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INITIATION CHRETIENNE

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ainsi qu’Arrien (Diss. Epict., ii, g) : ’Otoo Si « MJxCri ri "nxOo^ ^zCv.u.y.évov^ To’rs xv.t hrt xKt xv.JîîTV.t louûyJo^. — C’est à peu près tout ce qu’on rencontre au ii* siècle. La très ancienne version éthiopienne de l’évangile selon saint Matthieu porte, au lieu du verset bien connu (_Mt., xxiii, 15) : « Vous parcourez la mer et la terre pour recruter un prosélyte », « Vous parcourez la mer et la terre pour baptiser un prosélyte », ce qui peut passerpour une allusion au rited’initiation judaïque. Mais la rareté de tels vestiges montre le peu de fond qu’on doit faire sur l’idée du baptême des prosélj’les ; elle montre aussi l’invraisemblance extrême de l’hypothèse d’après laquelle les disciples seraient allés emprunter à la Synagogue, cette marâtre, un rite aussi ésotérique pour en faire le signe caractéristique des enfants de l’Eglise. Le pendant juif du baptême chrétien n’est pas le baptême des prosélytes, mais bien la circoncision’.

Reste le baptémede Jean. Jésus, en s’y soumettant, en avait consacré la valeur religieuse, et les Apôtres le respectaient. Mais ce respect ne les empêchait pas de prétendre, quand ils faisaient un chrétien, faire autre chose que ce qu’avait fait Jean. Cela ressort avec évidence de plusieurs textes déjà cités ; cela ressort surtout du récit consigné aux chapitres xviii et XIX des..ctes.

Il y avait à Ephèse un certain Juif alexandrin dont saint Paul parle à diverses reprises dans ses épîlres. Il se nommait Apollo. Homme de culture supérieure, versé dans les Ecritures, instruit de la doctrine de Jésus. Dans sa ferveur, il exerçait autour de lui une propagande active et intelligente, mais il lui restait sans doute beaucoup à apprendre : l’auteur des Actes marque expressément qu’il ne connaissait que le baptême de Jean. Son concours n’en fut pas moins apprécié par les autres ouvriers de l’Evangile. Or le cas d.pollo n’était pas isolé à Ephcse : saint Paul, traversant cette ville, eut occasion d’interroger quelques disciples et de s’enquérir s’ils avaient reçu le Saint-Esprit. La réponse fut : b Mais nous ignorions même qu’il y eut un Saint-Esprit. » Sur quoi, saint Paul interrogea de nouveau : « Quel baptême avez-vous donc reçu ? — Le baptême de Jean. » Paul s’empressa de compléter leur instruction, disant : « Jean a baptisé du baptême de pénitence, engageant le peuple à croire en celui qui devait venir après lui, c’est-à-dire en Jésus. » Là dessus, ces catéchumènes reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus, et ensuite le don du Saint-Esprit par l’imposition des mains de Paul.

Fidèle aux enseignements de son Maître, l’Eglise a constamment vénéré, dans le baptême de Jean, une sorte de préface du baptême chrétien ; et les Pères grecs s’accordent à faire dater du jour même où Jésus descendit dans les eaux du Jourdain pour les sanctiQer, la première consécration de notre baptême. Mais cette croyance n’entame en rien dans leur esprit l’originalité de l’institution baptismale. Le baptême chrétien, selon la pensée de l’Eglise comme selon celle des Apôtres, est une création nouvelle, et nous pouvons hardiment en nommer l’auteur : il n’est autre que Jésus.

Tout à l’heure, à propos de la tactique observée par les Apôtres, nous parlions de rhyi)ollièse d un

l.Lc » sources rabbiniqucs nous renseignent un peu plus abondamment sur le baptême des prosélytes. Voir notamment dans le Talmud <lt’Ïfahi/Jnne (v’siècle), Yeharnol /t kl B, une allusion possible au haptènie par immersion. On pont consulter’. Bka.ndt, Die Jntii.-tc/irn liaptismcn ^ Giessen, 1910, et les articles de C. F. Rooerr et L AiiRAHAMs dans le Journal of iheolo^ical Sttuiiea., t. XII et Xin (avril et juillet l’Jl 1, avril Illli)’ : Ihnv did l/ic Ji ; vs bapti : e.’précepte du Seigneur. Cette expression était provisoire. Après avoir montré que l’hypothèse a pour soi toutes les vraisemblances, il nous faut faire un pas de plus, et aborder la démonstration directe du fait.

