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INQUISITION

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à mort des hérétiques. Sainte IIildegarui ! écrivait aux princes clirétiens : « Faites sortir lesbcrctiqiies hors de l’Eglise, mais ne les tuez point ; car ils sont faits comme nous à l’image de Dieu. » (Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des Calh(iies, , p.^iij.)

Les princes et le peuple ne tirent pas preuve de la même longanimité que le clergé. Les premiers par leurs jugements, les seconds par leurs soulèvements usèrent, pour réprimer l’hérésie, de moyens violents et, dès le xi* siècle, les bùcliers s’allumèrent par leurs soins.

En 1017, nous raconte Raoul Glabeh, l’hérésie manichéenne avait été apportée à Orléans par une femme venue d’Italie ; elle avait gagné à ses croyances un grand nombre d’adhérents dans la noblesse, le peuple et même le clergé ; elle c<)m[)lait parmi ses adeptes la majeure partie du chapitre de Sainte-Croix et deux de ses membres les plus distingués, Lisoi et Héribert, ce dernier confesseur de la reine Constance. Non content de professer eux-mêmes l’hérésie, ils envoyaient de tous côtés leurs disciples pour la propager. Dès qu’il l’apprit, le roi de France, Rodert LB Pieux, en fut prol’ondémcnt allligé, parce qu’il voyait dans cette hérésie la ruine de la patrie et la mort des âmes, « ut autemcognovit rex Roljerlus, ut erat doctissimus ac christianus, tristis ac mærens nimium effectus quoniam et ruinain patriæ rêvera et animarum rætuebat interitum » (Raoul Glabeh, IU, 8). Ce qui effrayait le roi, c’étaient les doctrines antisociales et antichrélienues à la fois de ces hérétiques. Ils niaient la nécessité de l’action, rejetaient les œuvres de charité et de justice, condamnaient le mariage et la famille, bases de l’ordre social ; ils ne croyaient pas que les vilaines actions commises en cette vie fussent punies dans l’autre.

Robert ne se contenta pas de gémir Il vint à Orléans, convoqua lui-même une assemblée composée d’évéques, d’abbés et de laïques et lit rechercher soigneusement les chefs et les propagateurs de l’hérésie. Lorsqu’il les eut découverts et interrogés et qu’ils eurent montré une obstination inébranlable dans leurs erreurs, il condamna lui-même au bûcher treize d’entre eux. De ces faits unanimement rapportés par les chroniqueurs du temps, Raoul Glaueh, Haganon de Chartres, Ademar de Chauannhs (Mansi, Concilia, Xl/6-j’.i-'iiiC>).ii ressort : i" que le roi Robert eut l’initiative des poursuites, les dirigea lui-même, prononça la sentence linale et que, dès lors, le premier bûcher allumé en France contre les hérétiques l’a été par le pouvoir civil ; ï° que, dans toute cette affaire, le clergé n’a eu qu’une attitude passive, n’agissant que sous l’impulsion du roi ; 3’que Robert le Pieux était l’adversaire des héréliques autant comme roi que comme chrétien, et qu’en les condamnant, il prétendait sauver la patrie autant que les âmes ; 4° lue ses appréhensions lui étaient inspirées par les doctrines antisociales des Cathares sur l’activité humaine, le mariages et la famille.

Il trouva aussitôt un imitateur dans la personne de Guillaume, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine. Ayant découvert des liérétiqics <lans ses états, il réunit d’urgence, à Charroux, en un concile, les évéques, les abbés et les représentants de la noblesse el des peines sévères furent portées contre l’hérésie. Bientôt après, par ses soins, plusieurs Cathares furent brûlés à Toulouse. « L’empereur IIenhi III, passa à Goslar les fêtes de Noël loSa. Il y lit pendre l)lusieurs héréti(iues qui professaient des doctrines manichéennes et s’abstenaient de toute nourriture animale. » La chronique d’IlBHMANNUs Conthactus, qui nous raconte ce fait, ajoute qu’il fut approuvé par tous, n consensu cunctorum » (Bouquet, op. cit., XI, p. 20).

