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IN ERRANCE BIBLIQUE

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n’entend se porter responsable d’une assertion que sous le bénéQce de toutes les pn’cisions qu’il lui donne dans l’ensemble de son texte. C’est ce dont il faut tout particulièrement tenir compte dans une lettre écrite currenle calamn, au courant des souvenirs. C’a clé une singulière idée (pour ne rien dire de plus), de la part du D^ A. Sciulz, Bihlische /.eitschril’t, 1909, VII, p. 151, de prétendre que S. Paul, dans la première aux Corinthiens, ch. T, a formulé, au V. i/(, une erreur objective, en écrivant : « Cratias ago Deo quud neminem testriini haplizati, nisi Crispuin et Caiiim », étant donné qu’il ajoute immédiatement après, V. 16 : a Baptizavi auiem et Stephanæ domain : cæterum iiescio si queni aliiim haptizaverim. « 

h) Quand il s’agit d’un écrit profane, on doit distinguer parfois entre le sens que l’auteur avait l’intention d’exprimer et celui qu’il a exprimé en elTot. Cet écart entre son intention et son texte vient de ce que l’attention ou l’expression l’ont mal servi. Mais avec un écrivain inspiré, pareil accident n’est pas possible, a Nam (Spiritus Sanctus)… ita scribenlibus adstitit, ut ea omnia eaque sola quæ ipse juberet, et recte mente conciperent, et fldeliter conscribere vellent, et apte infallibili eritate exprimèrent, j Dbnz.’", 1962. Cependant, même dans l’Ecriture, il y a encore place pour la distinction entre le sens objectif, celui du texte, et le sens qui est resté dans l’esprit de l’auteur à l’état purement subjectif. C’est seulement pour le sens objectif que nous revendiquons l’inerrance. Un écrit, qu’il soit inspiré ou non, ne révèle pas uniquement les assertions de son auteur, il donne encore à connaître une foule de persuasions ou d’opinions qu’il a dans l’esprit. Cet ensemble d’idées et de sentiments a conditionné la rédaction de son texte, il s’y réllcchit, il s’y exprime même plus ou moins, sans qu’on puisse direqu’ils’y trouve garanti par l’autorité de son témoignage, surtout de son témoignage certain. L’auteur croit et parle làdessus comme tout le monde ; seulement, il n’a pas pris la plume pour enseigner quoi que ce soit à ce sujet. Une même phrase change de portée selon qu’elle se lit dans un traité d’histoire naturelle ou dans un livre de littérature ou de piété. De ce point de vue, quelle différence entre Pline le naturaliste et S. François de Sales ! Personne n’a jamais songé à taxer d’erreur le texte d’une loi sur la pèche ou la chasse parce qu’on y part d’une classilicalion erronée des poissons et des oiseaux, mais qui était couramment admi « ; e, quand le législateur rédigeait son texte. Pareillement, l’auteur du Lévilique, x, 6, uniquement préoccupé de porter une loi religieuse, a rangé le lièvre parmi les animaux impurs en sa qualité de ruminant, parce qu’on croyait alors que le lièvre ruminait. Il est vraisemblable que l’hagiographe partage l’opinion commune ; mais, dans son texte, il n’a pas l’intention de se prononcer à ce sujet. De la même façon, l’auteur de Josué, x, 13, a pu écrire, sans faire erreur, que le soleil s’était arrêté au milieu du ciel » pour exprimer la prolongation miraculeuse du jour. Ceux d’entre les catholiques qui admettent que S. Paul a nourri l’espérance humaine de voir, avant sa mort, le suprême avènement du Christ, disent que ce sentiment s’est réiléchi en plus d’un endroit de ses Epitres. mais que nulle part r.pôtre ne le donne comme certain, sur la parole de Dieu et au nom de son autorité apostoliiiue.

c) La vérité et l’erreur sont des propriétés du jugement, ou encore de l’assertion qui l’exprime. Quant à Vexpression elle-même, elle n’est ni vraie, ni fausse ; on dit seulement qu’elle est exacte ou inexacte, selon qu’elle est apte ou non à rendre la pensée de celui qui l’emploie. Or, la justesse d’une expression ne dépend ni de son étymologie ni de son histoire, mais

uniquement de l’usage. Il est inutile de se demander si l’évangéliste croyait à l’influence de la lune sur les maniaques, parce qu’il les appelle « lunatiques ». Mutth., IV, 24. C’était le terme reçu pour désigner cette catégorie de malades. L’Ecriture parle de la

