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INDULGENCES

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appartient J’y exercer, saint Cyprien rappelle, sans se lasser, ce principe qu’il déclare essentiel et traditionnel ; la valeur salisfactoire des soulHances endurées pour le Glirist peut être inépuisable cl le nombre de ceux à i|ui l’on en veut assurer le l>énélice peut être indéfini ; — bien qu’il trouve exorbilante la prétention de certains martyrs de réconcilier en masse les lapsl, saint Cyprien ne conteste que le procédé (Epist., xxvii) — néanmoins, pour être ellicace, ratlril>uti()n en doit être garantie et autlienliquée par l’Eglise (Epist., xv, xxvi, xxvii ; De lapsis, 18, 20, etc.). En sorte que saint Cyprien revendique, tout aussi nettement que LiioN X, pour l’Eglise, la haute administration de ce trésor social alors en formation qui permet d’accorder les rémissions de peines les plus larges.

4* L’aboutissemknt aux indulgences.

a) Comment s’est faite la transition. — Mais cette constatation une fois faite, il ne nous paraît pas possible d’allirmer l’existence, au cours des siècles qui ont suivi, d’une pratique ou d’un usage quelconque pareillement analogue à celui de nos indulgences. Des préparations, des aclieminemenls, voilà, sans en excepter les « rédemptions » du moj’en âge, tout ce que l’on trouve. Ces dernières toutefois, si elles ne sont pas encore les indulgences — nous avons dit pounjuoi — y aboutissent. Le passage est même si naturel de la commutation gracieuse à la rémission gratuite ; il se fait si spontanément et si insensiblement que, pendant longtenqis, les deux systèmes coexistent et se eompénètrent. L’indulgence accordée aux croisés, nous l’avons déjà vii, se présente d’abord sous la forme d’une « rédenqition » et la même conception se retrouve, un siècle après Urbain II, dans les bulles pour la croisade J’Alexandre III et d’iNNo-CKNT III : le voyage, disent-ils, leur tiendra lieu de satisfaction (Jafi-k, 1 1687, P. /-., CC, tjoi ; et Pottuast, 33-2^, , P. /.., CCXV, 13 : 16). Le pape Innocent IV, il est vrai, dans son Apparatus super decretalium liliris (cité par N. Paulus ilans Zeitsclir. j. katb. Tlieol., XXXII (lyoy), p. 296, note 1) distingue, au milieu du XIII* siècle, la « rédemption » et l’a indulgence » : ce sont deux moyens différents de suppléer à l’accomplissement de la satisfaction due au péché ; mais Aldert le Grand (/ » IV Sent., dist. 20, a. 16) nous apprend que les maîtres » de l’époque définissent encore l’indulgence une commutation de peine (Itelaxalio est satis/oclionis miijoris in iiiinorem competens et discreta cummiitatio) : Guillaume de Paris par exemple lui reconnaît très nettement ce caractère (De sacrum. ordinis, cp. xii ; Paris, 1674, t. I, p. 5506 F).

D’autre part, il est bien évident que, à la commutation de peine, en quoi consiste la « rédemption », correspond un adoucissement et donc une rémission au moins partielle. Les contemporains ont bien raison (le parlera ee projios de « altevialio », a lewi-falin »,

« rela.ralio pænitentiæ ». Saint Pierre Damibn, l’un

des promoteurs du système, voit dans les aumônes le moyen pour les laïques d’éteindre leurs dettes pour le péché (Epist., t. viii, 8, P. /.., CXLIV, 351-352) et Alexandre de IIalés plus tard n’hésitera pas à reconnaître une véritable indulgence dans les repas aux pauvres par lesquels on supplée aux jeûnes prescrits : « Qtiando conceditur alicui ah eo qui potest rjuod aliquis prn jejunio sibi injnncto pascat pauperem, dicitur fieri relaxatio » (.’iumma tlieol., |>. IV, q. 23, m. 2). A ce point de vue, « rédemption » et

« indulgence > sont donc bien identiques. Mais elles

ne le S(mt aussi qu’à ce point de vue, et l’identité entre elles n’est donc pas complète. C’est seulement à mesure que la disproportion s’accrut entre la peine due et l’œuvre substituée, que l’indulgence se déga gea et apparut dans sa forme propre. Moins il fut demandé au iidèle, et plus, dans l’aequittement de la dette, l’apport de l’Eglise fut considérable Le jour vint enfin où de ces deux facteurs le premier ne fut [iliis considéré comme directement opérant et l’indulgence dès lors exista sans mélange aucun de <i rédemption » ou de commutation.

