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FOI, FIDEISME

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est sur que les derniers mots ont un sens intellectualiste.

Et qu’on ne (lise pas que ceci n’est peut-être pas de saint Paul lui-même. Nul doute que ce ne soit sa pensée. N’est-ce pas saint Paul qui oppose la vision de foi. vision obscure et indirecte, à la vision claire et face à face ? « Nous voyons maintenant dans un miroir, en énigme ; alors nous verrons face à face. » (I Cor., XIII, 12 ; cf. xiii, 13 et xiii, 8-10.) « Maintenant, dit-il ailleurs, nous marchons par la foi et non par la vision. » (Il Cor., v. 7.)

Le baptême enfin, le sacrement de la foi, n’est-il pas rejfardé comme une illumination ? Et les peuples qui viennent à la foi ne sont-ils pas représentés comme venant à la lumière ? Et la prédication cvangéllque n’est-elle pas annoncée partout comme une lumière qui brille dans les ténèbres ? Bien entendu, nous ne disons pas que tout dans la foi soit connaissance, et rien cpie cela. Mais qui, devant tant de textes et d’indices évidents, oserait dire que la foi évangélique n’implique pas connaissance d’une vérité révélée, n’est pas une fol dogmatique ?

2. La connaissance de foi. — L’acte de foi est, à proprement parler, un jugement, un assentiment à la vérité révélée. Et ce jugement est obscur : Qiiid est fides. nisi credere quod non vides ? Nous ne voyons pas le lien du sujet au prédicat, quand nous disons : Dieu est un en trois personnes. Mais ce jugement est Composé de termes. Avons-nous l’intuition des réalités qui répondent à ces tenues ? Non. Sans cela nous verrions le lien du sujet et du prédicat, nchis verrions la vérité, au lieu de la croire. Comment les concevons-nous ? Quelquefois par une action en nous ou sur nous de celui en qui nous croyons ; quelquefois par une image de lui-même dans quelqu’une de nos facultés, avec une sorte d’avertissement intime que c’est lui ; quelquefois par des paroles intimes, des paroles substantielles, comme disent les mystiques, et qui présentent la réalité qu’elles disent. Mais ce sont là des révélations de Dieu ou des vérités divinesaux privilégiés, qui les reçoivent soit pour eux-mêmes, soit pour les communiquer aux autres. Quand Dieu se révèle ou révèle quelque chose de lui-même pour que la révélation soit transmise à d’autres, celui-là est appelé prophète, qui reçoit la révélation ou qui reçoit la lumière pour interpréter des phénomènes vus par un autre.

De ipielle nature est cette réié/ « /io «.’Onleverraau mot RiivKLATiox. Disons seulement qu’elle implique toujours manifestation de quelque chose en celui qui révèle, connaissance de la chose révélée en celui qui reçoit la révélation. Dieu peut se révéler dans et par des touches à lui, dans et par >ine étreinte d’àmc, une sorte d’attraction vers lui. Mais jamais ce n’est le phénomène purement subjectif comme tel, qui constitue proprement la révélation ; il faut toujours une communication intellectuelle. Et c’est pour cela que la foi à la révélation ne saurait être la seule traduction ou interprétation d’un phcnomcne de conscience purement subjectif. Révélation et foi sont connexes, l’une comme l’autre implique nécessairement ([uelqne chose d’intellectuel. Cette révélation peut n’avoir pas été faite en langage humain, ni par mode de manifestation en vision humaine. Alors la traduction de la révélation en langage humain, en formules qui soient de notre monde pourra être difficile. Mais ceci regarde la transmission de la révélation plus que la révélation elle-même.

