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INERRANCE BIBLIQUE

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de la nature, on le distrait de la « parole de Dieu ». N’est-il pas regrettable que depuis le xviii’siècle tout l’eirort, ou peu s’en faut, des catholiques, qui ont fait de la Bible une étude spéciale, se soit produit

« autour du texte « ? Le Livre n’a pas été donné de

Dieu comme un signe de ralliement, autour duquel il sullil de se presser ; dans le plan divin, il est, avant tout, destinée éclairer et à récliauffer les ànies.

« Ce (]ui fait le danger de la critique riilionaliste, 

écrit Mgr d’Hulst, c’est moins la valeur des objections que la faiblesse de la foi chez ccun qui en subissent l’influence. Ouest vite ébr ; inlé quanil on ne croit guère. » lu question hiblu/ue dans /.(" Corrrapondunt, 25 oct. 1892. En effet, le moyen de bien (h’fendre ce que l’on ignore ? Pour préparer des défenseurs à la Bible, il faut commencer par lui donner des lecteurs.

II. Principes et procédés généraux de solution.

— Le problème de rinerrance est des plus complexes. Se posant au sujet d’un texte qui est tout à la fois divin et humain, il relève de la théologie et de la critique ; on ne le résoudra correctement qu’en tenant compte de l’une et de l’autre. C’est tout d’abord au point dedépart qu’ilfaul vérilier, à la doublelumière du dogme et de la raison, certaines notions préliminaires qui, par manière de principes, dominent la solution de tous les cas particuliers. L’expérience journalière fait toucher au doigt que les controverses à ce sujet tiennent, en partie, à ce que l’on ne s’entend pas, même entre catholiques, sur la nature et la portée exacte de l’inerrance elle-même. Quand il s’agit de la Bible, les termes û’erreur et de vérité ne sont plus coni])ris tout à fait de la même manière par tout le monde. Il y a là des malentendus qu’il faut d’abord dissiper. Cf. Pbscu, Deinspir. S. Script., p. 490 ; Van Noort, De fontihus roveUil., p. 66 ; BainvEL, De Script, sacra, p. 1^5. L’auteur du présent article avoue s’être spécialement préoccupé de cet aspect de la question. A l’heure qu’il est, l’accord entre catholiques sur l’objet et la méthode de l’apologétique biblique est chose pour le moins aussi urgente que la réfutation des attaques contre la vérité delà Bible.

I. Données théologiques. — a) Le théologien se borne à établir le fait de l’inerrance, il laisse à l’exégèle et à l’apologiste de faire voir, au détail, comment il n’y a pas enefl’et d’erreur dans la Bible. Pour satisfaire aux exigences dogmatiques de l’inerrance, il suffit de ne pas la nier, et de ne rien avancer d’où suive logiquement sa négation. S. Augist., De Cuns. E’ang. 111, XIII, ^3 ; /-’./.., XXXV, 11 85. Mais, l’exégèteet l’apologiste ne sauraient se contenter de la formule purement négative « Scriptura non errât », il ont encore besoin de savoir comment ta Bible dit l’rai, en quoi consiste sa vérité. Or, lesauleurs ne s’accordent pas à analyser uniformément cette formule positive. Cependant, - et l’observation aune importance capitale, — leurs divergences laissent indemne le principe même de l’inerrance ; elles ne portent que sur ses applications. Cf. Chr. Pbsch, De inspir. S. Script., 1906, p. ^90 ; Stiinmen ans.Maria-f.aach, janv.-mars, 1906, p. 144-146. On prétend que l’écrivain inspiré s’est trompé. Ce n’est pas vrai, répond le croyant ; et le théologien précise en ajoutant : ce n’est pas possible. Maintenant, à l’apologiste de faire voir comment en elfet le texte sacré est conforme à la vérité. Pour cela, la première question à résoudre est celle-ci : Que dit le texte ? La réponse est affaire d’interprétation. On comprend sans peine que, sur le terrain de l’exégèse, on puissedifférer d’avis. La vérité del’Eerilure ne se confond pas avec la vérilcdesexplications

