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INDULGENCES

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son origine dans l’usage fait primitivement des indulgences ; c’est d’abord d’une pénitence réellement prescrite qu’on accordait la remise.

Mais autre chose est le langage et autre chose la réalité ou les réalités qui y corresponileiit, et l’Eglise n’a jamais admis que l’eiricacitc île son indulgence fût restreinte au for ecclésiastique. Etre délié par elle, c’est l’être aussi par Dieu, et sa pensée a toujours été qu’aux rémissions de peine accordées par elle correspondait, au tribunal de Dieu, une rémission égale ou proportionnelle. Où serait sans cela la faveur faite au pénitent ? et à quoi servirait de puiser pour lui au trésor social ? L’indulgence tournerait plutôt.^ son détriment : la dispense de la peine équivaudrait à un renvoi devant la justice divine et son auteur imiterait en somme le confesseur qui, pour un motif quelconque, impose au pénitent une pénitence plus légère : dans les deux cas, le feu du purgatoire aurait à suppléer.

Aussi les condamnations portées contre la doctrine de Luther sur les indulgences visent-elles surtout cette fausse conception : a C’est frauder les (idèles, disait le moine rebelle, que de leur accorder des indulgences ; c’est les dispenser des bonnes œu vres » que seraient les pénitences accomplies ; en sorte que « les indulgences sont à mettre au nombre des choses permises, mais non des choses utiles ». Car « même réellement obtenues, elles sont sans valeur au tribunal de la justice divine, et c’est une illusion de les croire salutaires et fécondes en fruits spirituels. Il n’y a que les criminels publics à qui les indulgences soient nécessaires, et elles ne s’accordent à proprement parler qu’aux esprits rebelles et impatients [de toute contrainte]. Il y a six classes d’hommes au contraire à qui elles ne sont ni nécessaires ni utiles : les morts ou les mf)urants, les infirmes, ceux qui sont légitimement empêchés [d’accomplir les pénitences prescrites], ceux qui n’ont pas commis de crimes, ceux qui ont commis des crimes mais pas publics, ceux qui travaillent à leur amendement », (tous ceux en un mot qui n’ont pas mérité ou sont hors d’état d’accomplir les ])énitences eanoniques](Denz.-Bannw., ’ ; 58-762 |G/i 2-6/161). Car, au point de départ de toutes ces assertions, se trouve cette notion fondamentale des indulgences : elles ne sont que la rémission de la peine canonique. Et c’est ce que i appelle la condamnation par Pie VI de la 40’proposition de Pistoie : « Dire que l’indulgence, au sens exact de ce mot, n’est que la rémission d’une partie de la pénitence canonique inlligée au pécheur, comme si, en plus, elle ne valait pas également, pour la rémissiim de la peine temporelle due aux péchés actuels a<i regard de la justice divine, c’est émettre une alfirmalion fausse, téméraire, injurieuse pour les mérites du Christ, depuis longtemps condamnée dans la itf proposition de Luther » (Denz.-B., 1540 [1403j).

6" Hdle du pouvoir des clefs. — De la notion catholique de 1 indulgence, il ne suit pas toutefois qu’elle soit à proprement parler une forme spéciale d’absolution et qu’intervienne ici encore, même quand il s’agit des vivants, une sentence judiciaire tombant directement sur la dette contractée envers Dieu.

