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INERRANCE BIBLIQUE

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caractère historique du texte y gagne en précision, et sa valeur dogmatique n’y perd rien. L’élément rédactionnel fait partie intég-ranle ilu texte inspiré, et se trouve dès lors sous la garantie de l’Ecriture. Le théologien peut donc en argumenter, comme l’on fait de la parole de Dieu. Si ces modalités sont de l’Iiagiographe en personne, elles se trouvent légitimées directement par la gràcede l’inspiration ; si elles sont l’œuvre dune tradition antérieure, parle fait même que l’écrivain inspiré les a accueillies, elles participent à l’autorité du texte dans les conditions générales que nous avons dites. Ce n’est pas qu’elles perdent leur caractère rédactionnel, mais elles sont aulhentiquement reconnues comme une adaptation légitime de l’élément traditionnel primitif parcelui qui avait qualité pour le faire ; ’i itle cui auctoritas narrandi cimcessu est », disait S. Augustin. Seulement, l’exégète et l’apologiste doivent s’attacher, dans l’analyse qu’ils font du texte, à distinguer les divers éléments qui en expliquent l’origine. Us se garderont d’additionner les modalités qui tiennent à la rédaction, comme si, par leur total, on devait obtenir une représentation plvis complète de la réalité historique ; des équivalents se remplacent mais ne s’ajoutent pas. Dans S. Matthieu, xxv, 15, il est question de talents, et dans saint Luc, xix, 13, de mines ; les sommes distribuées sont inégales et fructilienl inégalement, mais il reste dans les deux évangiles analogie de situation et identité d’enseignement. C’est pour avoir supposé, sans preuve sullisante, que tous les détails du quadruple récit de l’histoire évangclique devaient invariablement s’additionner, que des commentateurs ont trovivé que S. Pierre avait renié son Maître non pas trois fois, mais six fois (Denys le Chartreux), et même sept fois (Cajrtan). Maldonat, in Matlh., xxvi, 71, est dur, mais juste, pour cette manière de traiter l’Evangile.

a" Pratiquement, la plupart des exégètes, mêmedu côté des plus conservateurs, recourent çà et là à la théorie des procédés littéraires (moins le nom), pour accorder les textes entre eux. Qu’on lise l’exposition de la parabole des Vignerons, aussi bien dans Knabenbauer et Fillion que dans Maldonat et D. Calmet, et l’on constatera qu’en dclinitive ils en viennent à dire qu’en dépit des menues dilTérences la parabole reste substantiellement identique. Ailleurs, M. Fillion, in Matth., p. 897, écrit à propos des aveugles de Jéricho : a Mais c’est là une anticipation sans importance, une de ces petites licences que les historiens se permettaient fréquemment et qui n’atteint en rien la substance du récit ». Récemment encore, dans son ouvrage sur les Miracles de.V.-.S’. Jésus-Clirist, 1912, t. I, p. 1 16, le même auteur avertit qu’il ne croit pas devoir recourir à la méthode d’i harmonie à outrance, d’après laquelle tous les détails exposés par chaque évangéliste auraient eu une réalité objective et se seraient passés tels qu’ils sont r.iconlés… Quoique excellente parfois, cette méthode n’est pas toujours la meilleure, ni la plus vraie… Mieux vaut reconnaître simplement qu’il existe çà et là, très rarement, des variantes réelles dans les récits de certains miracles ; mais hàlons-nous d’ajouter qu’elles n’ont rien d’essentiel et qu’elles proviennent, soit de la tradition orale, soit des documents écrits dans lesquels avaient puisé les évangélistes. » Dans une vie de Jésus-Christ, qui a eu six éditions du vivant de son auteur, Mgr Le Camus en appelle couramment à l’activité rédactionnelle des Evangélistes ou encore aux légères variantes des traditions qu’ils ont accueillies. Voici quelques passages plus caractéristiques, cités d’après la sixième édition : t. 1, p. 55, 2H0, 314, 326, 364, 371. 403, 413, /)i/(, 4’8, 419. 431, 4’, i, 454 ; t. 11, p. 20, 52, 67, 83, 1O4, 175, 181 ;

t. III, p. 13, 50, 63, 215, 372, 376, 413, 415-416, 469.

