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INDE (RELIGIONS DE L’)

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un dieu unique. Ces simples indications sulUsent [>our le moment. Plus tard, nous verrons ce qu’il t’aul penser de l’Etre sui>i’cuie et unique de ce système.

Trinité. — Le dogme de la Trinité fut-il connu de l’Inde ? Voilà ce que nous allons examiner maintenant,

Le mol, que généralement l’on traduit par Trinité, est celui de Triinûrti, triple manifestation, triple forme. Plus on avancera dans cette étude, plus l’on reconnaîtra que très souvent les mêmes mots signilient des choses bien dilférentes, qu’on les prenne dans le sens cUrctien, par exemple, ou dans le sens hindou. Cette fameuse’Irimùrti se compose de Urahmà, le dieu créateur, on sait dans quel sens il faut prendre ce mot, Vishnu.Iedieu conservateur, et Civa, le dieu destructeur, les trois plus grands dieux de l’Hindouisme ; mais le premier occupe, en réalité, un rang très effacé, comparé à celui de ses deux conqiagnons. Tandis, en elfel, que Vishnu et Çiva comptent par milliers les temples et les oratoires qui leur sont dédiés, Brahmà n’en a qu’un, celui de Pokhar.

Au-dessus de ces trois personnages divins, qui sont inégaux presque en tout, se place le quatrième, le Turiya ou Bralime, dont ils participent dans une mesure plus ou moins étendue. Seul ce Turiya parait épuiser le conceiil divin ; et, quand Vishnu l’épuisé à son tour, c’est qu’il ne se distingue plus alors de Bralime dont il est, en quelque sorte, l’avatar. C’est ainsi qiu", dans un passage très curieux, Bhagavat, l’incarnation de Vishnu, représente en même temps la Trimiirti tout entière, c’est-à-dire ici Brahme lui-même. Le solitaire Atri avait imploré l’assistance de Bhagav.it, et voici que trois dieux se présentèrent à lui. Il s’étonna de voir de la sorte paraître trois divinités, lorsqu’il en invoquait une seule. Ils lui en <lirent la raison : > Cet être unique, objet de ta méditation, c’est nous-mêmes qui sommes devant toi. » (Bhdg.-Ptir., 4. I, iSetseq.)

L’idée chrétienne, ou mieux le dogme chrétien d’un Dieu en trois personnes, semblerait donc avoir élé entrevuparl’auteur, quel qu’il soit, duBhàgavata. Mais là s’arrête l’analogie ; les relations de ])ateriiité, de libation et de spiration lui furent complètement inconnues. On ne saurait donc nullement identitier la Trinité chrétienne avec la trinité, ou plus exactement la triade hindoue, telle qu’elle est exposée dans ces écrits dont la rédaction est postérieure à l’ère chrétienne, et, pour quelques-uns du moins. de date relativement récente.

Les trois personnes de la Trimùrti peuvent être identifiées à Brahme, considéré sous trois aspects différents, dans son triple rôle de créateur, de conservateur et de destructeur. Il en résulte qu’elles n’ont pas de raison d’être subjectives, si je puis ainsi parler ; elles n’existent qu’objectivement, c’esl-à-dire par rai)porl aux créatures, lorstju’il s’agit de leur donner, conserver ou ôter Tixislence.

Dans le Vislinii-I’(irânii(.l, traduction Wilson, tome II, p. 90), la glose <lonne de Dieu une déllnilioii vraiment remarquable : Brahme est Existence, Intelligence, Félicité : Saccidàiuindubraluna. Voilà c<’rles une belle conception de la Divinité, mais de là au mystère de la Sainte Trinité tel que nous le concevons, il y a un abîme.

Il importe donc de ne point se laisser duper par les mots. A part le chiffre trois, qui ne décide ici de rien, la Trimùrti de l’Inde, encore une fois, n’a rien à voir avec la Trinité chrétienne.