Ij) les indulgences des xi* et-an’siècles. Les indulgences-aumônes. — C’est pendant le xi’et le xii’siècles que s’acconqjlit ce travail de dégagement et de siniplilication. Alors se répandit l’usage de ce qu’on a appelé les indulgences-aumdnes. Les documents nous restent, relativement nombreux, des concessions qu’en ont faites les évêques et les papes : le D’N. Pailus les a relevés dans un article spécial de la Zeitsclirift f. kath. Tlieol. (Die iiltesten Ahltisse filr Almosen und Kirchenbesuch, t. XXXIll(ir)Oy), p l-iio). Les occasions en sont presque toujours les mêmes : translations de reliques, consécrations d’églises, érections d’abbayes, anniversaires religieux, constructions de monuments d’utilité publique, tels que pouls et hôpitaux, etc. Mais la pensée supérieure qui y préside est l’intention de faciliter aux lidèles l’acquittement de leurs dettes péniteiitielles. La mcnie sollicitude, qui avait fait accepter la pratique des

« rédemptions », engage les pasteurs dans cette voie

nouvelle. Décidément la vie sociale ne comporle plus l’accomplissement des peines traditionnelles. Plutôt que de s’y soumettre, les intéressés préfèrent ne plus vivre de la vie de l’Eglise Sous peine donc de faire œuvre de mort, l’Eglise se doit à elle-même et à ses enfants de luodilier ses usages. Déjà les « rédemptions » ont habitué à une grande condescendance. Peu à peu la préoccupation disparaît de maintenir une proportion entre la dette à éteindre et la contribution à exiger du débiteur. Le grand souci est d’entretenir en lui la vie religieuse en l’associant à la vie et aux œuvres de l’Eglise. Et de là viennent les invitations aux pèlerinages, à la visite des lieux de sainteté, à la générosité envers « la maison du bon Dieu ou des hommes — pauvres ou religieux — du bon Dieu ».

Car, il n’y a pas à en défendre les auteurs des indulgences : la considération des prolits pécuniaires à en résulter ne leur a pas été étrangère. Encore que les offrandes ne soient pas toujours exigées et que la visite des sanctuaires ou l’assistance aux offices en bien des cas soit seule prescrite, personne ne doute que le concours des peuples ne doive procurer aux églises ou aux abbayes un surcroît de ressources ; et c’est bien en vue de provoquer ces contributions à l’achèvement des édifices ou à la splendeur du culte divin, que les intéressés sollicitent et font publier les rémissions de peines obtenues des évêques ou du pape. L’escompte, en un mot, des avantages à résulter des indulgences est réel. Mais, en vouloir faire la raison déterminante et exclusive de leur concession, c’est dénier aux plus éminents et aux plus saints personnages d’alors la moindre élévation de pensée ; c’est céder au préjugé d’une Eglise systématiquement simouiaque, qui exploite à froid la crédulité des fidèles. Que l’usage des indulgences-aumônes prête à des abus et à des excès, rien n’est plus vrai : AiiÉ-LARD les dénonce déjà, non sans les exagérer sans doute (Ethica, xxv, P. /.., CLXXVIII, 672-673), et le concile de Latran en ia15 se préoccupe de les supprimer ou de les prévenir. II s’en prend, d’une part, aux recteurs d’églises et aux quêteurs d’aumônes qui abusent de la bonne foi des fidèles en exagérant, quaiid ils ne l’invenlent pas, l’importance des faveurs assurées à leurs bienfaiteurs : ils devront s’en tenir très exactement aux lettres qui les autorisent. De l’autre, il invite les évêques à se montrer plus réser-