L auteur a expliqué et défendu sa méthode dans la brochure Vraie et fausse e.régèse, 1903, p. 13-17.

D’ailleurs, on peut se réclamer ici de l’exemple et de l’autorité des auteurs mêmes du Nouveau Testament. C’est un fait reconnu de tous que le plus souvent ils citent l’Ecriture d’ajirès la traduction grecque dite des Septante, même quand cette version présente des divergences accidentelles d’avec le texte original (voir ExiiGÉSR, col. 1817). L’auteur de l’Epitre aux Hébreux, x, 5, cite le psaume xxxix, 6, Corpus autein aptasli mihi (d’après les Septante) ; alors que l’hébreu, suivi par notre Vulgate latine, porte Jures autein perfecisti mihi (littéral, peifurasli, id est apertas seu dociles fecisti). Nonobstant ces nuances de sens, le texte reste, sous la double forme, sulUsamment expressif de l’obéissance du Christ dans son sacrilice ; seulement l’argumentation est plus directe avec la version grecque.

m. La Bible et les sciences de la nature. — C’est principalement au nom des sciences de la nature que l’on a attaqué l’inerrance biblique. Un principe déjà formulé parles anciens, autorisé récemment par l’Encyclique l’rovid. iJeus, Denz.’", 1947, et, à cause de cela, couramment reconnu aujourd’hui, c’est que « Dieu ne s’est pas proposé d’enseigner aux hommes des notions profanes, sans nul prolit pour leur salut ». Ve Gen. ad lilt., II, ix. De ce principe découlent rigoureusement les conclusions suivantes :

1° En matière d’histoire naturelle, de géologie, de cosmographie, etc., la Bible n’a pas d’enseii ; nemeni. Il est vrai que fréquemment la Bible et les sciences naturelles traitent des mêmes objets : l’homme, le monde, ses phénomènes, etc. ; mais elles les envisagent de points de vue différents. L’Ecriture ne parle de ces choses que pour nous enseigner la place qu’elles ont dans le plan divin, au regard des destinées de l’homme. A cette liii, il sutlisait à l’hagiographe de les décrire comme on faisait couramment autour de lui, d’après l’expérience directe des sens, qui nous renseignent sur les apparences. Cf. Denz.’", 1947. L’auteur de la Genèse a bien pu écrire, sans erreur, que « Dieu lit deux grands luminaires, le plus grand pour présider au jour, et le plus petit pour présider à la nuit » ; miiis si son but eût été de nous apprendre le rôle du soleil et de la lune, dans le système général du monde, son assertion serait erronée. L’ange Raphaël lui-même parle des propriétés du fiel de poisson d’après l’opinion populaire. Toh., VI, 9. Cf. L. FoNCK dans f.exic. biblicum, II, col. 270.

2" Et donc l’exégèse scientihque (je ne dis pas l’exégèse savante), celle qui prétend expliquer le texte biblique d’après les données des sciences naturelles modernes, part d’un faux supposé. Si le premier chapitre de la Genèse a été conçu d’un point de vue religieux pour nous enseigner que Dieu a tout créé de rien ; s’il a été rédigé d’après les apparences ou, tout au plus, d’après les données de la science d’alors ; pourquoi vouloir y retrouver les périodes géologiques de la science moderne ? Pour devancer Newton, Cuvier et Ampère, Moïse eût eu besoin d’une révélation’t scientifique » de premier ordre. Cette révélation n’est pas impossible, mais il n’est pas prouvé qu’elle ait eu lieu. Aussi bien, le système apologétique (d’origine protestante), qui a trouvé tant de faveur pendant le xix" siècle, sous le nom de a concordisme scientifique » ou de « périodisme biblique », est aujourd’hui de plus en plus délaissé. Pour se rendre compte du changement de position qui s’est fait sur ce terrain, il siifiit de comparer ce que M. Hamabd écrivait il y a moins de vingt ans dans le Dictionnaire de la Bible (Vigouroux), II, io34,