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INITIATION CHRETIENNE

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i) Le baptême de sang. — Le baptême de sang s’appelle, d’un autre nom, le martyre. La mort, ou un traitement capable de donner la mort, supportée en témoignage de la fol au Christ, a de tout temps été considérée par l’Eglise comme renfermant toute la vertu du baptême d’eau, et produisant le même fruit en ceux pour qui l’accès du baptême d’eau demeure impossible. Ils ne seront pas pour cela dispensés d’y recourir, le jour où cesserait pour eux cette impossibilité ; mais s’ils viennent à perdre la vie dans les tourments, ils sont puriliés dans leur sang, comme ils l’eussent été dans l’eau baptismale.

Solidement appuyée sur l’Ecriture, cette croyance a toute l’autorité d’une tradition constante dans l’Eglise. L’appellation même de baptême de sang est fondée sur la parole du Seigneur, disant aux tils de Zébédée, Mc, x, 38-3g : « Pouvez-vous boire le calice que je bois et être baptisés du baptême dont je suis baptisé ? — Ils lui répondirent : Nous le pouvons. — Jésus leur dit : Vous boirez le calice que je bois et serez baptisés du baptême dont je suis baptisé ; quant à être assis à ma droite ou à ma gauche dans le royaume, il ne m’appartient pas de vous le donner. » Ailleurs Jésus s’écrie, Zc., xii, 50 : a Je dois être baptisé d’un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il s’accomplisse ! »

A maintes reprises Jésus — et les Apôtres après lui — béatifient sans restriction ceux qui souffrent jusqu’à la mort pour la cause de Dieu : Mt., v, 10-12 ; X, 16-22, 82, 89 ; XVI, 25, 26 ; /o., xii, 25 ; xxi, ii-14 ; Rom., V, 3-5 ; viii, i ; -18 ; 35-3g ; II Cor., iv, l’j ; xii, 10 ; Phil., 1, 2g-30 ; II Tim., iv, 6 ; Pet., 11, 21 ; iv, 1 ; I /o., III, 26 ; V, 6 ; Apoc., ii, 10 ; vi, g-ii ; vii, 13-15.

Les hommes à qui l’Esprit-Saint décerne, après leur mort, de tels éloges, ne peuvent être que des amis de Dieu. Tel est le fondement très ferme de la croyance répandue dès l’origine de l’Eglise : ceux qui sont morts pour le Christ, n’eussent-ils point passé par le baptême d’eau, sont avec le Christ pour l’éternité. Nous citerons quelques témoignages des Pères les plus anciens.

Dans les premières années du 11’siècle, saint Ignace, évêque d’.

lioche, prisonnier pour le Christ, appelle de ses vœux les bêtes dont la dent doit le broj-er : il leur devra d’être réuni au Christ (Ep. ad Rom., ri-vi).’Vers le milieu du n’siècle, saint Poly-CABPB, évêque de Smyrne, éprouvait de pareils transports en allant au bûcher ; ses.ctes célèbrent son martjre comme une naissance : Martyr. Poly Carp. XVIII, 3) ; 1 <v rsû [xvzTjpfyj sr^r^O r^yif^y.v -/svs^/tîv. On sait que l’Eglise prendra l’habitude de fêter sous ce nom les anniversaires des témoins du Christ, natalicia marlyrum.

Dans les visions d’IlERMAs, toutes pénétrées de la pensée dune persécution imminente ou récente, l’idée du martyre tient une grande place, et une sorte d’équivalence est établie entre le baptême d’eau

— t^p-j’/ii — et la passion pour le nom du Christ : 7ta9^ ; iVîzK Tîv îH/syy.rî ;. Voir notamment Vis., iii, 1, 9 ; 2, 1 ; S’.m., IX, 28, 1-8.

Saint IniiNÉK, instruit dans son enfance par saint Poljcarpe de Smyrne, plus tard à Lyon témoin des tortures héroïquement supportées par les Potin et les Blandine, élevé enOn sur le premier siège épiscopal des Gaules, atteste déjà la vénération de l’Eglise pour les saints Innocents, victimes de la cruauté d’Hérode (llær., III, xvi, 4) : Jésus enfant voulait ces témoins enfants. Ailleurs, Irénée rappelle la dure leçon donnée par le Seigneur à Pierre qui voulait le détourner de sa jiassion : le Christ n’était-il pas le Sauveur de ceux qui devaient être livrés à la mort pour la confession de son nom et donner leurs vies ? (Ib., III, XVIII, 4.)

