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INITIATION CHRETIENNE

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pies de Jean dénoncent à leur maître le succès croissant de Jésus, et Jean prend de là occasion de leur dire (iir, 30) : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. >i Echo lidèle d’une parole que Jésus venait de dire à Nicodème et qui rejoint la théologie de Marc (m, 18) :

« Celui qui croit au Fils n’est pas jujfé ; mais celui

qui ne croit pas est déjà jugé, pour n’avoir pas cru au nom du Fils unique de Dieu. « Or, aussitôt après la parole de Jean, la suite du récit ramène encore une fois la mention du baptême. Tout ce contexte est étroitement lié (iv, 1-2) : « Jésus apprit qu’on avait rapporté aux Pharisiens qu’il faisait plus de disciples et de baptisés que Jean — cependant Jésus lui-même ne baptisait pas, mais bien ses disciples. » — Donc déjà l’on baptisait par son ordre. Sans nous arrêter à discuter si ce baptême, conféré du vivant de Jésus, avait dès lors toute la vertu du baptême de la Loi nouvelle’, constatons que l’évangéliste, si bien instruit des pensées intimes de Jésus, lui attribue expressément, dans un luème contexte, et le dessein de régénérer le monde par l’eau et l’Esprit, et déjà l’approbation d’un certain baptême, qui est, aussi bien que celui de Jean, un baptême d’eau. Que l’on veuille bien considérer l’harmonie de ces témoignages, et se demander si l’hypothèse d’une initiative spontanée prise par les Apôtres après la mort de leur Maître est la plus satisfaisante pour rendre raison du développement liistorique que nous avons rencontré au livre des Actes touchant l’institution baptismale. Toutes les raisons par lesquelles on prouve efficacement que l’éducation des Apôtres les prédisposait à comprendre une telle institution faite i>ar Jésus, et à la propager, échouent dès lors qu’on leur demande davantage et qu’on y cherche la preuve que cette institution leur appartient en propre. Au lieu de cette hypothèse gratuite, nos quatre évangélistes nous i)résentent une autre version. Les trois synoptiques, qui ne sont pas de [irofonds calculateurs mais de naïfs témoins, s’accordent sur le fait d’un message confié par Jésus aux siens, pour toutes les nations. En même temps qu’ils s’accordent sur ce fait, ils divergent sur les détails, assez pour exclure l’idée d’<in plan concerté entre eux. Matthieu parle de message, de baptême au nom de la Trinité, d’assistance indéfectible du Maître. Marc parle de message, de foi, et de baptême condition du salut. Luc parle de message et en précise la teneur : pénitence pour la rémission des péchés. Il ne parle pas de baptême, en cette Unale de son évangile ; mais tournons la page : ce qu’il a omis là, il le ramène au commencement du livre des Actes (i, ô), en rappelant que Jésus a prorais aux siens un baptême, le baptême de l’Esprit, c’est-à-dire avant tout le don de l’Esprit-Saint, destiné à parfaire l’œuvre du baptême d’eau. Enlin le quatrième évangile met sur les lèvres de Jésus, dans un entretien avec un clief de la Synagogue, l’énoncé du grand dessein auquel répondra [)lus tard ce message : la régénération du monde par l’eau et l’Esprit. Ici Jésus souligne expressément cette

1. Ce point n’a jamais été décidé. Tertullien, De bapliimo^ II, ne met aucune difTérence entre le baptême conféré par les Apôtres du vivant du Seigneur et le baptême de Jean. S. LrON LE Grand. Ep. xvi,.’t, Ad universos episcopos per Siciîiam coniiiitttos^ P. /-.. LIV, (VJ ! », [inrait bien supposer que ce boptênie n’était pas encore le baptême chrétien. Ce sentiment est celui de nombreux exégètes anciens et modernes : Uupert, Melchior Gano. De locis theologicis VIII, 5 ; EsTius…, Schanz, Schecg, Fillion, Knabenbauer. — Mais la distinction du baptême chrétien d’avec le baptême deJejin est un point de foi défini (i Trente, sess. vii, cun. 1 De baptismu, DE^zl^’0£R "’. 857 (738).

