évéques ; et à maintes reprises, des conseils de modération ont été envoyés par les Souverains Pontifes et inscrit s par eux dans les décrétâtes C’est l’une des pensées qui a inspiré à Cli'î.ment V, la dccrétale sur l’Inquisition qu’il promulgua au concile de Vienne etque Jean XXII Ut insérer dans les Clémentines du Corpus juris canonici. Dèslef, débuts de l’Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celuici aussitôt manda à l’archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer. Il lui donnait, le 18 novembre 128^, des conseils de sagesse, de prudence et de modération, qu’il adressait en même temps aux évéques de Toulouse, d’Albi, de Rodez, d’Agen et de Cahors. II leur recommandait instamment « la pureté d’intention », la vertu de discrétion ». Il s'élevait même contre l’admission de témoignages secrets non communiqués à l’accusé et le refus de leur accorder le secours d’avocats, ce qui, ajoutait-il, risquait de faire condamner des innocents, a Quidam ad inquirendum super dicto crimine procedentes, juris ordiue prueterniisso, testes super hoc recipiunt in occulta et, nominibus vel dictis testi/icantium minime puhlicatis, omnem defensionis copiam et adiocatorum suffragium eis contra quos inquiritur, pro sua suhtrahunt voluntate. Il leur ordonnait enfin de cesser toute poursuite pour hérésie contre ceux qui, pendant la croisade des Albigeois, avaient combattu pour Raymond VII (.uvRAY, Registres de Grégoire IX, n" 2218).

La modération et l’esprit de justice dont témoigne cette lettre nous inclinent à penser ((ue Gricooiri ; IX ignorait alors les actes de cruauté dont se rendait coupable, dans ces mêmes années, l’inquisiteur de France, Robert le Bougre, qu’il félicitait de son zèle et qu’il recommandait lui-même aux archevêques de Sens et de Reims, et au prieur provincial des Dominicains (liullarium ordinis Prædiciitorum, I, n" 70, 189). Lors(pi’il en fut avisé, il ordonna une enquête sur la conduite de l’inquisiteur et quand elle eut révélé ses procédés violents et injustes, non seulement il le révoqua de ses fonctions, mais encore il le condamna à la détention perpétuelle. C’est ce que nous

rapporte le chroniqueur contemporain Mathieu Paris. Tandem vero, liohertus ahutens potestnte sihi concessa et fines modestiæ transpediens et justitiae, elatus, potens et formidahilis, honos cum malis confundens invoUit et insontes et sinipliccs punit’it. Auc toritate igitar papali jussus est præcise ne amplius in illo ojpcio fulminando desæviret. Qui postea. manifestius claresrentihus culpis suis, quas melius aestinio reticere quant explicare, ndjudicatns est perpetuo carceri mancipan (Matliæi j’arisiensis, monachi Alhanensis Angli, liistoria major, éd. Londres, 1640, p. 482. Cf. aussi Raynalui, Annales ecclesiastici,

XIII, p. 4 ; 0 Grégoire IX usait de la même modération en Espagne : il recommandait une indulgente équité, en février 1237, au roi d’Aragon Jayme et à l'évêque d’Elne. Se trouvant en effet en conflit pour des dîmes et des terres avec Robert, comte de Roussillon, ce prélat avait accusé ce seigneur d'être le chef des hérétiques de la région et de leur donner asile dans ses châteaux ; Lea reconnaît lui-même que « ces accusations élaient vraisemblablement fondées 1) (llist. de l’Inquisition, II, 194). Jayme ût arrêter Robert et commencer contre lui un procès ; mais Grégoire IX arrêta la procédure et ce fut en vain que l'évêque d’Elne lit le voyage de Rome pour lui faire révoquer sa décision (Lloukntr, llist. de l’Inquisition, III, i, 5). La même année, en Italie, Grégoire IX recommandait la douceur envers les hérétiques que Frédéric II poursuivait avec la plus grande cruauté. Onallait même jusqu'à dire en Allemagne que le pape « s'était laissé corrompre par l’or des ennemis de la foi ». Lea ne donne aucune créance à cette calomnie, mais il explique cette indulgence du pape par son antagonisme contre Frédéric II « et le désir de servir ainsi, en Lombardie, les intérêts de la politique pontificale >i (Lea, op. cit., II, p. 24^). C’est encore là une explication malveillante que rien ne justifie. L’attitude de Grégoire IX envers les hérétiques d’Italie était conforme à celle qu’il avait adoptée envers ceux de Languedoc, de France et d'.ragon ; elle était inspirée par le désir de concilier, avec les nécessités de la répression, la justice et la charité.

Innocent n (1243-1254) suivit la même ligne de conduite à l'égard de l’Inquisition. S’il veilla à la poursuite de l’hérésie, au point de permettre contre les prévenus l’emploi delà torture, et s’il promulgua contre elle plusieurs bulles fort sévères, il chercha aussi à réprimer tous les excès de rigueur. II ordonna lui-même aux inquisiteurs du Languedoc de prononcer des remises cl des commutations de peines, et même révoqua plusieurs de leurs sentences qu’il estimait trop rigoureuses. Le 2^ juin 1245 par exemple, il mandait aux inquisiteurs Guillaume Durand et Pierre Raymond, d’absoudre Guillaume Fort, bourgeois de Pamiers(DoAT, XXXI, io3) ; le 24 décembre, 1248, « il faisait mettre en liberté des hérétiques dont il estimait le châtiment suflisanl ; le 5 août 1249, il chargeait l'évêque d'.VIbi de réintégrer dans la communion de l’Eglise Jean Fenassa d’Albi et Arsinde sa femme, condamnés par l’inquisiteur Ferrier » (Douais, Documents, l. p. xvi). « Le.'.o janvier 1245, il permit aux inquisiteurs delà provincedominicaine de Provence, qui comprenait le comté de Toulouse dans ses limites, de commuer, du consentement des prélats, les pénitences infligées aux hérétiques, n {lliid., XIX.) Le 9 décembre 1247, il écrivait à l’archevêque d’Aucb pour lui donner la faculté decommuer le port des croix ou la prison en la croisade ou voyage d’outre-mer (Berger, Registres d’Innocent IV, n" 35087) ; ^^ <^^ n’est pas le seul acte de ce genre que nous ont conservé ses Registres. Il veilla à ce que les prisonniers fussent traités avec humanité, et fît