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INITIATION CHRETIENNE

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comme irréductible, entre l’indignité des personnes et i’cincacilc inhérente au rite.

Késumons.

Nous avons envisaj^é successivement les principaux aspects du baptême dans renseignement personnel de Notre-Seigneur, dans la pensée de saint Paul, dans la tradition primitive de l’Eglise.

Selon l’enseignement personnel de Notre-Seigneur il est une seconde naissance, une naissance selon l’Esprit.

Selon la pensée de saint Paul, il est surtout une incorporation au Christ mystique.

Selon ia tradition primitive de l’Eglise, il est un sceau divin mis sur l’àme ; il est encore une illumination.

Notre-Seigneur en a parle divinement, comme il a|>partient à l’auteur d’une double création : création du monde de la nature et création du monde de la grâce. Saint Paul en a parlé comme un voyant, qui a contemplé des réalités supérieures inaccessibles au regard de l’homme. L’Eglise en a parlé plus humblement, selon que l’administration du baptême appartient au jeu normal des institutions chrétiennes.

Ces divers aspects inégaleuient relevés, inégalement vastes, se touchent et s’éclairent l’un et l’autre. Les Pères se sont plu souvent à les réunir et à composer comme une mosaïque des divers noms du baptême. Clkmknt d’Alexanohie a l’un des premiers réalisé harmonieusement cette synthèse dans une page qu’il faut citer :

Parda^ogos^ I, vi, 26. 1, éd., Slaldiii, t. I, p. 105, 20108, 28 : Le baptême donne l’illuiniiiHlion, l’illumination donne la qualité de fils, la qualité de fils donne la perfection, la perfection donne rinimorlalité. Ecoutez le Seigneur : J’ai dit : Vous êtes tous dieux et fils du Très liant, f/’i. Lxxxi. 6). Ce rite s’appelle encore souvent ^riïice, illumination, perfection, bain : bain qui efface les souillures de nos péchés ; gr.ice qui remet les peines dues à nos fautes ; illumination qui nous donne la révélation delà sainte lumière du salut, c’est-ii-dire un coup d’ueil perçant sur la divinité ; perfection qui ne laisse plus rien à désirer. En effet que manque-t-il îi qui a reconnu Dieu ? En vérilé, il serait étranpfe d’ajtpeler grûce de Dieu un don incomplet : étant parfait, il ditit faire des dons parfaits ; et comme son ordre opère tout (Ps. xxxii, 9 ; cxLViii, 5), par la seule Tolontc de donner la grâce, il en parfait le don : la puissance de sa volonté devance l’aTenir. Puis l’a if ranci lisse ment des maux est le commencement du salut. Or ceux-là seuls qui ont atteint le terme de la vie, possèdent la perfection, mais déjft nous vivons, affranchis que nous sommes de la mort. C’est le salut que de uivre le Christ…

Il serait facile de recueillir chez saint Cyrille DE Jérusalem, saint Grégoirr de Nazianze, saint Basile, saint Grégoire de Nvsse, saint Jean GhrysosTOME, le Pskudo-Denvs, des dévelo[)pements semblables sur les bienfaits de l’adhésion au Christ*.

La question de l’influence possible exercée par les mystères antiques sur le développement de l’initiation chrétienne, question posée au xvii* siècle par Casaibon [De rébus sacris excrcitationes XVI ud Baronii Prolegomrno, p. 478-499, Gonevae, 1655)^ a été de nos jours plusieurs fois reprise et diversement résolue. Selon

1. L’adhésion à Jésus-Christ suppose renonciation effective à Satan et à ses suppvts et cette renonciation trouve dès le II" siècle une expression dans l’exorcisme préliminaire au baptême. D ailleurs le sens primitif de cet exorcisme ne différait pas du sens qu’on y attache aujourd’hui : les (( pompes de Satan n étaient dès lors les t’anîtcs du monde, il n’y a pas lieu d’y chercher un cortège de dcntons êubalicrnes. Voir svir ce point de lexicographie chrétienne nos articles intitulés : Pompa diahoîi, dans Revue de Pftilolof ^ie. t. IX, p. 53-5’i. 1905, et dans Recherches de science religieuse, t. I, p. 571-590, 1910.

