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INITIATION CHRETIENNE

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des Evangiles ou des Actes. Par exemple, que l’on rapproche le texte de saint Paul, I Cur., xii, 13, et le commandeiiient du Seigneur, Mt., xxviii, 19, on constatera que la même i>r( ; posilion iU marque chez saint Paul Vincorporaliun au Christ, chez saint Matthieu lo baptême au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. L’identité des formules suggère assez naturellement une interprétation identique ; l’exégète se voit amené à conclure que l’idée d’incorporation au Christ se trouve dans l’évangilede saintMatthieu, et remonte au Seigneur lui-même.

Celte argumentation est spécieuse, mais on peut y signaler un dél’aut., vant d’interpréter saint Matthieu par saint Paul, il est naturel de se demander si la parole du Seigneur en saint Matthieu n’a pas un sens claiiemcnl déterminé d’ailleurs, sens qui rend superllue toute confrontation ultérieure avec les épltres de l’Apùtre. Or sûrement il en est ainsi. Les habitudes du parler sémitique et surtout l’usage de l’Ancien Testament Uxent, sans hésitation possible, l’interprétation : Ijaptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Espril, cela veut dire : baptiser en invoquant le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et/)ar leur autorité. Saint Paul vint par là-dessus, et inaugura une spéculation nouvelle, dont l’idée du Christ mystique, milieu spirituel des croyants, occupe le centre ; mais il ne serait pas légitime de faire réagir les conceptions paulinienncs sur l’explication des paroles du Seigneur, quand ces paroles ne présentent d’ailleurs aucune ambiguïté. Sur ce point, l’argumentalion du D’Armitage Robinson paraît victorieuse : il faut laisser à saint Paul ce qui appartient en propre à saint Paul.

Les développements que nous venons d’emprunter à l’Apôtre peuvent ne pas paraître toujours clairs ; mais certainement ils sont très élevés. Car saint Paul envisage le baptême comme une introduction à la vie divine, comme une initiation à la sainteté de Dieu. En d’autres termes, il y voit surtout une œuvre de grâce. Des divers cléments du baptême, celui qu’il apprécie et met en lumière, c’est la grâce intérieure du sacrement.

3) Le baptême selon les Pères. — On ne s’étonnera pas que la catéchèse des Pères ait vécu principalement sur la pensée de Jésus en son Evangile el sur celle de saint Paul. Soit pour instruire les catéchumènes, soit pour rappeler aux baptisés les engagements de leur baptême, ils ne se lassaient pas de reprendre ces idées si fortes, delà seconde naissance et de l’adoption divine, de la rénovation intérieure par l’Espril-Saint, de la sépulture el de l’incorporation à Jésus-Christ. On remplirait bien des volumes de leurs commentaires. Ne pouvant explorer cette littérature infinie, nous nous arrêterons du moins devant le plus vénérable baptistère de la chrétienté, à saint Jean de Latran. Autour de cette piscine où baptisèrent les Papes du iv* et du v" siècle, circule une inscription gravée sur l’architrave par les soins de SixTB III (ftiu-li^o) et qu’on lit encore. Ces distiques vénérables ne sont que variations sur l’idée de la régénération baptismale :

Gens sacranda polis hic semine nascitur almo

Quant fecundatis Spiritus edit aquis. Mergere, peccator, sacro purgande /luento :

Quem veterem accipiet, proferet unda nmum. Xullarenascentum estdistuntia quos facit iinum

l’nus fons, unus Spiritus, una fides. yirgineo fétu genitrix Ecclesia nalos

Quos spiranle I)eo concipit, amne parit. J/isons esse volens isto mundare latacro,

^’eii patrio premeris crimine seu proprio.

Fons hic est i’itæ qui totum diluit orbem, Sumens de Christi vulnere principium.

Cælorum regnum sperate, hoc fonte renati : .on recipit felix vita seniet genitos.

