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FOI, FIDEISME

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Mais nous pouvons donner à l’objection une réponse plus précise el ])lus directe.

On a tout dit et répondu à tout quand on a l’ait comprendre que l’acte de foi est l’adhésion à la vérité divinement révélée, sur l’autorité inlinie du Dieu de vérité, et que cette adliésion est donnée sous l’influence de la ffràcc, non pas à la mesure des raisons de croire, qui ne sont que des préaml)ules de la loi, mais suivant la dignité infinie de Dieu auquel on croit, laquelle dignité infinie ou autorité iiilaillilile de Dieu est l’oljjet formel de la foi, comuie disent les tliéologiens. et en détermine la nature, l’espèce, le caractère. Que l’on nie, si l’on veut, que Dieu ait parlé pour se révéler à nous et nous montrons par les motifs de crédibilité qu’il est déraisonnable de le nier — mais si Dieu a parlé, qui ne voit qu’il est souverainement noble et raisonnalile de croire, et de croire comme nous le faisons ?

A celle réponse nous pouvons joindre quelques explications sur la psychologie de la toi, pour en faire entrevoir quelque peu le mécanisme, délicat et complexe à l’analyse autant que simple et facile dans le jeu de notre action vitale ; mais ces explications ne sont pas nécessaires pour le justifier : elles sont plutôt pour édifier ceux qui croient que pour réduire ceux qui ne croient pas.

Tout d’abord, il faut tenir compte de la grâce. Et ceux-là mêmes qui ne croient pas à la grâce n’ont pas le droit d’attaquer notre ex|ilicalion, en dehors de cette hypothèse, tant qu’ils n’auront pas prouvé que l’hypotlièse est inadmissible. Sans violenter la nature, la grâce l’élève. Quoi d’étonnant si, soulevé par la grâce, l’esprit peut adhérer à la vérité divine plus suavement et plus fortement qu’il ne le ferait, laissé à lui-même ? Ensuite, n’oublions jamais le rôle essentiel de la volonté dans l’acte de foi : c’est un assentiment de l’esprit, mais de l’esprit mû par la volonté ; le mode d’opérer y est plutôt, comme le remarque finement saint Thomas, celui de la volonté que celui de l’intelligence. Or tandis que l’intelligence voit les choses telles qu’elles sont dans l’esprit — et elles y sont suivant la manière d’être de l’esprit — la volonté va vers les choses telles qu’elles -ont en elles-mêmes, et monte, pour ainsi dire, àleur liauteur. Sous la motion de la volonté, l’esprit peut croire dans la mesure où (7 est biiii de croire, et non sciilcnient dans la mesure où il i’uit qu’il faut croire ; (Ml- si les motifs de crédibilité sont affaire d’intelligence, le bien de croire est affaire de volonté, el ce bien se présenteà lavolonlé dans l’acte defoi, comme un bien surnaturel, un bien d’ordre divin. L’adhésion de foi sera donc, de ce chef, proportionnée à l’élan de la volonté vers le bien divin, non à la vue purement intellectuelle des raisons de croire.

Mais si le bien de croire était seulement affaire de volonté, l’adhésion de l’esprit à l’objet de foi serait toute du dehors, et, si je puis dire, toute d’héléronomie, au moins sous l’aspect où nous considérons maintenant l’acte de foi. Il n’en est pas ainsi. De même qu’il y a un bien de la volonté, qui est le bien comme tel, il y a aussi, comme dit saint Thomas, un bien de l’esprit, qui est le vrai. Or, dans l’adhésion de foi, il y a union à la vérité, non par perception direcle, mais par union avec celui qui sait et qui voit — et cela aussi est une certaine possession de la vérité, un mode vrai de connaissance, suivant le mot de saint Augiistin : .oii part’a pars srieiitiiie est scieiili coiijungi. Et comme la vérité que nous])ossédons [lar la foi est une "vérité d’ordre divin, comme la foi nous fait participer en quelque sorte à l’infinie connaissance que Dieu a de lui-même, qui ne voit que l’esprit, tout en n’étant pas satisfait par la connaissance de pure foi,