0. Pri.riDERER [Das Urchristentum, p. 259, 1887 la conception mystique du baptême de saint Paul procéderait des mystères d’Eleusis, soit pnrce que l’initiation y était pri’-sentée comme une seconde naissance, soit parce que riiiérophante y préludait par un bain rituel. — Pehcy Gard-NFn a fait à Eleusis une autre découverte [The origin of ihe Lord’s Supper^ 1893) : le repas servi aux mystères aurait été le prototype de l’Eucharistie. — A Cahman, The IVe^v Testament use of ihe greeh Mt/sterics, dans The lliblio’theca sacra, 1893, p. 613-039, est moins hardi, mais croit trouver dans le N. T. et particulièrement en saint Paul des emprunts à la terminologie des mystères ; tel serait l’emploi de fj : j7Tvlptvj dans Eph.^ écho des mystères d’Artémis ; ailleurs il rencontre les mystères de Dionysos. Ces fantaisies ne méritent aucune discussion. — Dans une élude beaucoup plus sérieuse et précise, encore que viciée j>ar une conception peu équitable des origines du baptême et de son opération, A. Anrich [Das aiitikc Mi/stert’eiiii’esen in seinem Einfluss aufdas Chi istenium, Gdttingen, 18’14) établit que l’inQuence des mystères s’est fait prorondément sentir sur les sectes gnostiques, soit par des emprunts directs, soit plus encore par l’inlerniëdiaire de la magie et de la théurgie. Il en va tout autrement de la grande Eglise, beaucoup plus efficacement en garde contre tout s ncrétisme. Les rencontres d’exj)ressions, où l’on a cru reconnaître la terminologie des mystères, s’expliquent parfaitement sans sortir du domaine juif. C’est en particulier le cas du mot //-rr/^’^ct^v, dont le sens, dans le N. T. et notamment dans saint Paul, est eu continuité parfaite avec l’usage des Septante. Quant aux lites, il faut absolument écaitertoule idée d’emprunt conscient. S’il y eut influence, c’est bien plutùt dans la sphère du sentiment religieux qu’elle s’exerça, non pas à l’origine du christianisme, mais trois ou quatre siècles plus tard, en oiientanl vers la pureté morale de l’Evangile les Ames de plus en plus pénétrées par la tendance mystique du paganisme expirant. — Un peu plus nuancées sont les conclusions de G. Wobbehmin [Religionsgeschichtliche Studien zur Frage der Beemflussung des L’rchristeniunis durc/i das antihe Mi/sterieTn’esen, Berlin, 1890), (pii reconnaîtrait dans la langue du bapléme, notamment dans l’emploi des mots Tfpyyti ©t yun-yy-di uu ii" siècle, la pénétration de la langue des mystères. — On peut d’autant mieux l’en croire que, dès une date ancienne, l’identification du christianisme à une nouvelle sorte de mystères a^ ait été réalisée dans le langage, de points de vue très dilTérents. Voir d’une part Lucien, disant du Christ, De morte Peregrini, 11 : WpO’fr, ’ : Y, ç, y.vi Otv.TÛpyr, ^ xr/’t çuvy/’jiyîjç y.y.’i Travra y.o’voz « ùri ; ’jiv… y.v.ivr.v rvxiTrtV TiJirr.v tirr : /c/ : /iv £t ; rbv ^îvj —, d’auti’e part saint Ignace d’An-TiociiE, Eph., XII, 2, appelant les fidèles d’Ephèse : Yly.ùX-’yj (ry/jt//.J7TK£. — M. F..1. DoLGER annonce une élude sur le même sujet, je regrette de n’avoir pu l’utiliser. — Voir enfin l’article Mystères.

IV. Suppléances du baptême. — La nécessité (lu baptême, pour tous ceux qu’atteint la prédication de l’Evangile, ressort de la parole du Maître (.l/c., xi, 16) : ’* Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. » Ooul>le nécessité, de précepte et de moyen ; la première impliquée dans le mandat donné aux Apôtres (^/^, XXVIII, 19) : rt Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les… » ; la seconde alTirmce déjà dans cette parole adressée à Nicodème (lo., iii, 5) : rt Si Ton ne renaît de Feau et de l’Esprit saint, on ne peut entrer au royaume de Dieu. »

Dès lors se pose la question suivante : Tous ceux qui, pour une raison quelconque, n’ont pas eu accès au baptême d’eau, sont-ils irrémissiblement damnés ? Cette question sera envisagée ultérieurement dans loute’son étendue ; voir l’article Salut. Présentement, il suffira d’indiquer comment l’Eglise, interprétant la pensée de Notre Seigneur, a toujours reconnu certaines suppléances possibles du baptême. A défatit du baptême d’eau (haptismiis fluminis), le salut peut être procuré soit par le baptême de sang (baptismus sangainis), soit par le baptême de désir (baptismus flaminis).