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INDULGENCES

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prétation aiilhenlique de l’expression « per modiim stiffragii ». Il l’avait employée : « Volumus, disait sa liuile du 3 aoiit 1476 en faveur de réj, ’lise Saint-Pierre de Saintes, volumus ipsam plenariam remissionem jier moduiii sii//’riii ; ii ipsis unîmabus purgaturii pro quibus dictani quoium pecuiiiarum aut iolorein per-Siilyerint, pro relaxatiane poenarum valere ac suff’rafi /iri ij (cité par N. Paulus dans la Zeitschr. f. kath. Tlieol. de l’joo.p. a50, note 3, d’après les Àrchii-es liis-Itiriques de la Sainlonge et de l’Aunis, t. X, p. 36 sqq.). Mais force lui fut de l’expliquer. Au premier al>ord, on s’était exagéré rellicacitc de l’indulgence plénière appliquée aux défunts : on en concluait à l’inutilité désormais des sulfrages offerts directement pour eux par les lidèles : l’indulgence ne les avait-elle pas complètement délivrés ? « Non, dut expliquer le pape ; notre concession de l’indulgence « per modum ^iulfragii X n’entraîne pas cette conséquence. Ce que nous avons voulu, c’est que l’indulgence prolitc aux défunts à la manière d’un suffrage (in modum sujfragii ) comme leur profilent les prières et les aumônes offertes à leur intention ( « ut illii [indulgenlia] in modum suffrugii animarum saluli prudessel, perindeque ea indulgentia proficerel uc si devotæ orationes piæque eleeinosynæ pro earumdem animarum satute dicerentur et offerrcntur »). (Lettre à quelques évêques de France, citée par lui dans la bulle suivante.)

Ce langage paraît clair. Une exagération au sens opposé de la première le fit préciser encore. De l’explication donnée on crut devoir conclure à une atténuation de la valeur des indulgences pour les morts ; elles étaient mises au même niveau que les sulTrages, prières ou bonnes œuvres, des simples lidèles : " Non, reiirit le pape dans une troisième bulle (27 novembre i’177) ; il n’est pas question d’égalité de valeur ou d’elficacité ; des bonnes œuvres des fidèles offertes p.)ur lesmorlsjà l’indulgence « /(ermorfi/m su/fragii « , il y a une grande différence. Ce que nous avons dit, c’est que l’indulgence agit, a vaut », à la manière dont agissent, « valent o, les prières et lesaumôncs. » u Aon quod intenderemuSj prout nec intendimus neque etiam inferre vellemus, indulgentiam non vi, v^ proficere aut valere quant eteemosynæ et orationes, aut | eleemosynas et orationis tantum pro/icvre tantimqlh valere quantum indulgentiam per modum su/Jragii, curn sciamus orationes et eleemosynas et indulgentiam per modum snffragii longe dislare : sed eani PKRiNnK valere di.rimus, id est, VER f.vm MonrM ac 9, 1, id est, rt : H QUEM orationes et eleemosrnæ talent » (citée par N. Paulus, loc. cit., p. 252-253, d’après Amout, De (irigine, progressu, valore ac fructu indulgentiarum, t. II, p. 292 et 293).

Grande inégalité de valeur, en un mot, car la caution du chef de l’Eglise l’emporte, auprès de Dieu, (le tout le poids de son autorité suprême et de toute la surabondance du trésor social, sur celle du simple fidèle, rpii présente ses seuls mérites personnels ; mais même mode d’action : voilà ce que le pape a tenu, i aflirmer des indulgences et des suffrages ordinaires pour les morts. Quant à la mesure dans laquelle Dieu accepte au compte des âmes souffrantes le » satisfactions, soit individuelles, soit sociales, offertes en leur faveur, il n’en dit rien, et les auteurs catholiques diffèrent d’avis à ce sujet, comme aussi sur la nécessité d’être en état de grâce pour gagner et appliquer aux morts les indulgences (cf. Clir. Phscu, De indulg., n" ^78-^79 et 607). Inutile [)ar conséciuent de nous engager dans le détail de ces discussions : remarquons seulement que, s’il y aurait irrévérence et manque de sens catholique à prendre prétexte de ces divergences d’opinion sur le mode il’action pour mettre en doute l’efllcacité réelle des indulgences, ce serait, par contre, abuser les lidèles