el en désirant la vision, trouve dans la foi son bien propre, et parce que la foi est une certaine connaissance, quoique fort inqiarfaile en tant que connaissance, et parce que la foi est une préparation à la vision, une entrée dans la voie qui aboutit à la vision. Sans compter que tout n’est i)as obscurité dans la foi. Nous ne voyons pas ce que nous croyons ; mais il y a dans la foi même, selon le mot de saint Paul, une sorte de vision, vision bien inqiarfaite, toute conceptuelle et de concept non médiat ni direct : Videmus nunc per spéculum in aenij^mate ; mais ce que Dieu nous a dit de lui-même, avec ce que nous en savons parle spectacle des créatures. suflil à ravirl’esprit qui veut s’en occuper, et à lui donner, dés l’obscurité d’ici-bas, des lueurs d’éternité bien plus belles que les clartés de la science humaine, de la science du créé.

D’ailleurs la foi elle-même n’est pas foule oljscure. Nous avons vu et nous voyons qu’il faut croire — et cette lumière delà crédibilité, loin de s’éteindre dans la foi, y devient d’autantplus vive et plus pure qu’on croit davantage et de toute son àme. L’objet à croire reste voilé danslaparole divine ; maislaparole divine le présente à l’esprit. L’autorité divine elle-même, présentée à l’esprit par les motifs de crédibilité, est là, dans la nuée lumineuse, et c’est, pour ainsi dire, de la bouche même de Dieu que je reçois la vérité à laquelle j’adhère.

Pour être moins instinctif, l’acte de foi sur la parole de Dieu, n’est pas, tout surnaturel qu’il est, moins naturel et moins rationnel que l’acte de foi sur la parole (l’une personne que l’on aime et en qui l’on a. toute confiance.

La foi d’hommage, telle qu’est notre foi catholique, est le type idéal de la foi comme telle ; et nul doute que rien n’est plus raisonnable, quand celui à qui l’on croit est la vérité même.

L’analyse de cet acte a ses difficultés. Mais quel acte vital n’est difiicile à analyser’.' Pour biencon> prendre notre acte de foi, n’oublions pas, tout en distinguant avec soin les jugements de crédibilité d’avecle jugement defoi, que, dans l’acte même de foi, ces jugements ne se distinguent jdus que virtuellement du jugement de foi, et que grâce à eux, le jugement de foi se justifie aux yeux mêmes de la raison ; n’oublions pas, tout en distinguant les rôles respectifs de l’intelligence et de la volonté dans cel acte conii)lexe, et nous rappelant que l’intelligence n’y agit que sous la motion de la volonté, que c’est l’homme qui croit par le concours harmonieux de son intelligence et de sa volonté ; n’oublions pas, en conséquence, que les raisons intellectuelles de croire ne sont pas, tant s’en faut, toutes les causes qui interviennent dans l’acte de foi, et que le bien de croire, tant pour l’intelligence que ])Our la volonté, tient une grande place parmi ces causes ; que l’acte de foi enfin inq)lique, suivant la formule de saint Thomas, que la foi a Dieu pour objet principal (credere Deutn), Dieu pour cause formelle (credere Deo), Dieu pour cause finale et intentionnelle (credere in Deuni), el que, de quelque côté qu’on le regarde, il apparaît comme souverailu ^ment raisonnable, comme souverainement moral, glorieux, désirable. Il nous nul en lommunicalion avec la vérité suprême, avec le bien suprême de l’intelligence et de la volonté. Il ne faut pas le confondre avec un acte de science proprement dite, ni vouloir l’y ramener ; c’est un acte sui), ’eneris : tout en étant un mode de connaître, il ne saurait se résoudre en vue évidente de l’objet : suivant le mot de saint Thomas, l’autorité infaillible de Dieu, qui est son objet formel, lui tient lieu d’évidence. Par là aussi, tout s’y fait dans la vérité ; car il est l’adhé-