Les modernistes, qui admettent une révélation, ne veulent pas qu’elle soit donnée tout d’abord sous forme de comnmnication intellectuelle. C’est, je pense, une des raisons pour lescpielles rEncycliqu<- Pascendi condamne leur notion de révélation. Sans

doute. Dieu a mille manières de dire à l’àme ou de lui faire entendre — c’est tout un — : « Je suis ton Dieu, tu es à moi, je demeure en toi et je m’y plais, mon Fils et moi nous ne faisons qu’un », et toute autre révélation qu’on voudra. Mais pour qu’il y ait révélation, il faut qu’il dise ou fasse entendre quelque chose.

Pour la transmission de la révélation, quelques modernistes ont une explication obscure et compliquée, dont nous parle l’Encyclique Puscendi. et qui semble un emprunt à certaines doctrines du protestantisme libéral sur l’action du Christ en nous et sur nous par son esprit. Tyrrell paraît attribuer à tous, dans la foi, la lumière prophétique. Et ce n’est pas seulement la grâce, une action analogue à celle de Dieu « ouvrant le cœur de Lydia pour qu’elle entendit ce que disait Paul «. Cette grâce est donnée à tous. Mais Tyrrell semble entendre autre chose par sa

« lumière prophétique ». Celle-ci serait une révélation

spéciale à chacun, une impression religieuse. Il ne veut pas d’ailleurs qu’elle soit d’ordre intellectuel. Ce serait donc un fait d’ordre mystique, le surnaturel devenant conscient dans et par le sentiment, comme l’aveugle, dit-il, a le sens du feu et sait qu’il s’en approche ou s’en éloigne suivant qu’il en ressent plus ou moins la chaleur. Comparaison décevante d’ailleurs, malgré son apparente clarté ; car l’autevu" oublie qu’on ne connaît pas seulement par la vue. Quoi qu’il en soit, il veut ainsi concilier la foi et la connaissance de foi avec ses principes agnostiques sur la transcendance du divin relativement à notre esprit.

Cette transcendance, nous la reconnaissons. Nous n’avons pas de Dieu ni des choses divines d’idée propre, loin d’en avoir l’intuition. Nous le connaissons cependant par analogie, dans ses elTets comme cause, et par éminence, et par exclusion de toute imperfection. Les idées ainsi obtenues sont des idées fort imparfaites : négatives pour une bonne part, relatives pour une bonne part, non cependant (à mon sens, qui paraît bien être celui de saint Thomas) sans quelque chose de positif et d’absolu..vec ces idées fort imparfaites, nous pouvons, sous la lumière divine, recevoir et comprendre la révélation (qui nous est faite, dans l’économie ordinaire, à la manière humaine, en concepts humains, en langage humain) ; avec elles, nous pouvons l’étudier, en avoir une certaine science, la transmettre aux autres. C’est peu, comme connaissance (ex parte cognoscimus) ; mais c’est assez pour nous faire aimer ce que nous croyons et vivre de notre foi ; assez pour nous donner dès icibas, dans la vie de foi et d’amour, et sous la grâce divine d’admirables clartés, capables de nous ravir à nous-mêmes et aux spectacles du monde qui passe. 3. /.a garde et la transmission delà foi. — Tyrrell (car c’est lui, sans doute, qui se cache sous le nom de son ami Henry Waller) a imaginé un sauvage de r.frique, a])partenant à une des races les plus dégradées, mais lui-même admirablement doué, tombant entre les mains des Européens, qui lui donnent toute la culture européenne dans la perfection, et qui le renvoient ensuite dans son pays pour civiliser ses compatriotes. Il prêche, il fait des disciples, dont quelques-uns écrivent comme ils peuvent ce qu’ils (mt gardé des leçons du maître… Cependant la peuplade évolue peu à peu, suit sa marche ascendante, arrive après des siècles là où en sont maintenant les Européens. Que pensez-vous qu’il adviendra de ceux qui maintenant veulent étudier dans les éciits des disciples encore sauvages du maître d’autrefois les doctrines apportées par lui ? Le tableau a du ]>iquant. Mais l’auteur semble avoir oublié, dans son histoire de fantaisie, l’inspiration des Livres saints cl l’assis-