Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/422

Cette page n’a pas encore été corrigée

831

INQUISITION

832

En lisant ces lignes, il est facile de voii- qn’Alexandre m répugnait à la violence el que Louis VU, son frère l’arcbevèque de Reims, el le conile de Flandre exerçaient sur lui une forte pression pour obtenir son adhésion à une politique de répression. Or, à ce moment, Alexandre 111 était menacé par le scUisme d’un antipape : chasse de Rome, il s’était réfugié en France et avait hesoin de la protection du roi. Dans sa réponse datée du ii janvier 1163, il lui promit de ne rien faire, dans la question des hérétiques de Flandre, sans l’avis de l’arclievèquc (ihiJ., p. 084).

Cet échange de lettres nous explique aussi la décision du concile de Tours. Cette année-là en elfel se réunirentà Tours 12 cardinaux, ! 24 évêques, 314abljos et une foule considérable de clercs et de laïques, sous la présidence d’ALKXANouiî III. Le concile accentua les mesures de rigueur prises précédemment contre l’hérésie manichéenne, qui, a comme un chancre, s’était étendue à travers toute la Gascogne et dans d’autres provinces «. Il ordonna à tous les évêques et à tous les prêtres de la surveiller ; par leurs soins, les hérétiques devaient élre chassés des pays oii on les découvrirait ; on n’aurait avec eux aucune relation d’all’aires ; les princes devraient condamner à la prison et à la conliscation tous ceux qu’on surprendrait ; enlin, on rechercherait avec soin leurs assemblées secrètes (Mansi, XXI. p. 1178).

Bien que ces canons soient édictés par un concile et promulgués par le pape, il est facile de voir qui les avait provoqués : c’était le roi de France, et une fois de plus le pouvoir civil excitait contre l’hérésie le zèle et la vigilance de la hiérarchie ecclésiastique.

Le comte de Flandre et l’archevêque de Reims profitèrent de CCS décisions conciliaires pour brûler en Flandre un certain nombre d’héréliques (Lka, L’ist. de V Inquisition, I, p. 128), et leur exenq)le fut suivi à Cologne.

Il est curieux de constater que l’un des persécuteurs les plus cruels de l’hérésie fut alors un prince excommunie, en révolte ouverte contre Alexandre III, le roi d’Angleterre Hiînki II.

Il venait de faire voter les Staluts clf Claiendon qui soumettaient l’Eglise d’Angleterre à lajuridiction royale, et, à ce propos, il était entré si violemment en condit avec Thomas liccket, primat de Ganlorhéry, que ce dernier avait dû quitter son siège el chercher un asili- en France. Alexandre III avait Jiris parti pour le primat et lancé contre Henri les censures Ai l’Eglise. Or voici ce que nous rapporte le ehroniipieur anglais, Guillaume uk Newbridge. Un certain nombre d’héréliques sétaiit réfugiés, en i iG5, d(^ Flandre en Angleterre, Henri II les lit arrêbr, marinier d’un fer rouge au front et exposer, ainsi déligurés, devant le peuple. Il défendit à ses sujels de leur donner asile et de leur rendre le moindre service. Ce fut en les mettant ainsi hors la loi qu’il « préserva totalement son royaume de la peste de l’hérésie » (Moniinienlci Geimaniæ liistoriru. Scriptures, XXVH, p. 131). Ce qu’il avait ainsi l’ail à l’assemblée d’Oxford présidée par Ini-méme, Henri II voulut l’élablir délinilivemenl par un texte de loi, et par l’arlicle 21 des Assises de Clarendon il défendit à jamais « de recevoir chez soi des hérétiipies, sous i)eine de voir sa maison détruite » ; en même temps, il obligea tous les shérilfs (odiciers civils des comtés) à jurer qu’ils observeraient cette loi et feraient prêter serment dans le même sens à tous les chevaliers et possesseurs de terres franches. C’était l’extermination complète et radicale de l’hcrcsie, et, comme le fait remarquer Lea, à qui nous empruntons ee passage, elle était ordonnée par une loi exclusivement civile, poursuivie par des odicicrs laïques et une juridiction séculière, au nom d’un prince excommunié par l’Eglise à cause du soin

jaloux qu’il prenait de la soumettre au pouvoir laïque (Lea, IJist. de l’Jne/uisilion, ! , p. 129).

