Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

t15

FOI, FIDEISME

68

nnaire des sciences philosophiques (2" édition,

p. 5^8). - -~ —^-^ — des présomptions contrùlées par une critique raisonnée » ; mais telle n’est pas, selon lui, la foi chrétienne ; elle « ne s’ap[)uie que sur un senlimenl inliuie ». Tous CCS textes ne sont pas très cohérents entre eux ; ils le sont moins encore avec ce que dit Mérimée dans une autre occasion : « Comuient faire, jiour croire à quelque chose, si ce n’est par la Critique ? … Dans le catholicisme même, il faut bien s’en servir. « Ainsi l’on admet une croyance raisonnable, acte normal de la nature huaiaine ; mais la croyance chrétienne est d’ordre mystique, et jjar là même

« hors de la raison », comme dit, avec toute l’école

de Victor Cousin, Ad. Franck, dans l’article Foi du Dictioni

875, p.

Toutes les objections qui viennent de ce côté reposent sur une idée inexacte de la foi, telle que l’entend l’Eglise catholique. Nous admettons une connaissance de foi, distincte de la connaissance purement rationnelle, c’est vrai ; mais tout le monde doit le faire, tout le monde le fait : savoir s’en rapporter aux dires d’un témoin autorisé, c’est la condition même de toute vie et de toute science. Il est rai que la foi humaine peut se résoudre en raison : on peut souvent vérilier les dires, on peut toujours critiquer le témoignage. Mais nous avons l’équivalent dans la foi divine. Nous ne prétendons pas a vérilier les dires », en ce sens que la vérité révélée puisse devenir ici-bas objet de vision ni se prouver par raisonnement ; mais c’est souvent le cas de la foi humaine : pour un fait historique, pour un manuscrit brûlé dans un incendie. La vcrilication du témoignage peut garantir la certitude du dire. Je sais que Dieu dit vrai, et je puis savoir que Dieu a dit telle chose. Nous ne croyons donc pas sans raison. Et parmi nos raisons de croire, il en est qu’on ne peut récuser sans manquer aux lois ordinaires de la critique et de la recherche humaine. La foi est partout un mode de connaissance, légitime et nécessaire. Qui ne veut croire à rien, n’arrivera jamais à rien savoir qui vaille : pas de science qui ne suppose une certaine foi. Pour a[>prendre, disait le vieil Aristotk, il faut commencer par croire. Les saints Pères allaient plus loin : ils montraient, appuyés sur l’expérience quotidienne, que la vie humaine est impossible sans la foi. Il est donc souverainement raisonnable de croire, quand celui que nous croyons est suffisamment autorisé.

Or c’est un point de doctrine catholique, qu’il faut des raisons pour croire, et des raisons capaljles de pioduire la certitude.

On pousse plus loin l’objection. « Croire est raisonnable, dit-on, tant qu’il s’agit d’opinion ou d’assentiment pratique, qui n’engage pas à fond l’intelligence humaine. Mais la foi chrétienne est une adhésion absolue, irrévocable, d’ordre spéculatif : elle prétend avoir toute la rigueur de la certitude scientilique la plus rigoureuse. Et pourtant ses motifs, du propre aveu des théologiens, ne donnent qu’une certitude morale ; plus d’un né revendique pour eux qu’une certitude pratique, intenable, avouent-ils, au regard d’une critique rigoureuse, comme c’est le cas au moins pour les ignorants et pour les enfants, qui croient ce que dit le curé ou le missionnaire, ce que disent les parents ; et qui ne sait que les arguments les plus soigneusement élaborés par les théologiens eux-mêmes et par les apologistes, n’ont souvent qu’une valeur relative’.' « Mais il y a plus encore. On prétend trouver une contradiction interne essentielle entre les propriétés diverses de la foi, telles que les exige la théorie. La foi est essentiellement libre, et la foi est une adhésion certaine de l’intelligence. Or certitude et liberté s’opposent : quand l’esprit a la certitude, il adhère nécessairement à son objet ; s’il est