« terre entière », au sens courant de la locution, pour

dire u tout le pays », ou encore le monde connu, et spécialement l’empire gréco-romain. Les écrivains sacrés n’avaient pas à créer leur langue, ils ont employé l’hébreu ou le grec usité de leur temps, sans égard pour les souvenirs mythologiques ou légendaires dont nombre de mots et d’expressions restaient chargés. C’est ce que S. Thomas a fait observer dans son commentaire de Job, xxi, 33. « L’auteur, ccril-il, propose la vérité des châtiments qui attendent les méchants après la mort, dans les termes de la légende populaire, n A leur tour, les évangélistes n’ont pas craint de parler de l’Adès. Matth., xi, 23 ; xvi, 18. La Jl" Pétri, II, 4, fait une allusion au ïartare. Le trait légendaire ne figure pas dans la Bible à l’état de chose enseignée, mais seulement d’expression. Pour maudire la nuit qui l’a vu naître, Job souhaite qu’elle eût été sans lumière aucune ; il invoque les a enchanteurs qui savent déchaîner contre la lune et les étoiles, le dragon Léviatlian pour les dévorer ». Joli, III, 8. Voulant dépeindre la désolation qui doit peser un jour sur l’Idumée, Isaïe, xxxiv, i/j, la représente comme le rendez-vous des monstres qui, d’après la légende populaire, recherchent la solitude ; il nomme les onoccntaures, les satyres et lilith, celle qui ne sort que la nuit, sorte de dame blanche. On s’est donné beaucoup de mal pour justifier le nom de la cigogne, que l’Ecriture appelle, comme tout le monde faisait, hasidah (la tendre), sans s’inquiéter de savoir si cet animal est un modèle de tendresse pour ses petits. Mal avisé serait le théologien, qui tenterait d’établir par l’autorité de S. Paul la trichotomie des anciens, parce que l’Apôtre, employant la terminologie reçue, divise assez souvent le composé humain en corps, âme et esprit.

L’expression d’un auteur inspiré doit être exacte, mais sa justesse peut avoir beaucoup de degrés. A la rigueur, il suffît qu’elle ne trahisse pas substantiellement sa pensée. D’après le D’^ Schmid, De inspirât. Uihliorum vi et ratione, p. 3 18, « l’inspiration ne s’oppose pas à ce que les termes de l’Ecriture soient obscurs, ambigus, vagues, plus ou moins impropres, et à cause de cela prêtant à une fausse interprétation », mais que l’on réussit à écarter, grâce au contexte ou au sentiment traditionnel, rjui a, de tout temps, accompagné le texte. Les exégètes seront facilement de son avis.

(7) Les écrivains sacrés ne sont responsables que de leurs assertions personnelles. Quant aux paroles et aux sentiments d’autrui qu’ils rapportent, ils ne sont censés en garantir la vérité qu’autant qu’ils les approuvent expressément ou équivalemment. Sans cela, une seule chose reste certaine, au nom de l’inspiration ; c’est que ces paroles ont été dites et que ces sentiments se sont manifestés. C’est la règle élégamment formulée par S. Augustin. « Quamvis veruin sit quod dicta sint, non tamen omnia quæ dicta sunt, vera esse credunlur ». Ad Oros. contra Priscil. et Orig.. IX, 12 ; P. L., XLII, col. 676. Le cas d’approbation expresse ne soulTre aucune difficulté. Il est clair que l’auteur du second livre des Macchabées, XII, 46, approuve comme « sainte et salutaire » la pensée qu’a eue Judas Macchabée de faire prier pour les morts. Encore convient-il d’examiner sur quoi porte précisément cette approbation. Apres avoir cité le vers d’Epiménide, si peu flatteur pour les Cretois, S. Paul, Vit., i. 13, ajoute : Testimoninm hoc verum est ! Evidemment, ceci doit s’entendre