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INITIATION CHRÉTIENNE

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versets, en tant que parties du texte primitif des évangiles, quelles raisons invoque-t-on ?

Pour le verset de saint Mattliieu, on insiste sur la présence de la formule trinitaire, qui, dit-on, à la date de la rédaction de cet évangile, soit aux environs de l’année ^o, constituerait un anachronisme. La foi à la Trinité ne se rencontrerait, ainsi formée, qvie tout à la lin du r^ siècle.

Pour le verset de saint Marc, on fait observer qu’il appartient à la linale deutérocanonique de cet évangile. Cette linale est d’un caractère dilTcrent et d’une autre main que le reste de la rédaction. Dès le iv’siècle, elle était suspecte à Eusèbe ; elle mancjue dans deux des principaux manuscrits du Nouveau Testament grec : le Sinaïliciis N et le ]’aticaniisïi.

Telles sont les princiiiales raisons de ceux qui ne préfèrent pas écarter d’emblée ces paroles comme purement mythiques, au même titre que toutes les autres paroles du Christ ressuscité.

Nous ne rééditerons par ici les réponses complètes qu’on trouvera en d’autres parties de ce dictionnaire. Une orientation sommaire suflira pour donner l’impression que les dilUcullés accumulées par les rationalistes n’ont pas toute la gravité que ceux-ci prétendent, et que les positions traditionnelles sur l’institution baptismale, même d’un point de vue purement critique, demeurent très fortes.

Tout d’abord quant au texte de saint Mattliieu, l’anachronisme imputé à la formule trinitaire s’évanouit si, au lieu de s’arrêter à l’écorcedes mots, on va au fond des choses, et si l’on prend la peine de comparer à ce texte évangélique divers textes de saint Paul qui, dès une date antérieure à celle assignée à notre premier évangile, renferment l’expression parfaitement distincte et reconnaissable du dogme trinitaire : ne fût-ce que ce verset de ré|iitre aux Ephésiens (ii, 18) : « Par le Christ, en un Esprit, nous avons accès près du Père. » El encore ce dernier mot de la 11" épitre aux Corinthiens, xiii, 13 : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ et l’amour de Dieu et la communication de l’Esprit-Saint soit avec vous tous. I).u point de vue de la critique textuelle, la situation de ce verset est excellente : attesté qu’il est dès la lin du i" siècle par la Did.vcuè, par un grand nombre de Pères au ii « siècle, par l’unanimité des manuscrits et des versions. Les objections soulevées il y a dix ans par M. Co.nybeare, et dont Eusèbe faisait encore les frais, n’ont pas de valeur, au jugement même d’une critique indépendante. Nous renverrons à J. Lbbreto.n, Les Origines du dogme de la Trinité, l. I, note E, p. 478-489, Paris, 1910. | Voir d’ailleurs article Tkimti’ :.]

Le texte de saint Marc se présente, au premier abord, sous un jour moins favorable, puisqu’il appartient à une page discutée. Néanmoins les doutes qu’on a pu élever sur l’attribution de cette page à l’auteur du reste de lévangile ne s’étendent pas à l’antiquité même de la rédaction : car cette linale est citée dès le il" siècle par saint Irénée (111, x, 6) avec une pleine évidence, par d’autres auteurs plus ou moins distinctement. Les scrupules qu’elle inspirait plus tard à Eusèbe sont peut-être l’unif|ue cause de son absence dans deux manuscrits importants, qui. au dire des meilleurs juges, Tischendorf etGregory, représentent vraisemblablement la recension même d’Eusèbe. Mais à ces deux manuscrits qui l’omettent, nous pouvons opposer un bien plus grand nombre de manuscrits importants qui la possèdent (voir ci-dessus, t. I, 1616).

Enfin si l’on trouve plausible l’hypothèse d’une double interpolation opérée parallèlement dans les deux premiers évangiles pouraocréditer l’attribution au Christ lui-même de l’institution baptismale, com ment expliquera-t-on que le faussaire ait eu la main moins hardie quant au troisième évangile ? Or le texte de saint Luc, xxiv, 4^. fait exactement pendant à nos textes de saint Matthieu et de saint Marc : il leur fait pendant, sauf pourtant la mention du baptême : car Notre-Seigneur y parle seulement de

« prêcher en son nom la i)énitence pour la rémission

des péchés, à tous les peuples ». L’accord substantiel de ces trois versions d’un même fait, joint à l’absence dans l’une d’elles d’un trait si important et si caractéristique, est la meilleure garantie de la véracité aussi bien qvie de la mutuelle indépendance des témoins.

On objecte que saint Paul ignore ce fait d’un message baptismal, puisqu’il se ditcnvoyé non pour baptiser mais pour évangéliser (1 Cur.^ i, i^). Mais il l’ignore si peu qu’il eu rend témoignage dans ce verset même. Remarquons d’abord que saint Paul, dans le même contexte, dit avoir baptisé Gains et Crispus, et la maison de Stéphanas (liid., 14-16) : s’il n’a pas baptisé davantage à Corinthe, c’est sans doute qu’il n’en avait pas le tenais. D’ailleurs son charisme était autre. Ne nous enseigne-t-il pas (Eph., iv, 1 1) que le Seigneur a fait les uns apôtres, les autres prophètes, les autres évangélistes, les autres pasteurs et docteurs, selon la diversité des dons de l’Esprit ? Pierre n’agissait pas différemment envers ceux qu’il avait conquis à l’Evangile, et le livre des Actes nous apprend que, s’il admit dans l’Eglise Corneille et les siens, il se reposa sur autrui du soin de les baptiser (Act., X, 48). La version des Synoptiques est donc parfaitement consistante avec l’histoire de l’évangélisation primitive. Elle a d’ailleurs sa préface dans un épisode du quatrième évangile.

Chez saint Jean, nous entendons (/o., iii, 3 sqq.) non plus le Christ ressuscité, mais le Christ en pleine prédication évangélique, proposant à Nicodème la condition de l’entrée dans le royaume de Dieu : «. En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu’un ne renait, il ne peut voir le royaume de Dieu… En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu’un ne nait de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas de m’entendre dire : Il vous faut renaître. L’esprit souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va… » Aux questions dont le presse cet homme de bonne volonté, Jésus répond sans prononcer le mot de baptême, mais en découvrant la source où s’alimente la vie de l’Esprit : « En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons et nous témoignons de ce que nous avons vu ; mais vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne me croyez pas quand je vous parle de la terre, comment croirez-vous si je vous parle du ciel ? Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’Iiomnie Et comme Mo’ise a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, alin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. Car Dieu a aimé le monde jusqu’à donner son Fils unique, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu’il ail la vie éternelle. »

Ici la perspective s’ouvre sur le mystère de la Rédemption et sur la nécessité de croire et d’agir selon Dieu, pour être sauvé au nom de son Fils unique. Mais sans doute ce n’est point pur hasard, non plus qu’artifice de composition, si le contexte amène immédiatement la mention du baptême. On voit en effet (m, 22) qu’après cela Jésus s’en vint avec ses disciples en Judée, qu’il y séjourna avec eux et baptisa. Jean aussi était non loin de là et baptisait. Et voici qu’une sorte de rivalité se développe entre les disciples de Jean et les disciples de Jésus. Les disci-