Au m’siècle, la doctrine se précise : nous rencontrons dans un grand nombre de documents le parallélisme entre le baptême d’eau et le martyre, appelé expressément second baptême.

Les martyrs carthaginois de l’année 203, sainte Perpétue, sainte Félicité et leurs compagnons, n’étaient encore que catéchumènes quand l’édit de Septime Sévère les fit jeter en prison. Ils y furent baptisés. Perpétue captive fut ravie en esprit : elle se vit transportée en esprit dans un jardin immense ; au milieu de ce jardin était assis un homme vénérable, en tenue de pasteur, occupé à traire des brebis ; autour de lui des milliers de personnages vêtus de blanc. Les vêtements blancs étaient l’attribut des néophytes au sortir du baptême ; c’était aussi, nous venons de le voir dans l’Apocalypse, l’attribut des martyrs. Félicité, qui était enceinte, devient mère dans la prison ; elle se réjouit de cet événement ])arce qvie la loi, qui défendait de la livrer au supplice avant sa délivrance, ne l’atteint plus : désormais rien ne s’oppose à son triomphe, et elle appelle de ces vœux ce nouveau baptême : a sanguine, abobstetrice ad retiarium, lotura post partum baptismo secundo. Saturus, à la fin du spectacle, est exposé à un léopard, qui d’une seule morsure le met en sang. Un cri s’élève dans l’amphithéâtre : SaUum lotum.’Sahiim lotum ! Ce qui pourrait se traduire à peu près ; « Voilà un bon bain I » L’auteur de la Passion note ce cri des spectateurs païens, comme une allusion inconsciente au bajjtême de sang : secundi bajitisntatis testimonium (voir P. /., III, 5ri).

Cette admirable Passion de sainte Perpétue — l’un de nos plus précieux documents hagiographiques — serait-elle, comme on l’a cru souvent, due à la plume de Tertullien ? De très hautes vraisemblances recommandent cette conjecture (voir notre article de la Hetue d’Histoire ecclésiastique, t. VIII, p. 5-18, igo^ : L’auteur de la Passio Perpetuae). Quoi qu’il en soit, vers la même date nous trouvons dans les écrits indiscutés du célèbrepolémiste toute une théologie du baptême de sang.

Dans son traité De baptismo (xvi), il s’exprime ainsi : « Ce bap’de sang vaut le baptême d’eau pour qui ne l’a ji i eçu et le rend à qui l’a perdu. » bans le traité De patientia (xiii), il célèbre encore la vertu de ce second baptême, secundo intinctio. Dans le traité De anima (lv), il rapproche de la vision de saint Jean en l’AiJocalypse, découvrant sous l’autel les seules âmes des martyrs, la vision de Perpétue, découvrant dans le paradis ouvert les seules âmes de ses compagnons de lutte. Et il émet cette idée assez particulière, que seules les âmes des inartjrs sont admises dans le paradis avant le jour du dernier jugement : l’épée du chérubin qui interdisait à Adam l’enlrcede l’Edi n s’abaisse devant ceuxlà seuls qui sont morts dans le Christ. Celte idée reparait à diverses reprises dans le traité De resurrectiune carnis (xLiii, lu). Elle inspire notamment cette double comparaison : les martyrs sont des oiseaux qui volent vers les hauteurs ; les chrétiens ordinaires sont des poissons, à qui sulUt l’eau ilubaptêrae. Le traité contre les gnosliques, intitulé Scorpiace (vi, xii), donne la raison de ce privilège..ucune faute ne saurait être imputée aux martyrs, qui expirent dans l’acte même du baptême sanglant. Pour eux l’amour couvre la multitude des péchés : la vie qu’ils livrent pour Dieu solde d’un coup toutes les dettes.. ses débuts, Tertullien catlioliiiue avait adressé aux confesseurs de la foi détenus en prison (Ad inartyras, i) une lettre éloijucnle où il célébrait le prix du martyre, non seulement pour celui qui le souffre en personne, mais encore pour ceux sur lesquels rejaillit le mérite de sa souffrance. Il fallut son