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INDE (RELIGIONS DE L’)

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bergers darni<iienl, sous rinfluence de Nidrà, la déesse du sommeil. Au moment même où Yaçodà, l’épouse de Manda, venait d’aecouclier d’une lille, sans secours et privée de connaissance, Vasudeva lui déroba son enfant dont elle if^norait encore le sexe, luit son lils à la place, et revint trouver Uevakî avec la lillo du berf^er, pour donner le cliaufre à son beau-frère, le roi Kamsa. Ce barbare, apprenant que sa sceur venait d’avoir son huitième enfant, courut aussitôt lui arracher celui qu’elle tenait dans les bras, et saisissant le nouveau-né par le pied, il le jeta violcnimenlconlre une pierre ; mais l’enfant lui échai)pa des uiains, et l’on vit paraître, à sa place, une jeune déesse, la sœur de Vishnu. Kamsa comprit qu’il avait été trompé, et que le véritable enfant de sa sœur, son futur vainqueur et meurtrier, était caclié clans les environs. A peine le jour venu, il convoqua ses lidcles serviteurs et leur raconta ce qui s’était passé. Us lui proposèrent alors, i)our le débarrasser sans faute de son ennemi, de parcourir, le jour même, les villes, les villages, les parcs, c’est-à-dire les bergeries, et tous les autres endroits habités et d’égorger tous les enfants de dix joiu’s et au-dessous. Sans plus tarder ils partirent ; mais ils tombèrent sous les coups de la vengeance divine, avant d’avoir commencé leur sanglante mission.

Il n’est pas besoin d’insister sur les nombreux et remaripiables rapports qui existent entre ces légendes krishnaïtes et les traditions évangéliques, la naissance miraculeuse de Krishna, l’heure de cette naissance, la présence de l’enfant-dieu au milieu de bergers ; la persécution du roi qui voit en lui un compétiteur, le massacre des enfants ordonné pour arriver sûrement à détruire ce futur rival, la hxation d’un âge maximum ; tous les petits enfants qui ont atteint cet âge et ceux qui sont plus jeunes voués à la mort : autant de rapprochements qui, pris surtout dans leur ensemble, ne peuvent que dilTicilement être purement fortuits. Les adversaires du Christianisme les ont souvent relevés pour accuser celui-ci de plagiat, sous prétexte que la légende de Krishna est antérieure à l’histoire du Christ. Ce qu’ils ont oublié de démontrer, c’est que cette légende nous soit arrivée intacte, avec tous ses détails, et qu’elle n’ait passubi de transformations depuis son origine, jusqu’à l’époque relativement récente de sa rédaction délinitive. Il reste donc à conclure, si l’on tient à ce qu’il y ait plagiat, que la version la moins ancienne est tributaire de l’autre, et que Vopadeva ou Sojjadeva, l’auteur présumé du Bhàgavata-Puràna où nous lisons ces détails et qui vivait vers le douzième et treizième siècle de notre ère, eut connaissance des récits évangéliques et les reproduisit en partie pour in embellir la vie de son héros. En pareil cas, il est toujours bon de poser la question préalable : la priorité des documents mis en cause.

l.e reste de la légende krishnaïte n’oll’re que peu d’intérêt. Krishna est souvent l’objet de tentatives criminelles, mais ceux qui attentent à ses jours périssent misérablement. Dans sa jeunesse, il mu I II plie les miracles les plus étranges dont quelques-uns font songer à l’évangile apocryphe de l’enfance de Jésus. Adcdescent, il mène avec les bergères du parc de Nanda une vie fort peu édiliante. Puis, il se fiyt ascète et finalement meurt victime de l’imprudence du chasseur Jaras à qui il pardonne son meurtre involontaire.

( ; hose curieuse, l’Inde, ipii connut les viergesmère

; , comme nous le voyons dans plvisicurs de ses

légendes, n’eut jamais l’idée de faire nailre de l’une d’elles Vishnu ou tout autre dieu fait homme. Dans iliaque avatar, le dieu nait suivant les lois de la nature ; il s’incarne dans son père avant de s’incarner

Tome II.

dans sa mère. De plus, il ne s’incarne le plus souvent que partiellement.