relation entre l’opération de l’eau et l’opération de l’Esprit, d’où résulte l’eflicacité du baptême. L’attribution à Jésus d’une initiative quant au sacrement est, en saint Jean, aussi claire que discrète, puisque l’explication s’impose, sans que le nom de baptême soit encore prononcé. Une pareille convergence d’indices révélateurs prouve assez que, dès les temps apostoliques, l’institution baptismale était, par le sentiment commun des fidèles, rapportée à Jésus lui-même. Ainsi les Pères l’ont compris, et l’Eglise en a vécu.

Nous sommes fondés à conclure :

Les documents les plus primitifs de l’Eglise montrent en Jésus le dessein formé de lier à l’institution baptismale l’œuvre d’évangélisation qu’il avait inaugurée en personne et que ses disciples devaient poursuivre après lui.

m. L’œuvre du baptême. — Si l’on interroge sur l’œuvre du baptême certains modernes historiens des religions, ils ne manqueront pas de vous répondre que le baptême est le rite d’initiation propre à la religion chrétienne. Pour peu qu’on les presse, ils vous citeront d’autres religions ayant mis en circulation ou bien consacré des ritesplus ou moins similaires ; et comme un rite d’initiation est particulièrement révélateur de la religion qui l’emploie, peut-être ils prendront de là occasion de marquer la place de la religion chrétienne entre les diverses religions historiques. Le syncrétisme de notre âge se comptait en ces rapprochements ; déjà il a tout réduit en catégories ; il ne manque même pas de prophètes pour pronostiquer le jour où, dans nos musées des religions, le christianisme, dûment étiqueté ainsi qu’une momie royale, ne représentera plus qu’une de ces éclosions religieuses, désormais dépassées, quiauront occupé quelque temps le rêve de l’humanité.

Tout cela, sans doute, est très facile à comprendre, mais aussi très éloigné de satisfaire les croyants qui voient dans la religion du Christ la seule religion fondée sur une communication expresse de Dieu à l’homme ; dans la personne de Jésus-Christ, l’objet sensible de leur adoration. Dieu apparu dans l’histoire ; enlin dans le baptême du Christ, le signe donné par Jésus lui-même aux siens.

Nous ne ferons aucune dilliculté de reconnaître que la religion chrétienne n’a été ni seule ni la première à proposer à ses initiés le bienfait d’une seconde naissance ou celui d’une purification. Si l’on s’en tient à l’écorce des mots, on peut fort bien ne percevoir aucune différence entre les promesses du Christ et celle de tel autre fondateur de religion. Mais à voir les choses chrétiennes par le dedans, on y découvre d’incomparables grandeurs ; ceux qui n’ont pas fait cette expérience et ont décidé de ne pas la faire, les méconnaîtront sans doute ; ce n’est pas pour nous une raison de ne pas présenter la vie chrétienne telle qu’elle apparaît au regard de la foi. En vérité, ces choses portent un tel cachet de simplicité et de grandeur qu’il suflit de se laisser faire par elles pour s’apercevoir qu’elles nous dépassent infiniment, qu’elles n’ont ici-bas ni parallèleni analogue, qu’elles n’ont pu se former par l’apport successif des générations croyantes, mais qu’elles s’épanchent d’une source infiniment riche où elles préexistaient avant de se déverser dans l’enseignement ecclésiastique ; cette source, dont nos méditations ne sauraient épuiser la jilénitude, c’est l’intelligence du Christ, qui a vu au sein du Père tout ce qu’il devait enseig^ner aux hommes (/o., i, 18).

C’est pourquoi nous interrogerons sur l’œuvre du baptême, d’abord Notre-Seigneur Jésus-Christ qui l’institua, i>uis saint Paul qui creusa la parole du