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INQUISITION

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étaient les paysans qui, les armes à la main, s’étaient groupés autour de Leutard. Il fut dénoncé à l’évêque de CÎiàlons comme hérétique el perturbateur de l’ordre ; l’évêque Gébuin le renvoya absous comme fou (Raocl Glabbu, lib. II. cliajK ii).

Grâce à cette indulgence, l’iiérésie continua à se propairer dans le diocèse de Cbàlons et, en io’|3, l’évêque Koger fut averti que de nombreuses assemblées de Cathares avaient lieu dans la région. Sur la conduite à tenir à leur endroit il consulta Wazos, évêque de Liège, quilui écrivit une lettre fort curieuse {Gesta episcoporum Leodiensium, ap. Pkrtz, Monumenta Germaniæ liiiturica. Scriptores, VII, 227).

« Dieu, disait Wazon, ne veut pas la mort du pécheur

mais sa conversion. Le Christ ne nous a-t-ii pas donné l’exemple de la douceur envers les hérétiques, alors que, tout-puissant, il a supporté les opprobres, les injures, les cruautés des Juifs el enfin le supplice de la croix ? Et lorsque, dans sa parabole, il a conseillé de laisser grandir l’ivraie avec le bon grain jusqu’à la moisson, ne nous a-t-il pas enseigné que les mauvais doivent vivre avec les bons jusqu’au Jugement de Dieu qui seul les séparera ? » Se montrant encore plus lolêranl, Wazon ajoutait : < Ceux que le monde considère aujourd’lmi comme de l’ivraie, peuvent être, quand viendra la moisson, engrangés par Dieu avec le froment… Ceux que nous regardons comme les ennemis de Dieu, peuvent être mis par lui au-dessus de nous dans le ciel. »

L’hérésie continuant à se développer, grâce à cette tolérance, la question de sa répression fut portée devant le concile qui se tint à Reims, les 3-5 octobre io49, sousla présidence du pape Léon IX. Cette fois, les Cathares furent frappés, mais de peines spirituelles. Le pape les excommunia ainsi que leurs défenseurs et leurs protecteurs (Maxsi, XIX, "3^). Une décision analogue fui prise par le concile qui se réunit à Toulouse, le 13 septembre io56, sur l’ordre du pape Victor II (Manst, XIX, 84y) EnCn, le pape.ALEXANDRE II écrivait à Guiffred, archevêque de Xarbonne, pour lui rappeler « qiiod leges tain ecclesiasticæ quant sæcutares effitaionem Itumani sanguinis prohibent », el à Bérenger, vicomte de Xarbonne, pour prendre la défense des Juifs. « Il ne faut pas les mettre à morl, lui disait-il, car Dieu ne prend pas plaisir à lelTusion du sang et il ne se réjouit pas de la perte des méchants » (Mansi, XIX, 980).

Dans la première moitié du xii « siècle, malgré les progrès de plus en plus menaçants de l’hérésie, l’Eglise resta tidèle à la même attitude. Vers l’an 1 1 1 2, le diocèse d’Utrecht fut profondément bouleversé par un hérétique ai)pelé par les doeumenls tantôt Tanchklm tantôt Ï-ynchelin ou même Faucbllin. II niait le pouvoir du pape, des archevêques, des évêques et de l’Eglise, les sacrements el en particulier l’Eucharistie. Il avait gagné à ses doctrines un si grand nombre de paysans et de marins qu’il était toujours escorté d’une troupe considérable et faisait porter devant lui les insignes de l’autorité. Une s’en tenait pas en elfet à de simples prédications, il soulevait les populations contre les pouvoirs établis el interdisait le paiement de la dîme. Il occupait de force les églises et en chassait les prêtres catholiques, avec son armée de 3000 hommes. Contre de pareils attentats, l’archevêque de Cologne et l’évêque d’Utrecht n’employèrent aucunement la violence. Ils se contentèrent de faire appel à S. Norbert et à ses Prémonlrés, qui furent établis par eux dans la collégiale de S. Michel d’.

vers, alin que les pieuses

prédications de S. Norbert et de ses disciples eussent raison des fausses doctrines de Tanchelm (Frede-RICQ. Corpus documentoruin inquisitionis hæreticae pravitatis yeerlandicae, I, pp. 15 el sqq.). Si, dans la

suite, Tanchelm fut poursuivi, ce fui par Godefroy le Barbu, duc de Lorraine, et non par les évêques {Ibid., p. 28) ; l’Eglise s’était contentée de l’excommunier.