Incaniatinii. — Les Avaliirs ou Incarnations divines sont fort célèbres dans l’hindouisme et méri tent que l’on s’y arrête, du moins celles de Vishnu, et parmi ces dernières les deux plus fameuses, l’incarnation de ce dieu dans la personne de Ràma, fils de Daçaratha, et l’incarnation du même en Krishna, fils de Vasudeva. Je ne dirai qu’un mot de Uàiua-Vishnu, tout l’intérêt portant sur Krishna-Vishnu. A force d’austérités, le roi des Ràkshasas Daçagrîva. Celui-qui-a-dix-cous, appelé aussi Ràvana, Celui-qui-fait-pousser-des-cris, avait obtenu de Brahmà le privilège de ne pouvoir être vaincu ni ])ar les dieux, supérieurs ou secondaires, ni par les démons. Il considérait les hommes comme des êtres trop ehétifs pour s’en préoccuper. Mais s’il ne s’en préoccupait pas, il s’en occupait, et même beaucoup trop, surtout des solitaires qu’il tourmentait perpétuellement et dont il troublait les sacrifices. Des plaintes dirigées contre lui arrivaient continuellement au ciel. Lesdieuxcraignirent que, les sacrifices ne venant à manquer, ils ne périssent eux-mêmes d’inanition. Ils s’assemblèrent et, Brahmà en tête, conjurèrent Vishnu de se faire honjuie, pour, en cette qualité et sous cette forme, les délivrer de celui qui était le Iléau, r « épine « des momies. Vishnu y consentit. Il descendit dans la famille du roi d’Ayodhyà (Onde), Daçaratha, de la dynastie solaire, et s’incarna dans ses quatre fils, mais surtout dans Ràma, l’aîné. Après une longue suite d’incidents et de péripéties diverses, Ràma-Vishnutua Ràvona, le ravisseur delà déesse Sîlà, son épouse, et sauva le monde des hommes et aussi celui des dieux.

L’oeuvre de VâLMÎKi, le Râmâyana, qui narre les exploits de Vishnu fait homme, outre sa valeur littéraire qui est considérable, aunehaule portée morale, qui à mon gré laisse loin derrière soi le Bouddhisme ; mais cette morale est moins connue, bien que son influence soittoujours fort ni)|)réciable chez un peuple qui fait encore aujourd’hui de ce poème sa lecture favorite.

Un autre Ràma, distinct de celui-ci, fut aussi une incarnation de Vishnu ; il était fils de Vasudeva et eut pour mères Devaki et Roliinî qui, par un miracle ([u’il est inutile de raconter, le i)orlérent successivement dans leur sein. Ce fut Rohinî cjui l’enfanta. Il eut pour frère Krishna, de ijuelques semaines plus jeune que lui. D’a[u’ès le Bhàgavala, qui vanous renseigner amplement sur lui, Krishna fut le vingtième et dernier avatar de Vishnu. Ràma, son aîné, était le dix-neuvième, mais je n’ai pas à m’en occuper ici. Krishna seul réclame notre attention. Son nom signilie le Aoir. Le dieu, suiviint sa coutume en pareil cas, s’incarna dans son père avant de s’incarner dans sa mère, Devaki. Celle-ci avait un frère, le roi Kamsa. Une voix mystérieuse avait averti le prince quc le huitième enfant de sa sœur lui olerait le trône et la vie. Afin de détourner ce double laaiheur, Kamsa résolut d’égorger Devaki. Vasudeva calma sa fureur en lui promettant de lui abandonner, dès leur naissance, tous les enfanls de sa sœur. Kamsa, bien i|u’il n’eût rien à redouter des sept premiers, ne laissa poinl de les détruire, ])ar surcroît de précautions. Il gnellait aec anxiété la naissance du huitième qui bientôt lui parut prochaine. Devakî, en effet, mère jxiur la huitième fois, enfanta un fils d’une merveilleuse beauté qu’elle reconnut, ainsi que son mari, connue étant une incarnation de Vishnu. Tous deux l’ayant adoré, le nouveau-né leur parla :

« yVimez-moi comme votre fils et comme votre dieu, 

leur dit-il, et vous aurez part à ma félicité. " Sis parents (<pendant résolurent de le soustraire, sans tarder, nu couteau de Kamsa. Vasudeva prit le ]K’tit enfant dans ses bras, et cette môme nuit, au milieu d’épaisses ténèbres, malgré une i)luie lorrenlielle, il se rendit dans la bergerie voisiiu’de Nanda. Tous les