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INERRANCR BIBLIQUE

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et la critique, dans les Etudes, iSy^, l. LXXII, j). 664 ; K- Mangknot, Les Evangiles synoptiques, icjii.i). 65-88. Nous leur devons beaucoup dans ce par ; igrai)lie.

oc) Description des principaux procédés de rédaction. — i" Si un certain ordre clironol(>j ; iquc est nécessaire à toul récit, il s’en faut qu il doive être rigoureux et exclusif. L’iiistorien ne s’interdit pas les l>role[)ses et les inversions. Cependant, pour se permettre des anaclironismes proprement dits sans faire erreur, il faut qu’à l’ordre des temps il entende join<lre ou substituer l’ordre logiipie, ou encore l’ordre I)sycliolo], ’ique, qui ne sera parfois que celui de ses souvenirs. S. Augustin, De cons. Evang., II, xxi ; P. I,., XXXIV, 1102, cf. 11^5. Ces procédés, dont les historiens profanes usent couramment, sans traliir pour autant la vérité, ne sont pas interdits aux écrivains inspirés ; et nous savons que de fait ils y ont eu recours. Il y a longtemps que le preslijtre de Papias en a fait l’observation au sujet de S. Marc (Kuskbiî, //. / ;., III, XXXIX, i ; /’. G., XX, ayS) ; et S. Augustin l’a étendu aux autres évangélistes. Son exégèse, faite de bon sens et de Unesse, se meut à l’aise au milieu des particules de temps : in Hlo lempore, in diebus illis, ecce, deinceps, postea, slalini, et fartum est, etc. ; il n’y voit souvent que de pures transitions sans portée I)rccise. marquant plutôt la succession des souvenirs de celui qui écrit que l’ordre réel des événements. Cf. De cons. Evang., II, xxii ; /’. /.., XXXIV, 1 102. Cette absence d’ordre chronologique donne facilement aux faits une perspective tout autre ; sur le lecteur distrait, ils produisent l’elTet d’un monument qu’on aborde par des voies dilférentes.

2" A rinq)récision résultant de l’absence d’onlre chronologique, vient se joindre parfois l’obscurité, on ])ourrait dire la confusion que le récit syntliétiipie eli^écit collectif ne manquent pas de jeter (ians nrdiscours. Le récit synthétique combine deux actions qui en réalité ont été distinctes ; le plus souvent il attribue immédiatement l’effet à sa cause morale. D’après.S. Matlli., viii, 5, le centenier en personne vient trouver le Sauveur ; mais ^’. f.uc, vii, 3, nous apprend que l’entrevue eut lieu par intermédiaire. Cf..S. Auc, Cent. Faust ^ XXXIII, vii-viii ; /’. /.., XLII, 515. Le récit collectif mei sur le compte d’une collectivité un discours ou une action, qui, en réalité, n’ont été le fait que de quelques-uns, peut-être niênie d’un seul. Cf. De cons. Evangel., III, xvi ; P. /.., XXXIV, 1190. Telle est la portée de la formule qui revient si souvent dans l’Evangile, surtout dans S. Jean : Besponderunt Pharisæi. Dans l’A. T., le discours collectif par excellence est le colloque qui s’engage entre Josué et tout le peuple d’Israël, .tas., XXIV, i^-ag A l’opposé du récit synthétique, se trouvent les doublets. Voir GniTii^uE dibliijue, col. 802, c. S’il s’en rencontre dans la Bible, c’est qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’inerrance biblique, à la condition pourtant i|u’on n’introduise pas la notion d’erreur dans la délinition même du doublet. La question gagnerait en précision si on distinguait : a) Le doublet proprement dit, comme la double dénomination de Hersabée, Gen., xxi, 31 et xxvi, 33 ; <lans lequel l’auteur n’a pas eu peut-être conscience de se répéter. L’inspiration préserve de l’erreur, mais sans donner toute science, b) Les doubles récits, voulus comme tels par l’auteur, par exemple la mort d’Antiochus, II.Maccli., I, 11-17 ; "^’'"29- <) Le récit dans leqiud l’auteur a consciemment fondu deux documents ou deux traditions en dépit de la divergence de certaines circonstances secondaires. Beaucoup estiment que la narration du déluge, Gen., vi-viii, a été composée de la sorte. C’est par la nature et les licences

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du genre de composition employé par l’hagiographe que s’expliquerait, sans qu’il ait fait erreur, la présence de doublets ou de doubles récils dans son texte.

