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INITIATION CHRETIENNE

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a) Le baptême selon saint Paul. — Nous avons déjà anticipé sur l’exposition de la pensée paulinienne ; il reste pourtant à en montrer lesparties originales. Travaillant sur les données de l’Evangile, le génie de saint Paul devait enrichir d’éléments nouveaux la doctrine du baptême. Considérant dans le Clirist, comme en sa source, l’œuvre de notre rédemption, il s’arrête au point culminant de cette œuvre, à la mort sur la croix, par laquelle le Christ couronne en droit notre rédemption et pose le principe de notre régénération. Le rapport qu’il perçoit entre la mort du Christ et le baptême, où nous est communiqué le fruit de cette mort, l’amène à envisager le bai)têuie comme une mort mystique, par laquclle nous sommes associés à la mort de Jésus-Christ. Poussant plus loin l’assimilation, il remarque une analogie entre la sépulture du Christ et l’immersion baptismale, et il en prend occasion de considérer le Christ mystique comme l’élément où le chrétien est immergé, enseveli par le baptême, pour être revêtu du Christ, conformé au Christ, associé à la cruci-Uxion et à la mort du Christ. Mais, cette mort engendre la vie ; à l’immersion, succède l’émersion triompliante ; le Christ mystique lui-même n’est pas un élément inerte, c’est un élément vivant et vivihant : tous ceux qu’il se sera incorporés et qui auront vécu de sa sève, tous les rameaux greffes sur ce tronc s’épanouiront à jamais avec lui sous le regard de Dieu, dans la résurrection et la vie sans déclin. Tel est le fonds d’idées et d’images que traduisent ces mots hardis : rv.yr, ^ évS-j/jv., npd’j'/r.ix’it^j au/z/^r-’^^wj !  ; , juv7Tc<^, ; wTi ; , i/<3vT(5171 ; , et qu’on trouve plus ou moins diffus dans les passages suivants :

lioni., VI, 3-5 : a Nous qui sommes morls au péché, comment vivrons-nous encore en lui ? Ne savcz-vous pas que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morls par la gloire de son Père, ainsi nous aussi marchions dans une vie nouvelle. Car si par notre union avec lui nous avons reproduit l’image de sa mort, nous sommes destinés à reproduire aussi celle de sa résurrection. » — Ibid., viii, 8, 32-23 : « J’estime que les souffrances du temps présent sont hors de proportion avec la gloire à venir, qui sera manifestée en nous… Nous savons que toute créature gémit et souffre les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce jour ; et qui plus est, nous-mêmes, qui avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant [la consommation de] l’adoption [divine], la rédemption de notre corps. » Col., I, 18 : Le Christ est la tête du corps de l’Eglise ; il est nos prémices, le premier-né d’entre les morts, pour tenir le premier rang en tout. » — Ibid., ii, 12 :

« Vous avez été ensevelis avec lui dans le baptême ; 

vous êtes aussi ressuscites en lui, par la foi en la puissance divine qui l’a ressuscité d’entre les morts. »

— Ibid., III, 1-3 : a Si vous êtes ressuscites avec le Christ, cherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ; attachez-vous aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. »

Gal., III, 27 : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, avez revêtu le Christ. »

I Cor., XII, 13 : « i Tous nous avons été baptisés dans un même Esprit, en un même corps, Juifs ou gentils, esclaves ou libres, tous nous avons été abreuvés d’un même Esprit. » — Ibid., 27 : ’i Vous êtes le corps du Christ, vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » — Epb., iv, 15-16 : « Confessant la vérité dans la charité, croissons en lui à tous égards, en notre chef, le Christ. C’est de lui que

tout le corps bien coordonné, bien agencé par tous les liens d’une assistance mutuelle, suivant une opération mesurée pour chaque membre, tire son accroissement et s’édifie lui-même dans la charité. » — Hum., XI, 16, 17 : « Si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi ; si la racine est sainte, les rameaux le sont aussi. Si quelques uns des rameaux ont été retranchés, et si loi, olivier sauvage, tu as été enté à leur place et rendu participant de la racine et de la fécondité de l’olivier franc, ne va pas te prévaloir contre les rameaux. »

La cause prochaine de cette mort et de cette résurrection, de cette union intime des membres en un même corps, de cette insertion des rameaux sur une même tige nourricière, c’est toujours le baptême.

Ces idées d’une originalité si puissante appartiennent en propre à saint Paul. A l’une ou à l’autre on trouverait sans doute un pendant chez les autres écrivains du Nouveau Testament : en particulier l’idée du Christ arbre de vie, nourrissant de sa sève les rameaux greffés sur son tronc, nous remet immédiatement en mémoire les paroles de Notre-Seigneur rapportées au chapitre xv de saint Jean : Je suis la vigne et vous êtes les branches, etc. » Mais ce n’est là qu’un trait isolé. Ce qu’on ne trouve pas ailleurs qu’en saint Paul, c’est ce faisceau d’idées si fortement noué, avec l’application qu’il en fait à la doctrine du baptême.

On a dû remarquer en particulier son insistance à représenter le Christ comme une sorte d’élément spirituel, où le fidèle, introduit par le baptême, se meut et vil : conception essentiellement paulinienne, que ramène souvent dans les épîtres de l’Apôtre cette formule stéréotypée : dans te Christ, dans le Christ Jésus (voir ti. A. Deissmann, Die ATliche Formel In Christo lesu, Marburg, 1892 ; plus brièvement, Pkat, Théologie de saint Paul, t. I, note T, p. 43^-436 et cf. ibid., p. 308-312, Paris, 1908, et t. 11, p. 368-3^5, avec noie Uj, p. 897-402, 191 2). Rien de plus propre que cette formule à nous faire pénétrer dans les habitudes d’esprit de saint Paul. On ne lui trouverait pas d’analogue parmi les formules qui servent à caractériser des relations d’homme à homme : elle ne peut convenir qu’aux relations avec Dieu et n’a d’analogues que ces formules bibliques, également familières à saint Paul : en Dieu, dans l’Esprit. L’imagination ardente de saint Paul lui représente les enfants de Dieu plongés en quelque sorte dans la sphère du divin. II faut prendre au pied de la lettre cette expression si forte et si caractéristique, qu’on peut croire mise par lui-même en circulation. Alors qu’elle se rencontre 8 fois dans les Actes et dans la 1^ Pétri, 28 fois dans les divers écrits de saint Jean, jamais chez les autres écrivains du Nouveau Testament, les épîtres de saint Paul n’en contiennent pas moins de |64 exemples : elle nous livre comme la moelle de sa pensée, elle nous montre son regard aimant fixé sur les profondeurs du Christ.

Mais n’exagérons-nous pas l’originalité de saint Paul théoricien du baptême 7 et ne trouverait-on pas avant lui le germe des idées qu’il devait amener à leur plein développement ? Cette question s’est posée surtout de nos jours. Elle est au fond d’une discussion très instructive, poursuivie de igoS à 1907 dans le Journal of theological studies, entre deux hauts dignitaires de l’Eglise anglicane, le docteur Chase, aujourd’hui évêque de Ely, et le docteur Armitagb RoBi.NsoN, doyen de Westminster. Elle est subtile. Nous allons essayer de la ramener à des termes simples.

M. Chase remarque l’identité d’expression entre certains passages où saint Paul parle d’incorporation au Christ par le baptême, et d’autres passages