que de leur présenter l’une quelconque des solutions proposées comme doctrine catholique ou même comme certitude avérée. Bien des résistances et des révoltes sans doute, au xvi et au xvi* siècle, auraient été évitées, si certains commissaires et prédicateurs d’indulgences ne s’étaient pas scandaleusement départis de cette réserve. (Voir ci-dessous, III)

L’attitude à observer ressort très nette de la réponse faite par l’autorité compétente à une question qui lui avait été posée sur l’eflicacité d’une des indulgences les plus appréciées, celle dite de « l’autel privilégié i> : « A ne considérer, répond la S. Congrégation des Indulgences, que l’intention de celui qui l’accorde et l’usage qu’il y fait du pouvoir des clefs, l’indulgence est plénière et dénature à délivrer l’àrae sur-le-champ de toutes les peines du purgatoire ; mais, pour ce qui regarde l’effet de son application, il faut comi)rcndre que sa mesure correspond au bon plaisir de la divine miséricorde qui l’accepte. 51 spcctetur mens concedentis et ùsus clavium potestatis, intelligendum esse indulgentiam plenariam, quae animant statim lilieret ah omnibus purgatorii poeriis, sivero specletur applicationis efjectus, intelligendam esse indulgentiam cujus mensura divinæ misericordiae beneplacito et acceptioni respondet » (Décréta authentica, n" 283. Cf. Lehmkihl, Tlieol. mor., t. II, n° 181). En d’autres termes : l’intention du pape, en accordant l’indulgence plénière applicable à un défunt, est bien de prendre au trésor de l’Eglise de quoi amortir toutes ses dettes ; mais le degré d’application ()ui lui en est fait reste le secret de Dieu.

Et voilà où s’arrête la doctrine catholii]ue sur les indulgences. Très ferme et très sûre d’elle-même au sujet de l’action de l’Eglise sur ceux de ses membres qui restent encore soumis à sa juridiction, pour ceux que Dieu a déjà retirés de son autorité, elle se borne à atrirmer, d’une part, son pouvoir indéfini et sa volonté toujours réelle de leur venir en aide, et, de l’autre, sa confiance en l’eflicacité des secours qu’elle leur prodigue.

IL Justification de la doctrine catholique

A) Fondements dogmatiques. — La doctrine des indulgences, telle que l’Eglise l’avoue et telle que nous venons de l’exposer, résulte de quatre vérités fondamentales : i" Le péché pardonne peut laisser, laisse même normalement, à la charge de celui qui l’a commis, l’obligation d’en subir une peine temporelle déterminée par Dieu. — 2" Dans l’économie religieuse établie par le Christ, la solidarité des justes entre eux est telle qu’elle leur permet un échange et comme un commerce mutuel, sinon de leurs mérites proprement dits, du moins de leurs réparations et de leurs satisfactions pour le péché. — 3* De cette mise en coiuuiun de leurs soulfrances et de leurs expiations, et (le radjonition surtout des mérites de leur Chef, résulte, au profit de la société, un trésor spirituel auqiud tous ses membres peuventavoirpart.

— 4* Les chefs de cette société, administrateurs nés de son patrimoine, ont aussi pouvoir de Dieu sur les péchés de ses membres.

Or, de ces quatre vérités, il n’est aucune dont il ne soit aisé de prouver qu’elle était admise et professée dès les premiers siècles de l’Eglise. Ce n’est pas ici le lieu de fournir cette démonstration. La première fait partie de la doctrine générale de la rémission du péché, telle qu’elle se dégage de l’Ancien et du Nouveau Testament. La dernière, fondée sur la constitution organique de l’Eglise, rai)pclle l’un de ses pouvoirs les plus solennellement revendiqués et les plus jalousement exercés. La secomle et la troisième, qvii, par leur connexion, servent de pivot à tout le