3° Il va de soi que l’activité rédactionnelle est encore plus sensible dans les discours que dans les récits. De leur nature, les paroles ont quehpie chose de fluide ; il est dillicile d’en lixer le mol à mot, à moins qu’elles n’aient été notées sur-le-champ. Aussi bien, l’iiistorien, surtout dans rantiquité, ne répond d’ordinaire que du sens..Si l’historien inspiré semble promettre davantage par rtiuploi constant du style direct, il ne faut pas perdre de vue que ce tour lui est imposé par la langue hébraïque. Cf. F. Phat, La Bible et l’Iiistoire, iyo4, p. l. A. n’en pas douter, les évangélistes nous ont gardé souvent les paroles mêmes du Sauveur ; on les reconnaît sans peine à une frappe inimitable ; mais cette littéralité ne résulte pas des exigences de l’inspiration. D’autres fois, ils ne nous ont gardé cpic le sens, ou même une simple identité d’intention. Le mot est de S. Augustin, et il a son importance. Voir ci-dessus (col. 760).

Les discours peuvent être résumés, développés ou combinés. Le plus souvent on les résume. C’est le cas de la plupart de ceux qui sont rapportés dans la Bible, même dans les Evangiles, où les conversations du Christ avec ses Apolres, avec les foules et avec ses adversaires, se trouvent d’ordinaire ramenées à un petit nombre de propositions. Tels qu’ils nous sont parvenus, ces discours auraient pris quelques minutes à peine. Par contre, telle parole a pu recevoir le court commentaire dont elle avait besoin pour être comprise avec toute son ampleur. S. Augustin a expressément formulé le principe dont s’autorise cette façon de rapporter les paroles d’auli’ul :

« Sive ad illuminandam declarandamque sentenliam, 

nihil quidem rerum, verborum tamen aliquid addat, ille cui auctoritas narrandi concessa est. » De cons. Evang., II, XII, 28, P. ].., XXXIV, 1091. Avons-nous dans les évangiles synoptiques des exemples de ce procédé rédactionnel ? On en a fait la conjecture pour Marc, X, 12. Cf. Schanz, in li. l., - F. Pkat, U Evang. et la crili<jue, loc. cit., p. 677 ; mais la chose est contestable. Les discours combinés sont ceux qui réunissent des paroles prononcées en des circonstances différentes, l’hagiographe les a rap[irochées à cause de l’identité du sujet, et aussi parce que cette synthèse sert mieux le but qu’il se propose. Il semble bien que S. Matthieu affecte ces groupements homogènes par ex. chap. v-vii ; x, xiii, xxiii, xiv-xv. Déjà, dans la plus haute antiquité, il passait pour s’être attaché plus que les autres aux discours du Seigneur ; et les modernes tiennent grand compte de sa méthode synthétique, quand ils analysent le contenu de son Evangile.

4° De ce qui précède, il suit que des paroles se trouvent situées autrement qu’elles ne l’avaient été dans le cadre même des événements. Ce faisant, les évangélistes n’en ont faussé ni le sens ni la valeur ; mais ils en ont rendu l’exégèse plus difficile. Le danger,

— et on ne l’a pas toujours évité, — est précisément de se méprendre sur la réalité de leur situation, de les interpréter comme si ces logia étaient à leur place chronologique ; alors qu’ils ne relèvent que d’un contexte logique, et peut-être même de ce contexte psychologique, qui, d’après S. Augustin, n’est rien autre chose que la succession des souvenirs de l’écrivain. Dans ce dernier cas, ils n’ont, en réalité, aucun contexte. Ces c( sentences » disparates ont été la pierre d’achoppement des commentateurs, qui, per fas et nefas, ont tenté de les lier à ce qui précède et à ce qui suit. Ils n’y ont réussi qu’au détriment du sens. Mai.don.vt s’est montré plus judicieux. Maintes fois, il se plaint du manque de cohérence ; et il finit par

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