La plupart des auteurs, il est vrai, croient devoir expliquer ainsi le mode d’action des indulgences. Le pouvoir des clefs s’y exercerait réellement sur le Ddéle et, tout en oITrant pour lui à Dieu le paiement de sa dette, on l’en délierait encore formellement. Mais peut-être cette conception est-elle l’effet d’une analyse trop exclusivement logique de la formule Tisuelle ti per modum ahsiitiitionis », et perd-elle trop de vue le sens primitif et immédiat que nous avons indiqué. Les anciens, en tout cas, et en parti culier saint Thomas (Siipplem., q. 26, a. i, c et ad 2m et’5"’ ; q. 26, a. i, r), sans méconnaître que la concession des indulgences dérive du pouvoir de juridiction et que l’effet, par rapi)ort aux peines canoniques du moins, est celui d’une réelle absolution, auraient plulùl conçu son mode d’action à l’égard de Dieu sous la forme d’un paiement effectué par l’Eglise en faveur de ses membres. Le pouvoir des clefs, à ce point de vue, ne s’y exerce proprement ([ue sur le trésor des satisfactions à utiliser, et l’cllicacité spéciale de l’application qui en est faite tient à ce qu’elle procède de l’autorité compétente, spécialement établie par Dieu à cet effet (cf. Billot, J)e indulgentiis, p. 221).

Mais, quoi qu’il en soit de cette diversité de conception, ou plutôt, semble-t-il, de langage, il reste que la doctrine catholique est très nette et très ferme sur l’elTet des indulgences : elles ont, au regard de Dieu, toute la valeur que leur attribue celui qui les concède (( taiitiim valent quantum prædicantur ». Supplcm., q. 25, a. 2, c) : partielles, elles procurent la rémission de peine qu’.iurait obtenue de Dieu la pénitence canonique spécifiée dans l’acte de concession ; plénières, elles assurent à celui qui les gagne la rémission totale de la peine due à ses péchés, quels qu’ils soient, déjà pardonnes. — Ainsi admet-on du moins qu’il en soit pour les vivants.

jo Indulgences pour les morts. — Pour les morts, auxquels il est permis souvent d’en faire l’application, la même certitude est loin d’exister. Deux choses seulement s’imposent à ce sujet à l’adhésion ferme de tous les catholiques. L’une, que l’Eglise ^ le pape — a le pouvoir de concéder des indulgences applicables aux défunts : les souverains pontifes, LiioN X en particulier dans la bulle déjà citée iiu cardinal Cajetan, l’ont allirmé très nettement, et, pour l’avoir qualifiée de « chimère déplorable », le synode de Pistoie a été lui-même noté par Pir’VI de fausseté, de témérité et de tendance à l’hérésie (Denz.-Bannw. , 15^2 [i^oôj). L’autre, que l’application faite ainsi aux défunts du trésor social de l’Eglise, l’est par forme de suffraf ;e et non par forme d’absolution : ce qui exclut tout au moins que le pouvoir des clefs intervienne ici pour permettre au pape de délier lui-même : les défunts, n’étant plus sous sa juridiction proprement dite, ne sauraient être l’objet d’une sentence de sa part et son rôle se réduit à présenter à Dieu les satisfactions destinées à solder leurs dettes. Car ici encore il y a « solution » ou paiement, et l’indulgence, même alors, est accordée aux vivants pour qu’eux-mêmes en accomplissent les actes, pour qu’ils « la gagnent » et en désignent les bénéficiaires. Cependant l’autorité sociale a seule qualité pour en transférer les effets à ces derniers : « transferre indul^entiam ii, dit Léon X dans la bulle à Cajetan ; ce qui pourrait se traduire : « inscrire à leur compte la part des satisfactions d’aulrui qui leur est affectée ». Et c’est cette affectation oflicielle par l’Eglise qui donne aux suffrages des indulgences leur supériorité par rapport aux suffrages offerts uniquement par les siuqiles fidèles : Dieu se doit à lui-même d’assurer un crédit spécial aux interventions de son plus haut représentant sur la terre.

Celte manière d’entendre l’efTicacité des indulgences, par rapport aux défunts, ne suflit pas, il est vrai, à tout le monde. Certains la trouvent minimisle ; elle leur paraît exagérer l’opposition des deux formules « per modum ahsolulionis » et « per modum sujfrofiii ». Toutefois elle est bien la seule qu’imposent les documents pontificaux. Sixte IV, le premier pape dont nous ayons une bulle d’indulgence pour les défunts, est aussi le seul qui ail donné une inler-