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INERKANCE BIBLIQUE

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psaumes (i.xx VII, civ-cvi, cxxxiv, cxxxv) qui reprennent l’histoire d’Israël, comme fait un poète. Même dans un livre proprement historique ou même dogmatique, il peut se faire qu’on rencontre çà et là des traditions populaires. En principe, rien ne s’oppose à ce qu’un historien inspiré les « rapporte », ou encore les n utilise » en vue du but qu’il se propose. Cf. Bainvel, /^e." « ’cri^i. sacra, p. 153-155, 1^7. En fait, ce n’est pas un état de choses à supposer ; on ne l’atlirmera que sur bonnes preuves et en réservant le jugement éventuel de l’Eglise. Décret, commiss. hihlicae, 26 juin igoô ; Dbnz.’", lySo. De graves auteurs ont entendu de la sorte l’altercation entre .S. Michel et le diable au sujet du corps de Moïse, dans répître de S. Jude, g ; ou encore les mœurs des <lémons qui aiment les lieux solitaires et sans eau, dans S. Matthieu, xii, 43. Cf. Doin Calmet, in h. t. et Bacuez-Brassac, Manuel biblique, igii.n" I131. S. Paul a-t-il fait allusion à une légende rabbinique en écrivant du Christ qu’il était » la pierre spirituelle qui accompagnait Israël dans le désert ? » I Cor., X, 4. Des exégèles catholiques (Maikr, BisriNG, Drach, Lkmo.n’nyer) ne font pas dilliculté de l’accorder, malgré les réclamations du P. Gounfly, ///. h. l. Le P. Knabenbauer, Comm. in duns lihr., Macchnb., 1907, p. 292, voit une tradition populaire dans l’anecdote du feu sacré retrouvé par Néhémie (II Macch., I, 18-2li) ; « tradilio quædam popularis <iua raandatuni illud legis Levit., vi, 12, de igné in altari semper ardenti illustratur ».

Les élymologies des noms propres (et il y en a beaucoup dans la Bible) réfléchissent souvent les crojances populaires. Il est bien difficile d’expliquer autrement le triple rapport que le texte des Juges, XV, 17-19. met entre la mâchoire d’âne de Samson, le mamelon dit de la Mâchoire et la fontaine Ain liaqqôré. Autour d’un même nom se forment parfois deux ou trois traditions qui en expliquent l’origine, et chaque tradition a sa raison d’être. C’est un fait que le sens et l’origine du nom de Bersabée sont expliqués de deux façons différentes dans la Genèse,

XXI, 31 ; XXVI, 33. Cf. Dict. de la fii b te (Vigourousi), II, 1629. En comparant S. Matth., xxvii, 8, avec les Actes, I, 19, on se demande s’il ne faut pas en dire autant d’Haceldama. Cf. Mgr Lb Camus, V^ie de Jésus-Christ,

! i’édit., III, p. 371-372.

/^ Pour rendre compte des antilogies, surtout de celles qui se rencontrent dans un même livre, la théorie des citations /aci/es peut être utile, non pas par manière d’expédient et faute de mieux, mais à l’état de procédé légitime.. l’article Critique biblique, col. 802. nous avons déjà dit qu’il y a dans la Cible des citations implicites ou tacites, reconnaissablés par l’analyse du texte ; ici, il reste à rechercher si l’auteur inspiré est censé garantir invariablement et jusque dans les derniers détails la vérité du contenu de pareilles citations. Il y a longtemps que des exégèles de grand mérite ont fait pratiquement une réponse négative à la question. Cf. Èuskbk, P. G.,

XXII, 8<jG ; S. JiinÙMK, P. /.., XXIll, 1002 ; Cajetax, jANSKNiusGand., GKNiinRARD, Petau, Pereira, in Luc, m, 26 (cf. Etudes religieuses, t.I.p. 213 et t. LXXXVI, p. 488). Ribera et Estius, in Ilebr., ix, 21. De nos jours, les premiers parmi les catholiques qui ont proposé le principe et comme suggéré la théorie des citations tacites incomplètement garanties sont : B. SGH..ErER, Bit/cl und ff’issenschaft, p. 118, 149. 180 ; F. DR HoMMELAUER, In II Keg.. xxiv, 9 (1886) ; abbé DE BnoGLiE, Questions bibliques, igoi^, p. 19 ; P. Bruckbr, Eludes religieuse.^, août 1894, p. 6’iO (cf. t. XCVI, igo3, p. 686, et surtout /.’Eglise et la iritique biblique, 1908, p. 68-71, 226) ; P. Lagrange, Hevue biblique, 18y5, p. 02 ; 1896, p. 507-616 ; 1897,

