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FOI, FIDEISME

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mystères, elle s’en nourrit : les personnes divines, le Verbe incarné deviennent, pour ainsi dire, des liôles el des amis pour l’àiue pieuse ; et pendant que notre foi voit, en quelque sorte, l’invisible, notre esiu-rance y tend, notre amour l’embrasse. Combien d’incrojants frappés des beautés de notre foi, des solutions qu’elle donne à tous les problèmes vitaux, de ses fruits merveilleux dans l’âme ont exprimé le reiîret de ne pas les croire ! Qu’on se rappelle Jouffroy, Musset, Maxime du Camp, Sully Prudliomme.

4. La nécessité de la foi et sa possil/ilité ; les i’érilés nécessaires, — La doctrine catholique sur la nécessité de la foi pour être sauvé a particulièrement le don d’exaspérer les incrédules. On dit que nous damnons ceux qui ne pensent pas comme nous, et, sous prétexte que nous sommes intolérants, on s’excuse (le l’être à notre égard. On dit que nous demandons l’impossible, en exigeant la foi de qui ne peut avoir la foi. On applique la chose aux intidèles, qui n’ont jamais rien appris de nos dogmes ; on l’applique aux incrédules, dont plusieurs disent que la foi leur est impossible. — Beaucoup des questions soulevées à ce propos sont ou seront résolues dans d’autres articles (Voir Eglise, Salut [des infidèles]. Grâce, etc.). Ici quelques explications suffiront.

C’est une maxime de la théologie catholique, que nul n’est damné sans sa faute, et que Dieu donne à tous les adultes — j’entends par là ceux qui ont la conscience morale assez développée pour cire responsables de leurs actes devant Dieu — les grâces nécessaires pour se sauver et pour arriver à la connaissance de la vérité. Tout adulte peut donc, s’il correspond aux avances divines, arriver â la foi nécessaire au salut ; s’il n’y arrive pas, il ne peut s en prendre qu’à lui.

Ce nécessaire se réduit à peu de chose. Généralement on en voit la formule dans le mot de l’épître aux Hébreux, xi, 6 : « Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ; car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie qu’il existe, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » Il ne s’agit pas ici d’une connaissance purement naturelle et philosophique de Dieu et de sa Providence. On s’accorde à reconnaître qu’il y faut la foi, au sens thcologique du mot, laquelle implique la croyance à une révélation ; cette foi doit s’étendre au moins à une Providence spéciale de Dieu sur l’homme — Providence que nous appelons la Providence surnaturelle, — il faut croire que Dieu est intervenu et intervient dans notre vie pour aider notre misère, pour nous conduire par des moyens à lui vers une destinée où nous ne saurions prétendre ni atteindre par nos propres forces. La connaissance explicite n’est requise, suivant l’opinion maintenant commune, ni pour la Trinité, ni pour l’Incarnation et la Rédemption, ni pour le péché originel, ni, à plus forte raison, pour aucune autre vérité surnaturelle.

Ce nécessaire, nous disons qu’il est à la portée de tous. Comment, je n’ai pas à l’expliquer ici. Nous disons que Dieu y pourvoit, soit par les moyens ordinaires, soit, au besoin, par miracle. Qui dira que Dieu ne peut pas, par exemple, se révéler dans l’intime, sans que personne en sache rien, à l’âme de bonne volonté ? Il n’est même pas nécessaire que l’âme prenne une conscience nette de cette révélation et de l’adhésion qu’elle y donne : elle a une certaine conscience de sa pensée et de son acte, et cela peut >n(rire.

Que ceux-là nient cette action intime de Dieu dans les âmes, qui n’admettent pas la Providence : cela les regarde. Mais qu’ils nous disent en quoi la doctrine catholique de la foi nécessaire est inadmissible.

On voit aussi que nous nous gardons de « damner

ceux qui ne pensent pas comme nous ». Nous tenons ce que Dieu a révélé, le principe de la nécessité de la foi. Mais nous ne jugeons pas des cas particuliers : nous savons que Dieu seul sait le secret des cœurs et le secret de son action mystérieuse dans les âmes.