L’auteur des Gesia episcoporum Leodiensium nous dit tout le contraire ; d’après lui, la condamnation des hérétiques de Goslar n’eut lieu qu’après une longue discussion, et il ne cache pas la répulsion qu’elle lui inspire ; il la compare à celle qui fut portée contre Priscillien par les évêques courtisans de l’empereur Maxime et il déclare que son évêque Wazon n’y aurait jamais souscrit, s’il avait été encore de ce monde. « Et nous le disons hautement, ajoutet-il, non que nous voulions défendre l’hérésie, mais parce que de pareilles condamnations ne sont pas d’accord avec la loi de Dieu. » (Mabtènb, Amplissiina collectio, IV, 902.) Les mesures violentes qui furent prises contre Tanehelui, dans les Pays-Bas, furent ordonnées parle duc de Lorraine Godkkhoy le Barbu ; il dut agirbcaucoup i)lutôlp()ur débarrasser le pays d’un fâcheux perturbateur que pour délivrer l’Eglise d’un de ses ennemis ; car les Annales de saint Jacques de Liège nous le représentent lui-même comme un persécuteur de l’Eglise catholique et un défenseur de la simonie (FREŒHicii, Corpus dociimcntorum inqiiisitiunis hæreticæ pravitalis Neertandicae, I. pp. a8-30).

Le plus souvent, l’opinion publique réclamait avec acharnement le supplice des hérétiques, parfois même la justice populaire le leur iniligeait elle-même, devançant celle des princes et des gouvernements, qui devaient prendre contre elle les plus minutieuses précautions. Lorsque Roljert le Pieux eut condamné les héréticpies d’Orléans, le peuple partageait tellement les sentiments du roi que, n’ayant pas la patience d’attendre leur supplice, il voulait les mettre à mort lui-même dans l’église de Sainte-Croix. Ce fut ])our empêcher un massacre qui, commis dans une église, se serait doublé d’un sacrilège, <iue le roi litgarder Sainte-Croix, par la reine Constance (Raoul. Glaber). En 1077, un hérétique ayant proclamé ses erreurs devant l’évè(pie de Cambrai, des gens de l’évêque et la foule se saisirent de lui sans attendre le jugement et l’enfermèrent dans une cabane à laquelle ils mirent le feu (Frkdehicq, I, p. 12). Vers 10^0, rarchevè<|uc de Milan, Héribert, découvrit un foyer d’hérésie à Monteforte, en Lombardie. Girard avait gagné la plupart des habitants de ce bourg et il leur faisait renier le mariage, les sacrements et l’autorité de l’Eglise ; la guerre éclata entre ce bourg, et l’archevêque qui, ayant emporté la victoire, emmena à Milan Girard et ])lusieurs de ses adeptes. L’archevêipie voulait leur laisser la vie ; mais le peuple de Milan ayant dressé un bûcher en face d’une croix, ordonna aux hérétiques de choisir l’un ou l’autre, la mort par le feu ou la rétractation. Comme ils nevoulurent pas se rétracter, ils furent brûlés malgré l’archevêque. Dans les circonstances, le chroniqueur Landulphus nous montre, d’une part l’archevêque Héribert désireux de sauver les hérétiques pour les convertir, et de l’autre les magistrats civils de Milan, cifitiilis Itnjus majores laici, élevant un niagnilique bûcher pour les brûler (Muhatohi, lieruni itulicarum scriptores, IV, p. 8y).

Guibert de Nogent nous raconte un fait du même genre qui se passa à Soissons, vers I114. L’évêque Lisiahi) avait fait arrêter des hérétiques « pii étaient manichéens, si nous en croyons ce que le chroni qucur nous rapporte de leurs doctrines. Après avoir instruit leur procès, il était embarrassé sur le traitement qu’il devait leur réserver et, les laissant en prison, il était allé consulter ses collègues réunis en concile à Beauvais ; il était accompagné de Guibert, l’auteur du récit. Or, pendant son absence, le peuple de Beauvais se porta à la prison épiscopale, en arracha les hérétiiiues, alluma un bûcher hors de la ville el les y brûla ; et la raison que donne Gui-