Vers 11 44. les mêmes doctrines et les mêmes troubles étaient propagés à Liège par des hérétiques, venus dans ces pays du diocèse de Chàlons où l’hérésie s’était développée depuis un siècle, par suite de la tolérance des évêques. Ils y avaient organisé une communauté hérétique qui avait deux catégories d’adhérents comme l’Albigéisme, les Crojants qui avaient reçu l’initiation complète, les Auditeurs qui ne l’avaient pas encore reçue. Le peuple voulut leuifaire un mauvais parti ; mais ils furent sauvés à grand’peine par le clergé de Liège, plus désireux de leur conversion que de leur châtiment (Ibid., 1,

p. 32).

Contre les hérétiques, l’Eglise se contentait donc de laultiplier les prédications exceptionnelles, les missions et les traités de controverse. Vers j 1 40, un Calhare breton, Eldes de Stella, se donnait comme un éon issu de Dieu ; il rejetait l’organisation catholique, le baptême et surtout le mariage ; il soulevait les foules contre les églises et les monastères qu’il pillait el détruisait. « Erumpebat improvisus ecclesiarum et monasleriorum infestator… ecclesiis maxime monasteriisque infestus », dit de lui le chroniqueur GciLLAiMB de Newbury (BouQiET, Hecueil des historiens des Gaules et de la France, XIII. p. 97). Il ne fut arrêté el condamné à la prison paile concile de Reims que lorsqu’il eut commis un grand nombre de dévastations et de pillages. On commença par argumenter contre lui. En 11 45, le légat Albéric, cardinal-évêque d’Ostie, se rendit en Bretagne, prêcha contre Eudes à Nantes et commanda une réfutation de ses erreurs à Hugues, archevêque de Rouen (Boui^uet, op. cit., XII, p. 558). On connaît les missions dirigées par S. Bernard lui-même, dans le Midi de la France contre les Henriciens et les Petrobusiens, si puissants et si répandus dans ces régions.

Les prédications de Pierre de Bruys et de son disciple He.nhi avaient eu le plus grand succès dans les régions des Pyrénées, de la Garonne et de la Méditerranée ; elles avaient gagné la majeure partie de la population ; c’était une vraie déchristianisalion. Les sectaires mêlaient contre les catholiques l’insulte el la raillerie aux négations ; parfois même, ils usaient de violence. A la demande du légat Albéric, S. Bernard quitta son abbaye de Clairvaux poui’aller argumenter contre eux. En I145-1146, on l’entendit à Bordeaux, Bergerac, Périgueux, Sarlat, Cahors, Toulouse, ALbi, Verfeil ; mais son éloquence ne suûil pas pour arrêter les progrès du mal. « Qu’on prenne les hérétiques par les arguments et non par les armes, disait-il : t Capiantur non armis, sed argumenlis ! » (In Cantic. Sermo lxiv), et s’il envisageait la possibilité de mesures de rigueur à leur endroit, c’était pour répondre à leurs violences et proléger contre elles la foi du peuple chrétien (Vacandard, 5. Bernard, 11, p. 21 3). La conversion des sectaires et, à son défaut, des peines canoniques telles que l’excommunication, lui paraissaient préférables aux condamnations séculières.

C’est, disait-il, la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu’ils parviennent à la connaissance delà vérité. » Ailleurs, en parlant de la foule qui avait traîné les hérétiques au supplice il s’écriait : « J’approuve le zèle, mais je ne conseille pas d’imiter le fait ; car il faut amener les hommes à la foi par la persuasion et non par la force. » D’aulres voix ecclésiastiques ou religieuses se Crenl entendre, au xu’siècle, pour protester contre la mise