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INERRANCE BIBLIQUE

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conclure qu’il n’y a pas à chercher de contexte historique à certaines paroles, que les évangélistes ont rapportées à un endroit détermine, soit à raison des analogies du sujet, soit encore faute de pouvoir les placer ailleurs d’une façon plus satisfaisante. Cf. Maldonat, Cumment. in quai. Es’angelistas, In Malthæum, xi, 12 ; xxiii, 13 ; Marc., xiii, 1 1 ; ix, 50 ; in /.uc, XII, 49> <^tc. Saint Augustin avait déjà formulé, et en y insistant, cette règle d’exégèse. De tons. £vang., Il, XXI, 51-52 ; P. L.. XXXIV, 1102. Le grand discours eschatologique a toujours été une des croix des commentateurs. S’il est permis d’y voir dans Mat., xxiv-xxv, Marc, xiii et Luc, xxi une narration composite, qu’elle soit l’œuvre des évangélistes ou, beaucoup plus vraisemblablement, le fait d’une tradition antérieure ; — son sens devient plus distinct, plus coulant. Dès lors aussi, on se rend compte que Jésus a pu réellement tenir les propos que lui attribuent les textes, sans avoir cru à l’imminence de la fin du monde. Cf. P. Lagrange. flef. bibl., 1906, p. 382411 ; BUKKITT, The Gospel historv and its transmission, 1906, p. 62 ; E. Mangknot, Les évang. synoptiques, ujii, p. 280. M. Lv.pin, Jésus Messie et Fils de Dieu, 3’édit., 1906, p. Syij, lient cette explication non seulement pour possible, mais aussi comme « critiquement fondée ». Maldonat, In Marc, xiii, 11, avait frayé la voie aux modernes dans cette direction.

5" Tout procédé rédactionnel emporte une certaine interprétation du fait ou du discours rapporté. Loin d’altérer la vérité historique, cette intcr[irétation devient parfois nécessaire pour la protéger contre le déchet que sans cela elle subirait forcément, en l’absence des circonstances qui en déterminaient le sens et la portée pour les témoins immédiats. C’est la remarque judicieuse du P. Prat. « Plusieurs signes naturels ou conventionnels complètent ou précisent la pensée de l’orateur. Le geste, le ton de la voix, les antécédents, les instructions antérieures, les circonstances de temps et de lieu, les dispositions et les préoccupations de l’auditoire, tout cela restreint le discours ou l’étend au delà des simples paroles. Que doit faire en ce cas un liistorien consciencieux ? Il n’a que deux partis à prendre : ou bien, il mentionnera les circonstances nécessaires, pour apprécier la portée des paroles ; ou bien, il fera subir aux paroles un léger changement, qui restitue toute leur véritable valeur. » L’Evangile et la critique, loc. cit., p. 667. Cf. Hectierches de science religieuse, 1911, p. 296. Dans saint Matthieu, N.-S. parle du a Kciyaume des cieux », tandis que dans saint Marc et dans saint Luc, il parle du « Koyaume de Dieu » ; la substitution d’une expression à une autre n’est ])as fortuite. Dans le second livre des Rois, xxiv, i, c’est la colère de Dieu qui met au cœur de David la pensée de recenser Israël ; tandis que le premier livre des Paralipomènes, xxi, 1, l’attribue à Satan en personne, comme dans le cas de Job. L’interprétation doctrinale est manifeste. Il semble bien que, dans les Evangiles, certaines paraboles aient été l’objet d’une légère adaptation, non pas certes fin sens de JiiLicHBR, /)ie Oleichnisreden Jesu, 18<j(), iideL, oisy, Les paraboles de l’Evangile, dans Etudes éyangéliques, 1901 ; comme si les évangélistesou la tradition chrétienne avaient tourné en allégories prophétiques les simples fables dont Jésus-Christ se serait servi, mais uniquement dans ce sens que, grâce aux premiers prédicateurs de l’Evangile, ces enseignements divins ont été constamment tenus, sans altération proprement dite, à la portée de l’intelligence et des besoins présents des fidèles. De là ces modalités divergentes que l’on remarque non seulement dans les détails du récit fictif de la parabole, mais jusque dans les applications doctrinales.

