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principalement sur le grand amour dont le martyre ost le gage, et sans nul doute cet amour est — après le bon plaisir divin — la raison de l’efllcacité surnaturelle du martyre.

« Nul n’a plus d"amour, dit Xotre-Seigneur en saint

Jean (xv, iS), que celui qui donne sa vie pour ses amis. » Dès lors, la complaisance divine doit se reposer spécialement sur le martyr, qui donne de son amour, de son dévouement à Dieu, le gage suprême.

Est-ce à dire que l’efficacité propre du baptême de sang se réduit à celle d’un acte intérieur d’amour ? Il ne semble pas. La tradition des Pères donne plutôt l’impression d’une efficacité inhérente à l’acte même de la mort endurée pour Dieu, d’une sorte d’ellicacito ex opère operato, comme disent les théologiens parlant des sacrements. Associés à la passion du Christ, les mart3rs trouvent dans cette participation le gage d’une éternelle vie avec le Christ. Cette explication s’impose au moins dans le cas des enfants mis à mort pour Dieu, sans avoir dans cette mort aucun mérite propre, ex opère operantis. Or l’Eglise a toujours vénéré dans les saints Innocents de vrais martyrs de Jésus.

Telle est la pensée de saint Thomas, In IV, d. 4. q. 3, a. 3 ad ! ""> : Baptismus sangiiinis niin haliet hoc (liberare ab omiii culpa præcedente et puenii) tantnm ex opère operato… Sed lioc habet e.r imilalione />assionis Clirisli ; iinde de mnrtyribus dicitur (Apoc, VIT, 14) : l.averiiii’stolds suas in sanguine --ign’. Et ideo piieri, quamvis llberum arbitriiim non halieant, si ocridantiir pro Ckristo, in siin sanguine buptizali salvantur. Voir encore p. III, q. 66, a. 12. — Le rôle du Ijaptême de sang est comparable à celui de l’absolution sacramentelle, qui purilie toute àme où elle ne trouve pas d’obstacle, p. III, q 87, a. i ad 2""^ : l’assio pro Christo suscepta… obtinet fini baplismi : et ideo piirgat ab omni culpa et veniali et mortali. nisi actualiter iolantatem peccato invenerit inhærentem. Le rôle du baptême de désir est celui de l’acte de charité parfaite, qui justifie hors du sacrement.

La question du baptême de désir, dans ses relations avec la question générale du salut, est étudiée par L. Capéran. Le problème du salut des infidèles, Paris, 191 a. Voir cirdessous, article Salut.

A. D’ALliS.


INQUISITION. — L’hérésie est aussi ancienne que l’Eglise : dans tous les siècles et dans tous les pays, elle a opposé à la doctrine catholique ses négations ou ses interprétations particulières du dogme chrétien. Il y eut cependant des époques où elle se montra i)lus dangereuse pour l’unité catholique et où l’Eglise crut nécessaire de prendre contre elle de plus grandes précautions. Au xii’et au xni* siècle par exemple, la dilTusion du calharisme dans l’Europe oceideiitale menaça d’enlever à l’Eglise des régions entières ; et une guerre à outrance, qui dura plusieurs générations, s’engagea entre elle et lui dans le Midi de la France et le Nord de l’Italie. Au xvi* siècle, le protestantisme la supplanta dans un grand nombre de pays el se tlatta même de la détruire.

Au cours de ces crises redoutables, elle décréta (les mesures de répression contre les hi’-rétiques, de concert avec les puissances temporelles, et c’est ainsi que naquit et se développa l’Inquisition. Cette institulioiv n’a pas été créée de toutes pièces et elle n’est pas demeurée identique à elle-même au cours de son histoire. Elle s’est adaptée aux paj’set aux siècles qui l’ont vue apparaître, aux circonstances qui l’ont provoquée. Née presque jiartout de la collaboration de l’Eglise et de l’Etat, elle a subi l’inlluence de ces deux

puissances, l’une et l’autre diversement responsables de sa marche et de son action. C’est ce que ne doit jamais oublier l’historien qui veut retracer et apprécier son rôle’.

Aussi distinguerons-nous dans cette étude plusieurs sortes d’Inquisition :

i" L’Inquisition du Moyen Age, qui s’est surtout exercée contre les Cathares et les Vaudois au xii’et au XIII’siècle, et contre les hérésies franciscaines au XIV’ ;

2° L’Inquisition espagnole, qui a pris un caractère plus national que politique le jour où elle a défendu contre les Maures et les Juifs l’intégrité de la race espagnole et est devenue, entre les mains des souverains, un instrument d’unification nationale et d’absolutisme royal ;

3 L’Inquisition romaine du xvi’siècle, réorganisée pour arrêter les progrès du protestantisme’-.

Origines. — L’Inquisition du Moyen Age n’atteignit son organisation définitive qu’après de longs tâtonnements, et ce fut progressivement que, sous des iniluences multiples, les papes finirent par l’établir. Aussi est il nécessaire de remonter aux lointaines origines de cette institution pour bien comprendre et apprécier les raisons qui l’ont fait créer.

On l’a maintes fois fait remarquer, jusqu’à l’an mil, l’hérésie a rarement été réprimée par la violence. Au dire de l’historien libre-penseur Lea (Histoire de Vinquisitinn, I, p. 130)les papes eux-nièuies la laissèrent à peu prés libre, malgré le nombre considérable d’adeptes quelle avait faits. Le pasteur ScHMiurdans son Histoire des Cathares albigeois et M. l’abbé Va-CANDAni ) dans son ouvrage sur V Inquisition font la même remarque.

Vers l’an mil, à cause des relations de plus en plus fréquentes de l’Occident avec l’Orient, les doctrines cathares se propagèrent avec rapidité dans l’Europe latine et germanique. On en signale simultanément l’apparition en France, en Aquitaine, en Italie, en Allemagne, en Flandre. En ggi, elles étaient déjà si répandues en F’rance qu’avant de prendre possession (le son archevêché de Reims, Gerueht crut nécessaire de les répudier par un serment solennel. Ces doctrines n’étaient ni originales, ni neuves ; par une tradition ininterrompue, elles |)rovenaient de ces sectes manichéennes qui avaient survécu aux persécutions dirigées contre elles par l’Empire romain et s’étaient perpétuées pendant tout le haut moyen âge dans les régions orientales, les provinces de l’Empire byzantin, el même dans certains pays de l’occident latin (Lba, op. cit., I. p. 121).

Leurs progrès ne semblent pas avoir modifié l’attitude tolérante de l’Eglise. Elle ne les combattit, au XI* el dans la première moitié du xii’siècle, que par la controverse et par des sanctions d’ordre spirituel. Vers joo/i, un laïque de Vertus, au diocèse deChâlons, nommé Leutahh, prêchait publiquement le manichéisme. Estimant, comme tous les Cathares, que le mariage est illicite et que nul ne saurait se sauver en dcmeuranl dans cet état de péché, il avait renvoyé sa femme ; pour prouver l’inanité du culte de la croix et des saints, il avait brisé lui-même, dans l’église de son pays, le Crucifix el les saintes images. Enfin, il niait l’autorité du clergé et excitait les paysans à refuser le paiement de la dime ecclésiasiique. De pareils actes avaient causé des désordres ; el nombreux

1. Pour les questions de principes ici engagées, voir l’article IIkki’ : sie.

2. Ici nous ne parlerons que do VInquisition au Moy^n .4 » e, réservant pour l’article Oifice (Saint) ce qui nous rester.’» à dire sur l’Inquisition espagnole et l’Inquisition romaine.