p. 370-872. Depuis, la théorie a été présentée d’une l’açon plus achevée par le P. Prat, Etudes religieuses, 1901, t. LXXXVI, p. 475 et La Bible et l’iiistoire, 1904, p. 48. Cependant des théologiens (P. Schifiini, JJtyinitas Scripturae, igoS, p. 162 ; P. Delattrb, Autour de la question biblique, 1904, p. 807) condamnaient la théorie comme une nouveauté pernicieuse. C’est dans ces conditions que, le 13 février igoS, la Commission biblique déclara que la théorie des citations implicites ne saurait être un procédé courant pour résoudre les didicultcs soulevées par le texte biblique, mais qu’on peut y recourir dans le cas où il sera solidement établi que l’hagiograplie cite sans faire siennes, ni approuver toutes les assertions de son document, « salvis sensu et judicio Ecclesiæ n. Denz.’", 1979.

Ceux qui prendraient occasion des citations tacites pour restreindre quelque peu l’objet de l’inspiration, reçoivent dans l’encyclique Pascendi, Dknz.’", 2090, un blâme discret, et comme en passant, à propos des modernistes (auxquels, du reste, on les oppose) ; mais il ne semble pas que le document pontifical ait entendu déroger au décret de la Commission biblique. Des théologiens recommandables reconnaissent la légitimité du principe et de la théorie, tout en avertissant des dillicultés, des incertitudes et des abus que l’application peut entraîner. Ch. Pesch, De insp. sacræ.Scriptur., 1906, p. 689 ; J. V. Bainvel, De Script, sacra, 1910, p. 147. 154-155 ; van Noort, De fontibus revelationis, 1906, p. 63-6g. Le P. KvABENBAUER, Comment, in duos libros Macchabæorum, igo7, p. 278, 305-306, accepte ce mode de solution, bien entendu dans certaines limites. Cf. Stimmen aus Maria-I.aach, sept. igo8, p. 35 1.

La difficulté qui reste encore ici à surmonter est toute d’ordre pratique.. quels signes reconnaître que l’on a des arguments assez solides pour autoriser l’hypothèse d’une citation implicite incomplètement garantie ? II arrivera facilement que ce qui parait solide âl’un sera jugé insuffisant par un autre. Des exemples donneront peut-être une impression plus exacte de la mesure à garder. Voici quelques antilogies que des auteurs catholiques compétents croient pouvoir résoudre par cette voie, ou reconnaissent, tout au moins, que la solution est recevable. II lieg., xxiv, g, comparé avec I Par., xxi, 5 : Von Hummelauer, Prat, van Noort. — II Macch., i, 1117, comparé avec II Macch., ix, i-ag et I Macch., vi,

I-16 : COUXELY, KNABBÎfBAUER, CrAMPON — I.UC, III,

36, avec G en., 11, 12 : Pesch, Prat, Bainvel, Brassac, cpii sont à joindre aux auteurs anciens énumérés plus haut à propos de ce même texte. En définitive, la solution revient à dire : ces passages sont de ceux que l’on peut expliquer par une citation implicite et, en dehors de cette explication on ne voit pas de solution réellement satisfaisante. Cependant comme, de sa nature, la citation implicite est limitée aux docximents reproduits tels quels par un écrivain, les généalogies par exemple, et que. d’autre part, il est pratiquement difficile d’établir qu’il y a vraiment citation inconiplètenient garantie, des critiques catholiques (Lagrange, von Hummelauer) préfèrent, quand il s’agit d’apprécier l’attitude d’esprit de l’hagiographe vis-à-vis de son récit, recourir aux lois du genre littéraire dont relève l’histoire antique et surtout l’histoire sacrée. Dans ces conditions, la citation implicite n’est plus qu’un cas particulier de la théorie générale des genres littéraires.

3* On a dit que la prophétie (au sens de prédiction) n’est que de l’histoire écrite par avance. Bien que cette définition soit défectueuse, il reste vrai que, du