Les commentateurs catholiques ne s’accordent pas sur le point de savoir s’il faut distinguer foncièrement la parabole des talents (Matth.) de celle des mines (ii/f), la parabole du grand festin (i » c)de celle des noces du fils du roi (Maltli.). Ceux qui, après Maldonat et D. Calmet, les confondent doivent, en définitive, mettre les différences au compte de l’activité rédactionnelle. Tout le monde convient, — et il le faut bien, — que la parabole des vignerons infidèles est identique, bien qu’elle se lise dans les trois évangiles avec des divergences de détail assez notables. Quelle est la meilleure façon de ramener le triple récit à l’unité ? On peut voir à ce sujet d’une part L. FoNCK, Die Parabeln des Ilerrn im Evangelium, 1902, p. 338 ; et, d’autre part, Mgr Le Camus, Vie de IS’.-S. Jésus-Christ, 9* édit., 1907, III, p. 63. — M. Man-GENOT, Les Evangiles synoptiques, 191 1, p. 2^1, estime que c’est à un procédé rédactionnel que nous devons la ditférence qu’il y a entre saint Marc, iv, 1 1-12, et les deux autres évangélistes, loc. parai., sur le sens et la portée de l’enseignement en paraboles dans la bouche du Seigneur.

6" Avant que d’assigner des limites à l’activité rédactionnelle, on doit se rendre compte du talent particulier de l’auteur, comme aussi, et surtout, des habitudes littéraires de son époque. Or, le génie hébraïque se complaît à dramatiser non seulement le récit des événements(comme l’y oblige plus ou moins l’absence de style indirect), mais encore les mouvements de la vie intérieure ou les mystères du monde invisible. De là, dans la lîible, des mises en scène capables de donner le changea un lecteur moins averti que de juste. S. Thomas ne s’y est pas trompe. Il estime que la grande théophanie qui termine le livre de Job, xxxviii-xLi, peut n’avoir été qu’une révélation intérieure projetée au dehors. Jn Joh expositio. Opéra omnia, edit. Parm., XIV, p. 126. A plus forte raison admet-il que la scène initiale de ce même livre, où Satan nous est représenté comme ayant ses entrées libres dans le conseil de Dieu, doit être mise au compte de l’activité littéraire de l’hagiographe. Ibid., p. 5. Mais cette scène rappelle de très près celle qui se rencontre ailleurs, dans un livre proprement historique, lU Heg., xxii, 15-23, où le prophète Miellée voit le Tout-Puissant tenant conseil, assis sur son trône, au milieu de ses ministres et assesseurs. Il leur demande lequel d’entre eux ira séduire Achab. Et voilà que l’Esprit d’erreur sort des rangs, s’offre pour cette mission, et obtient de Dieu le congé qu’il sollicite.

Et le serpent tentateur de la Genèse, iii, 1-6, a-t-il réellement parlé ? « Non seulement, répond le P. Bruckkr dans les Etudes, igo6, t. CIX, p. 798, le serpent ne parla point, mais il n’est pas même hors de doute que Satan, qui, lui, pouvait se faire entendre à Eve de telle façon qu’elle crût voir et entendre parler le serpent, ait articulé au dehors les discours que lui prête la Bible. On sait que l’auteur de la Genèse a l’habitude de mettre en discours toutes les pensées de ses personnages, et il n’y a rien d’impossible à ce que tout le dialogue d’Eve avec le tentateur se soit déroulé dans son àme. Ceci est également une opinion du cardinal Cajetan, t|u’on est libre de suivre, si l’on trouve encore après cela un rôle quelconque à donner au serpent. » La Commission biblique. Décret du 30 juin 1909, iii, se borne à dire : K diabolo sub specie serpentis suasore ».

/3) Conséquences de la théorie des procédés rédactionnels. — 1" Réduite à de justes limiles, la distinction entre un élément primitif et un développement postérieur est légitimeen soi, possible en quelque cas ; l)ien que son application reste périlleuse à cause du tact et de la prudence qu’il convient d’y apporter. Le