Aec numerus quemquam scelerum nec forma suorum Terreat : hoc natus flumine sanctus erit.

Maintenant, libre à qui voudra de nous représenter que notre théologie sacramenlaire n’a pas le monopole des bains rituels et des fontaines de Jouvence. U est sûr que la mythologie grecque en particulier fournirait la matière de plus d’un rapprochement curieux. Ne nous dérobons pas devant la comparaison puisque, aussi bien, les Pères ne l’ont pas éludée. Ils ont accueilli dans leur langue, pour désigner l’initiation chrétienne, ces noms de tc/îtv}, de ui>v ; t14, qui étaient des emprunts au vocabulaire des mystères païens. Ils ont cru que les réalités propres du christianisme se défendraient par elles-mêmes contre tout essai de confusion. Le fait est que la distance demeure grande entre le mystère baptismal el les plus pures des initiations païennes.

Ce que nous savons des exercicesdu catéchuménat, de la gravité qui y présidait, du sérieux moralexigé, ne rappelle guère la troupe turbulente des mystes athéniens se répandant, le second jour des grandes Eleusinies, sur la route d’Eleusis, et, à ce cri : « A l’eau les mystes ! » « /aJô //jitki, se précipitant dans les lagunes salées du bord de la mer, pour préluder par une baignade à leur initiation prochaine.

Qu’il y ait eu encore, dans l’Athènes du v" siècle, une secle thrace dite des baigneurs — ^U-mut — objet des railleries du poète Eupolis, cela non plus ne louche que de très loin à la question du baptême. Or la question n’est pas de savoir jusqu’où descendit quelquefois la vaine observance chez les chrétiens, nmis jusqu’où s’élevait normalement la religion des païens. Puérilité, superstition, supercherie : ces trois mois résument l’histoire des principaux rites de purilication usités chez les Grecs. Le jugement sévère de l)ijRi.Liyc, F.R(IIeidentlium und Judenthum. liuch IV, § 3, i)p. 19 ;  ; - 199, Regensburg, iS5y) ne paraît pas excessif :

26. Avant de considérer les rites el fêtes de la religion grecque, il faut se souvenir des purificalions prescrites avant chacun des actes du culte divin,.utunl qu’on peut s’en rendre compte, la conception de ces ablutions et lustralions était entièrement mécanique ; les prêtres et le peuple ne cherchaient et ne réclamaient que l’éloignement d’une souillure conçue non comme morale, mais comme j>liysique ; aux procédés matériels qu’ils employaient k cette fin on attribuait une efficacité magique, qui, en dépit d’un vouloir pei-sévéraminent tourné au mal, suivait infailliblement, pourvu que le rite fût accompli. Ainsi, dans les temps historiques, les ablulionsel fumigations corporelles auxquelles on se soumettait, n’étaient nullement, pour la conscience des Grecs, l’image de la purification intérieure : el si Platon dit qu’à l’Ame vertueuse seule il convient d’honorer les dieux par des saccifîces, que les dieux n’acceptent pas les offrandes d’une âme souillée, c’est là une pensée digne de Platon, mais la pensée d’un philosophe dont le regard dt’passe de beaucoup son temps et son peuple. Même l’inscription du temj » Ie d’Kpidnure, qui fait con>15ter dans la disposition sainte de l’âme la pureté requise pour péni’lrer dans le sancluaiie, est trop isolée, et d’attestation trop tardive jiour valoir comme expression de la pensée dominante.

27. Il y avait donc à l’entrée des temples des vases remplis d’eau lustrale : on avait coutume de sanctifier cette eau avec un tison pris de l’autel, que l’on y plongeait ; l’aspersion était faite en partie par le visiteur lui-même, en partie par le prêtre au moyen d’un rameau de laurier. Ktaient considérés comme causes de souillures spéciales, les catlavi’es et les femmes récemment accouchées ; qui les avait touchés ou s’était seulement trouvé dans leur voisinage, accomplissait une purification avant