Même ]iour ceux qui ont, comme on dit, u perdu la foi », nous ne jugeons pas. Nous savons, d’après la doctrine conmiune, que nul ne perd la foi, au sens propre du mot, sans une faute contre la foi. Nous tenons, avec le concile du Vatican, que « ceux qui ont reçu la foi sous le njagistère de l’Eglise, ne peuvent jamais avoir de juste cause de changer de foi ou de révoquer leur foi en doute » ; mais nous entendons ces paroles au sens olijectif, non au sens subjectif : en principe, il n’y a pas de raisons valables ; si quelqu’un, dans des conditions spéciales et anormales, peut croire de bonne foi qu’il a des raisons valables, c’est un point que l’Eglise n’a pas voulu trancher. Ici encore, nous laissons Dieu juger des consciences.

Bibliographie. — On’connaît le Discoitis de Leibniz sur la Ccrifoiniité de la laison avec la fui, préface aux Essais de théodicée. — Outre les traités de théologie et les éludes de Vacant et de Grandehatii, citées plus haut, on peut signaler, comme donnant une attention spéciale aux questions traitées ici, ou du moins à quelques-unes : J. V. Bainvel, La foi et l’acte de foi, nouvelle édition, Paris, 1908 ; A. Gabdeil, L.a crédibilité et Vapulo « élique, Paris, 1908 ; du même, article Crédibilité, dans le Dictionnaire de théologie catholique : Schvvalm, L’acte de foi est-il raisonnable P Paris, 191 1 (Collection 5c. et P., n. P91). Sur la nature et les conditions de certitude rationnelle du fait de la révélation, il y a eu et il y a encore des discussions entre catholiques ; récemment entre les Pères Gardeii, , IUgueny, Lacae, dans la lictue thomiste (1910) ; enlre MM. Gabdeil et B.iNVEL, daTisa. Iie lie pratique d’apologétique, 1908. Ce sont là discussions lechniques, qui regardent la science de la foi plus que l’apologétique, bien que celle-ci ne puisse s’en désintéresser. On peut dire la même chose des discussions entre théologiens sur la psychologie de la foi et l’analyse de l’acte de foi. Cf. E. Baldin, L.a philosophie de la foi chez Neitman (Extrait de la Heiue de philosophie, 1906). — F. M. J. C.TBEniNET, Le râle de la volonté dans l’acte de foi (thèse de doctorat présentée à la faculté de théologie de Lyon), Langres (chez l’auteur), 1908. — A. de Poi’LI’iquet, Volonté et foi, dans Lievue des sciences philosophiques et tliéologiques, juillet 1910, t. IV, p. /|38 479- — T. RiciiABD, Des causes de l’assentiment dans la croyance et dans l’opinion, dans Bévue thomiste, sept.-oct. 1910. — A. Farges, De la connaissance et de la croyance, Paris, 1907. — J. Lbbreton, articles cités au§IV. — P. Rocsselot, Les yeux de la foi, dans Recherches de science religieuse, maijuin, sept. oct. 1910, t. I, p. 241-260, l{ ! |l^-l|^]b. — E. P0BTALIÉ, L.’explication morale des dogmes dans Etudes, 20 juillet et 5 août 1906, surtout le 5 août, t. CIV, p. 318-342. Chr. Pesch, Glaubenspflicht und Glauhensschu ierigkeiten, Fribourgen-Brisgau, 1908 (Theologische Zeitfragen, fiinfte Folge). — R. M. Martin, De necessiiate credendi et credendorum (thèse de théologie), Louvain, igo6.

— Abbé Claraz. /.e moyen de croire. Paris, 1908.

— Sur le problème de l’incrédulité el de la perte de la foi. quelques réflexions dans J. V. Bainvel, L.e problème apologétique, dans Bévue de l’Institut catholique, mai igoS, t. X, p. 233. — Cf..alure et surnaturel, e. x, § 5. — Sur le problème du salut