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FOI, FIDEISME

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nous en rapportons aux lumières de notre raison en matière philosopJiique, nous sommes sûrs qu’ils sV5, ^^^ent. Quelques réllexions cependant pouvenl cire utiles pour dissiper certaines équivoques, pour préciser le sens de la controverse, pour indiquer les principes de solution,

1. Notre doctrine Je la foi est bien la doctrine évunl ^élique. — On nous accorde facilement que dès le second siècle notre doctrine de la foi avait jirévalu : on la tenait comme l’adhésion de l’esprit à des dogmes révélés, et comme une adhésion nécessaire de nécessité de salut, sans laquelle il n’y avait ni part au Christ, ni place dans l’E^rlise du Christ. Il y avait un symbole et une orthodoxie. Mais on prétend que ce n’était ni la pensée du Christ, ni celle de la communauté primitive. II n’est pas dillicile de montrer le contraire. Quelques indications suiriront. La foi qui sauve peut contenir bien des éléments, qui ne sont pas d’ordre immédiatement intellectuel : confiance en Dieu et en Jésus, fidélité au Maître, iilentilication de destinée avec la sienne, etc. Mais il y a dans la foi qui sauve et sans laquelle on n’est pas sauvé, dans la foi que demande Jésus, des conditions intellectuelles, implicites ou explicites, les éléments essentiels d’une foi dog : matique. Dans l’Evangile de saint Jean, la cliose est évidente. Il suffit de choisir quelques témoignages au hasard. La vie éternelle, qui commence ici-bas et s’achève là-haut, en quoi consisle-t-elle ? « A connaître Dieu, le Dieu vérital )le, et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ. » (xvii, 3.)

« Maintenant ils savent que les paroles que tu m’as

données, je les leur ai données ; et ils les ont reçues, et ils ont appris vraiment que je suis sorti de toi, et ils ont cru que c’est toi qui m’as envoyé. » (xvii, 7-8.) c< Philippe, qui me voit, voit le Père. Vous ne croyez jias que je suis dans le Père et le Père en moi ? I) (xiv, 9-10.) « Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il doit mourir, vivra… Crois-tu cela ? Elle lui dit : Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce monde. » (xi, 25-27.) Croire en Jésus, ce n’est pas seulement avoir conliance en lui, c’est croire qu’il est l’envoyé de Dieu, le Messie annoncé, le Fils du Dieu vivant, etc. Quoi de plus net que la scène avec Thomas, après la résurrection ? « Jésus dit à Thomas : Mets ton doigt ici, et vois mes mains… et ne sois plus incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu. Jésus lui dit : Parce que tu m’as vii, Thomas, tu as cru. Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » (xx, 27-29.)

L’évangéliste ajoute aussitôt : « Jésus fit beaucoup d’autres signes aux yeux de ses disciples, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ce qui précède a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu, et pour que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom. » (xx, 30.l Pouvait-on marquer en termes plus nets que la foi qui sauve est la foi dogmatique ?


Les synoptiques sont moins explicites, d’ordinaire ; mais chez eux aussi, la foi en Jésus implique et la croyance eu sa mission, et la foi en sa parole. Même dans la foi confiance, il y a un élément intellectuel ; car avoir fol en Jésus, c’est croire qu’il peut remettre les péchés, croire qu’il peut guérir, croire qu’il vient de la part de Dieu, qu’il est le Messie attendu. Et partout, comme l’a montré M. Lkhreton, dans son livre des Orii ; ines du do^nie de la Trinité, on voit que Jésus nous a])porle un message, et que si ce message est aussi un message de paix avec Dieu et de rémission des péchés, il n’est cela que parce que Jésus est l’envoj-é de Dieu, destiné à révéler le Père en se révélant lui-même. Cette idée de la foi comme connaissance et adhé sion à la parole révélée est nettement indiquée dans les paroles bien connues de Jésus : « Je vous bénis, Père…, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et les avez révélées aux petits… Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. » (Mat., xi, 26-27.) Il l’est plus nettement encore, si c’est possible, dans la scène de la confession de saint Pierre : « Et vous, leur dit-il, qui dites-vous ipie je suis ? Simon Pierre, prenant la parole, dit : Vous êtes le Christ, le P’ils du Dieu vivant. Jésus lui répondit : Tu es heureux, Simon, Fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père « [ui est dans les cieux. » (Mat., xvi, 15-17.) Eiilin, pourquoi les Apôtres sont-ils envoyés ? Pour prêcher l’évangile du salut. Mais cet évangile du salut implique qu’ils ré]>éteront tous les enseignements de Jésus, et qu’ils expliqueront l’Ecriture comme lui-même la leur expliquait, en faisant remarquer ce qui s’ap])liquail à lui. El quelle sera la condition du salut ? La foi à leur prédication. " Qui n’y croira pas, sera condamné. » Passage que M. ^VHITE croit, à fort du reste, enlevé à l’Evangile par la science moderne, et il lui en fait grand honneur ; car ce passage, dit-il, « a coûté au monde plus de sang innocent que n’importe quel assemblage de mots ». Histoire de la lutte entre la science et la théologie, Paris, 189g, p. 628. Et ainsi voyons-nous les choses se passer dans les Actes. On prêche Jésus, et comment il est le Fils de Dieu, sa mort, sa résurrection, la rémission des péchés par la foi en lui ; mais cette foi est une foi dogmatique en la personne du Christ et en ses mystères. Voyez comme Philippe annonce Jésus à l’eunuque de la reine d’Ethiopie :

« L’eunuque dit à Philippe : De qui le prophète

parle-t-il ?… Alors Philippe… commençant par ce passage, lui annonce Jésus… Et l’eunuque dit : Qu’estce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe répondit : Situ crois de touttoncœur, cela est possible. Je crois, répartit l’eunuque, que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. » (Actes, viii, 3^-37.) La prédication de Pierre et de Paul est la même, comme on le voit par le résumé de leurs discours que nous avons dans les Actes.

(Quelle notion enfin nous donne de la foi saint Paul, que l’on pourrait appeler l’évangéliste de la foi ? Partout celle d’une foi dogmatique qui croit à la parole des Apôtres comme à la parole de Dieu. Et cette parole des Apôtres, cet Evangile du salut, comprend des enseignements multiples. A y bien regarder, on y trouve nos principaux dogmes : Jésus Dieu fait homme, sa mort rédemptrice, sa résurrection, l’Eucharistie, la vocation des gentils, le salut par la foi, l’Eglise, etc. El c’est cette prédication aposlolicjue qu’il faut rece^oir dans toute son étendue, comme la parole même de Dieu, et cela sous peine de n’avoir plus pari à la grâce du Christ. Cf. Gnlat., i, 8-9 ; liom., x, 8-18. Sans insister davantage sur un point que peut-être on devrait regarder comme évident, c’est bien d’une foi dogmatique que parle l’épître aux Hébreux dans le passage fameux :

« Sans la foi, il est impossible déplaire (à Dieu). Car

celui qui s’approche de Dieu doit croire ((u’il existe, et qu’il est le rémunéraleurdeceux qui le cherchent. i> (xi, 6.) N’est-ce pas une foi deconnaissance qui rend Moïse si ferme, « comme s’il voyait l’invisible » ? (xi, 27.) Et ces textes nous aideraient, au besoin, à comprendre ce qui peut paraître quelque peu obscur dans la délinition de la foi qui se trouve en tête de ce chapitre : « La foi est la substance des choses qu’on espère, la conviction de ce qu’on ne voit pas. » Quoi qu’on pense des premiers mots du verset, et même quel que soit le sens précis du second membre, il