Il est assez de mode aujourd’hui de le nier. Je cite — comme un des plus notables représentants de cette négation en France — Auguste Sabatier, dans son livre posthume, les religions d’autorité et la religion de l esprit-, Paris, igo4, p. loi-io^.

« L’institution du Baptême d’eau est-elle le fuit de Jésus

lui-même ? Il est impossible, dans l’état des textes, de le montrer. La parole de Ml., xxviii, 111, qui semble le lui attribuer, n’est pa » seulement posthunje ; elle n’est entrée qu’assez tard dans la tradition de 1 Eglise apostolique. Aucun autre évangile ne l’a recueillie.

« Si Jésus avait laissé à ses Apôtres un commandement

ausii formel, Paul auruit-il pu écrire aux Corinthiens que le Christ l’a eni’oyé, non pour baptiser, mais pour éi’angétiser ? et)Huirrait-il rendre grâces à Dieu de n’avoir baptisé de ses mains que trois ou quati-e)>ersonnes à Gorinlbe.’N’aurait-il pas dû plutôt se reprocher d’avoir manqué è » un commandement exprès du Christ.’(1 Le baptême d’eau remonte à Jean le Baptiste. Jésus considérait ce rite prt’paratoire au loyaume messianiqu<’, comme voulu de Dieu, mais antérieur et étranger à la nouvelle alliance. Les disciples l’ont pratiqué d’abord dans l’esprit même du précurseur, ayant en vue, comme lui, le prochain avènement du Messie triomphant.

« Le baptême du Messie devait être d’une autre nature.

C’était ti le baptême d’esprit et de feu », qui, dans les discours de Jean, se tiouve nettement opposé au baptême d’eau, tl’ost le seul dont Paul prenne souci. A l’origine, ils étaient fort bien distingués 1 un de l’auti-e, comme on le voit dans le livre des.-Vctes des Apùtrcs, où tantôt l’efTusion de rEsi)iit précède et tantôt suit le baptême d’eau, sans qu’il } ail entre eux liaison nécessaire. Mais à mesure que l’Eglise et le royaume des cieux tendaient à s’identifier, l’entrée dans l’une devait coïncider avec l’entrée dans l’iiutre, le bain de purification en vue du Royaume et l’effusion de l’Esprit, gage et principe de la vie nouvelle, devaient se confondre, et le sî^rne prendre la place et la ^’aleur de la chose signifiée. Telle est la pente qu’allait descendre la chrétienté du il" siècle, pour aboutir très vite à l’idée siipei’stiticuse de l’opus operatum. »

Ces idées, qu’exprimait le doyen de la faculté de théologie protestante, se retrouvent dans un grand nombre de publications inspirées par l’exégèse rationaliste. C’est ainsi que, ne pouvant retrancher de l’histoire primitive du christianisme le fait ecclésiastique, on s’applique du moin » à en couper les racines et à l’isoler de Jésus, de qui l’Eglise tire sa sève. A l’origine du fait ecclésiastique, on rencontre la prédication baptismale : on en supprimera les attaches évangéliques, et l’on s’évertuera à trouver dans l’Eglise elle-même la raison de ce fait. On reconnaît

— comment pourrait-on ne pas le reconnaître ? — que dès son origine l’Eglise baptisa. Mais on alTecte de ne voir dans ce rite — distinctement chrétien, nous venons de l’établir — qu’une pure survivance de la I>rédication du Baptiste. Puis on ose avancer que l’Eglise avait déjà compté deux ou trois générations de baptisés quand, vers la (in du i" siècle, elle s’avisa de formuler comme précepte du Seigneur et d’introduire dans la trame déjà tissue de ses Evangiles cette règle, destinée à rendre raison d’une pratique des lors universellement reçue.

Le fait est que nous lisons en saint Matthieu, xxviii, 19 : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au noni du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »

Et en saint Marc, xvi, 16 : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. »

Pour justilier l’athélèse prononcée contre ces deux