Observons que les poètes donnent souvent ces incarnations divines pour des illusions, de pures apparences. Us insinuent que les ignorants seuls, les insensés peuvent croire que la divinité daigne s’abaisser réellement à se revêtir de la nature humaine et de toutes ses faiblesses.

L’époque choisie par la divinité pour s’incarner, c’est quand, tout décline, quand tout va de mal en pis, lorsque les membres de chacune des castes ignorent leurs devoirs ou leurs droits, et que les castes, parla même, tendent à se confondre. Vishnu s’incarnait sous des couleurs dill’érentes suivant les âges. Dans l’âge de fer, le quatrième et le pire, dans le Kaliyuga, il prit la couleur noire, d’où son nom, parce que c’était l’âge du péché.

Le but que se propose le dieu fait homme, c’est moins de sauver le monde de la décadence qui le menace que de le détruire pour le renouveler. Ainsi le Bhàgavata se termine par le récit d’une catastrophe où disparaît entièrement cette race des Yadus, dans laquelle était né Krishna, et avec elle l’univers ainsi que Krishna lui-nu’me.

Ces quelques détails sur le plus célèbre de tous les avatars suflisent, et comme l’Hindouisme ne nous intéresse guère qu’au point de vue vishnouite, il me reste bien peu de choses à ajouter.

Actuellement encore, dans l’Inde, les noms de Kània, le héros duHamàyana, et de Ki’ishna sont de tous les plus vénérés, le premier surtout, peut-être. Les dévots ne se lassent pas de les répéter.

LeÇivaïsme.qui est toujours si répandu dans l’Inde, se subdivise en sectes nombreuses, dont plusieurs, celles qui se réclament principalement du J’antrisme, sont profondément immorales ; aussi cette religion est trop décriée pour que les ennemis les plus décidés du Christianisme aient osé jamais les comparer ; un pareil rapprochement eût été, à leur gré, trop à l’honneur de celui-ci. Je n’ai pas à parler de la fameuse doctrine de la Blutkliou dévotion, qui occupe une place prépondéi’ante dans l’Hindouisme, si ce n’est pour remarquer a^ec M. lîartli que, sous son influence, le Vishnouismedégénéra souvent en une sorte de mysticisme erotique où l’on se plut à évoquer le souvenir des ébats de Krishna avec les bergères et surtoutavec Kâdhâ. D’après l’éminent indianiste dont je viens de citer le nom, ii ce mysticisme erotique a infecté à peu d’excej)tions près toutes les branches du Vishnouisme, les religions de Ràma aussi bien que celles de Krishna » (o[). cit., p. 138 et sqq.). (Ju’il me suflise de mentionner le culte du linga dont l’image obscène déshonore presquetousles temples de l’Inde.

Les religions qui sont l’œuvre de l’homme, les religions naturelles, par conséquent, pour peu qu’elles soient populaires, sont loin d’évoluer dans le sens du progrès, comme le prétendent certains mythologues. Nous les voyons, au contraire, se surcharger, au cours des siècles, d’une superlétation de pratiques toujours plus superstitieuses, comme les vieux murs de lichens, parasites qui, tout en les défigurant, ne laissent pas que d’en compromettre la solidité. Les religions de l’Inde sont une des preuves les plus manifestes de cette vérité. Elles n’ont pas et ne peuvent avoir le sel qui conserve et savive de la corruption.

Concluons que la religion, qui est la chose la plus sublime, quand elle descend du ciel, est ce qu’il y a (le plus absurde et de plus extravagant, lorsqu’elle vient d’ailleurs.

Bibliographie. — Ouvrages généraux ..Bartli. Les Religions de /’/ « rfe (Paris, Fischbacher, 18-y. Extrait de rEncyelopédie des sciences rcli 22