Tome II.

libre d’adhérer ou de ne pas adhérer, il n’a pas une vraie certitude. La certitude, en effet, est fondée sur l’évidence ; quand il n’y a pas d’évidence, il n’y a pas vraie certitude ; quand il y a évidence, l’esprit ne saurait refuser son assentiment. « Ou nos raisons intellectuelles de croire nous semblent suffisantes, écrit M. Rabier, ou elles nous semblent insuffisantes. Si elles nous semblent suffisantes, il n’est que faire de la volonté pour produire la croyance. Si elles nous semblent insuffisantes, qu’on nous explique comment la volonté pourrait dissimuler ce manque de raison, ou se prendre elle-même pour une raison. » (t.eçons de philosophie, par Elle Rabier, Psychologie, b"" édition, p. 271.)

Le dilemme de M. Rabier (pour commencer par la lin) ne conclut pas. Il y a une hssure au raisonnement. Le logicien confond l’assentiment de science avec l’assentiment de foi. Nos raisons intellectuelles de croire sont suffisantes pour produire un assentiment de science, ou de foi scientilique, à la vérité révélée ; elles sont insuffisantes i)our produire l’assentiment de la l’oi. Nous pourrions dès lors accorder qu’c il n’est que faire de la volonté » pour produire l’assentiment de science, qui donne à notre foi des bases inébranlables ; quelques théologiens l’accordent, et si la plupart le nient, ce n’est pas au nom de la théologie, mais au nom d’une psychologie moins intellectualiste et plus avertie que celle de M. Rabier. Après la belle élude de M. Ollé-Laprunk sur la Certilude morale, il n’est plus permis de nier (à supposer qu’il l’ait jamais été) que la volonté doive souvent avoir sa part ilans des assentiments certains, parce que bien des vérités ne sont visibles à l’esprit que si, pour les voir, on s’y met de toute son âme.

Sans parler de la foi humaine, que nous n’avons pas à étudier ici, la foi divine, /io(re foi, est essentiellement, suivant la formule de saint Tuo.mas, un acte de l’intelligence sous l’empire de la volonté ; l’intervention de la volonté est donc essentielle à l’acte de foi. Dire qu’ « il n’est que faire de la volonté pour produire la croyance », quand

« nos raisons intellectuelles de croire nous semblent

suffisantes », c’est oublier la nature propre de la foi. Pas n’est besoin que « la volonté dissimule ce manque de raison ou se prenne elle-même pour une raison ». Il suffit que l’assentiment de foi, tout en ayant à sa base les meilleures raisons scientifiques, ne soit pas donné en vertu de ces seules raisons, ni à la mesure de ces raisons ; il suffit que ces raisons restent insufiisantes à faire l’Oir l’objet. Et c’est ce qui a lieu.

Toute la question, du point de vue rationnel, se ramène donc à celle des motifs de crédibilité. Ces motifs sont-ils suffisants pour que l’assentiment soit prudent ?L’Egliseprétend qu’ils le sont, et elle maintient que notre acte de foi n’a lieu qu’à cette condition.

« L’homme ne croirait pas aux mystères, dit

saint Tho-mas, s’il ne voyait pas qu’il y faut croire. » Nous avons vu, d’autre part, le Concile du Vatican revendiquer « l’évidente crédibilité de nos mystères ». Innocent XI avait condamné, en lO^g, la proposition suivante : « L’assentiment de foi surnaturelle et utile au salut est possible avec une connaissance simplement probable de larévélalion, possible même avec la crainte que Dieu n’ait pas parlé. » Denzinger-Lîannwart, 1171 (io38).

Comment un enfant, qui croit, sur la parole de sa mère, en Dieu et en Jésus-Christ son Fils unique ; comment un ignorant, qui s’en rapporte à son curé, ou un païen, qui écoule le missionnaire catholique, peut avoir cette certilude préalable, c’est une intéressante question de psychologie, à la fois naturelle et surnaturelle, qui a depuis longtemps attiré l’at-