Ou a voulu expliquer les rigueurs de Henri H par le désir qu’il aurait eu de se poser en farouche défenseur de l’orthodoxie au moment où il luttait contre Thomas Beeket cl Alexandre III, alin de prouver à son peuple que sa lulte contre le Saint-Siège ne diminuait ni sa foi ni son zèle chrétien. Pour montrer l’invraisemblance de cette hypothèse, il sullit de rappeler qu’en ii^’p, alors qu’il était réconcilié avec le .Sairkt-Siège, Henri II donna aux hérétiques de nouvelles preuves de sa haine. Alors que, pendant tout son règne, il avait été le rival de Louis VII, roi de France, celle année il se concerta avec lui contre les Cathares du Languedoc. « Ces deux princes, écrivait, au pape IIiînri, l’abbé de Clairvaux, viennent de coutirmer la paix qu’ils ont conclue et ils s’entendent à merveille dans le dessein de revêtir la cuirasse de la foi et de poursuivre la multilude des hérétiques. » El le chroniqueur anglais Bis.noit de PkïbrliouoUGH ajoute (année 1178) : « Henri II ne voulut pas passer la mer el rentrer en Angleterre avant de s’être entendu avec le roi de France pour envoyer de concert avec lui, dans le comté de Toulouse, des hommes d’Eglise et des laïques qui ramèneraient les hérétiques à la vraie foi par des prédications ou les réduiraient par les armes. » Ce fut à leur instigation que fut organisée, en ce sens, la mission du cardinal Pierre ijk SAiNT-CHitYsoGo.E (Boucjuet, Historiens di : t (Gaules et de France, XV, p. y60). C’était toujours le pouvoir civil qui inspirait à la hiérarchie eeclésiasticjue des mesures de répression contre l’hérésie.

Dès son avènement, Philippe - Auguste suivit l’exemple de son père Louis VII el de Henri II. Dans sa l’Iiilippide, Guillaume Le Breton le félicite d’avoir, dès les premières années de son règne, poursuivi énergiquement ces hérétiques appelés par le peuple Po/)elicani, « qui réprouvent le Jjonheur conjugal, déclarent défendre l’usage de la viande el répandent ]>lusi(Mirs autres superstitions n. Le roi les a fait sortir de leurs refuges el de leurs cachettes el, après les avoir fait juger par ses tribunaux, les a envoyés au bûcher « pour que le feu matériel leur soit un avantgoût des llammes de l’enfer ». Et ainsi, continue Guillaume, le royaume a été totalement purgé de l’hérésie, et nul ne peut y vivre s’il n’accepte tous les dogmes de la foi catholique, ou s’il nie les sacrements (Boui^uur, op. cit., XVII, p. 127, vers 408-435).

Les papes s’engagèrent de i)Ius en plus résolument dans cette voie répressive ((ue leur traçaient si bien les |irinces. Au concile de Lalran de 1179, Alkxanimu III, lout en rappelant que le clergé avait horreur du sang (i ; vie ; /(fli- e//u ! ^iunt nltiones), demandait à la ])uissanee séculière des sanctions pénales c< contre les Calhares, Pnlilic/mi ou Palureni qui, en Gascogne, dans l’Alliigeois el le comté de Toulouse, ne se eontentaient pas de professer leur erreur en secret, mais la manifeslaicnl publiquement ». Il lançait l’analhème contre eux, leurs prolecteurs el quiconque les recevrait dans sa maison ou sur ses terres ou ferait le commerce avec eux. Bien plus, il appelai ! aux armes contre eux les princes el les peuples, et, i)our la première fois, on voyait une croisade ordonnée non plus contre des inlidclcs, mais contre des hérétiques. Une indulgence de deux ans était accordée à tous les (idèles qui s’armeraient contre eux, à l’appel des évêques, qui avaient la faculté d’augmenter encore, selon le cas, l’élendue de l’indulgence. Ces croisés étaient placés sous la protec^lion de l’Eglise, comme ceux qui parlaient en Terre sainte ; les évêques étaient constitués les défenseurs de leurs droits et de leurs biens (Décret. Greg. IX ; V, vu).

Au lendemain de la paix de Constance, qui avait