qu’on en donne. S. Augustin en a fait plus d’unefois l’observation, notamment dans De Cuns. Ji’ang., III, xiii, /|3 ; P. /.., XXXIV, 1185. Sur le mode et l’ordre delà création, il n’y a pas unanimité parmi les interprètes, même les meilleurs ; mais, dit S. Thomas, les saints Docteurs ont tous sauvegardé, dans leur commentaire du récit qu’en fait la Genèse, « la vérité de l’Ecriture » ; et c’est ce qui leur a permis de proposer des explications différentes, sans cesser d’être orthodoxes. In II Sent., dist. 12, q. i, a. 2, c. Il est clair que dans ce récit de la création, le mot yom ne peut pas signifier à la fois un jour de vingt-quatre heures et une époque géologique ; exégétiquement on doit choisir, mais dans l’incertitude où nous sommes encore sur le sens de cette page, l’une et l’autre explication est compatible avec l’inerrance. Voilà pourquoi l’Eglise les tolère toutes deux. Décret. Cornmiss, pro re hiblica, 30 juin, 190g, quæs. 8. Denz.", 2128.

/() On convient, du moins en théorie, que ce qui n’est pas erreur dans un te.rte profane ne l’est pas davantage quand il s’agit de la Dible, et doit être considéré comme compatible avec sa vérité. La raison en est évidente. C’est que dans les Ecritures Dieu parle à des hommes, pour des hommes, par des hommes, et en langage humain. S. Augustin se plaint que dans l’harmonisation des Evangiles on oublie trop facilement ce principe. « Cum legimus (Evangelium) obliviscimur quemadmodum loqui soleaiuus. An Scriptura Dei aliter vobiscum fuerat quam nostro modo locutura ?.. P. /., XLII, 516 ; cf. XXXllI, 1100. Voilà pourquoi, tous les genres littéraires sont compatibles avec l’inspiration. Voir Critioue biiilkjue, col. 595. Au reste, tout puissant qu’il est. Dieu aurait-il pu s’y prendre autrement ? Quant à suppléer par un miracle aux ignorances et aux autres imperfections dans l’art d’observer et d’écrire, il ne l’a pas voulu ; liabituellement du moins. C’est un fait dont la lecture des textes ne permet pas de douter. Nous n’avons pas plus le droit de nous scandaliser de cet état de choses que du mystère de l’Incarnation. Le Verbe de Dieu écrit s’est fait en tout parole humaine, hormis l’erreur ; tout comme le Verbe incarné a pris pour lui toutes nos inflrraités, à l’exception du péché.

c) Puisque Dieu nous parle dans les Livres saints par l’intermédiaire de l’auteur inspiré, il va de soi que sa parole n’est perceptible que dans le texte de l’hagiographe. Sûrement, l’Auteur principal de l’Ecriture se porte garant de toute proposition du texte représentant une assertion personnelle de l’hagiographe. Bien entendu, cette assertion, pour devenir divine, ne perd rien de ses modalités humaines : elle reste aflirmative ou négative, catégorique ou dubitative, etc. Une proposition ne change pas de portée parce qu’elle fig.re dans un texte inspiré. Ici, comme ailleurs, les nombres ronds ne nous renseignent que par à-peu-prcs. Cf. Matth., xiv, 21 ; xv, 38. Quand l’auteur du second livre des Macchabées avoue en finissant (xv, Sg, 40) qu’il ignore s’il a réussi à composer son ouvrage d’après les règles de l’art d’écrire, il faut l’en croire et laisser aux critiques le soin d’en décider. Il y a réellement équivalence entre assertion de l’hagiographe et « parole de Dieu ", ou encore

« enseignement divin ». Il est vrai que l’on a discuté

sur ce dernier point. Voir Inspiration biblique.

d) L’assertion divine couvre tout le champ de l’assertion humaine passée dans le texte. Doit-on la concevoir comme s’étendant plus loin ? Tout le monde convient que le sens spirituel, voulu de Dieu, a pu être ignoré de l’écrivain inspiré, parce qu’il n’est pas exprimé immédiatement par la lettre. La question ne se pose que pour le sens littéral, et encore la limilc-t-on volontiers aux textes prophétiques.