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IMMANENCE (METHODE D’)

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qu’elle est représentative d’objets), c’est la vraie manière de réserver, comme une inconnue progressit’Cment connaissahie, la réalité agissante des autres êtres, de déterminer la part qui revient à chacun… » Cependant les études de psychologie expérimentale de William James ont fait attribuer au mot pragmatisme un sens tout différent. Aussi M. Del-Bos a-t-il pu faire très justement remarquer <[ue l’attitude de pensée supposée par la méthode d’immanence n’était point celle du pragmatisme, o Car (la philosophie de l’action) ne fait point de l’action une simple capacité de préparer et d’interpréter les expériences qui lui fourniront du dehors un contenu ; elle soutient au contraire que l’action enferme en elle des virtualités dynamiquement liées et dynamiquement développables, jusqu’à la réception de la réalité surnaturelle ; ainsi, loin de livrer la vie humaine aux réussites, dont se contente l’empirisme pragmatiste, elle admet une logique de l’action qui rend intelligibles tous les moments et toutes les directions de la vie ; si elle n’érige pas l’entendement clair en absolu, elle n’est pas sans lui attribuer dans et pour l’expansion des puissances du sujet une force motrice et ordonnatrice considérable ; surtout elle réserve pleinement la souveraineté du ^ « V’i, de cette pensée concrète, dont la connaissance intellectuelle n’est qu’un aspect, et qui contient en soi le principe pleinement rationnel des invincibles exigences de l’action. » L. c, p. x ; voir aussi Bulletin de ta Société française de Philosophie, juillet 1902, Appendice A, p. 120.

b) Caractéristiques de cette attitude de pensée.

1. Elle est celle d’une pensée dynamique et concri’te.

La méthode d’immanence en effet, au lieu de proposer des principes, d’où il s’agirait de tirer des conclusions, cherche à se rapprocher le plus possible de la vie, qui « ne consiste pas seulement à penser logiquement, mais aussi à agir ». Elle invite à en suivre le mouvement. Elle le suscite, l’oriente vers la un secrètement voulue. Elle est créatrice, en ce sens qu’elle est féconde. (Exposé col. Sgs.)

2. Cette pensée est soucieuse de ne point méconnaître l’aspect moral du problème à résoudre.

Car l’unité de la vie spirituelle n’est point celle d’un engrenage.il faut quelque chose de plus qu’une notification extérieure pour déranger l’eurythmie de l’àme humaine. Il lui faut une adaptation interne. Il sera donc nécessaire, pour que la vérité réside réellement dans la connaissance, que « nous égalions ce qu’elle réclame de libre adhésion à ce qu’elle impose d’inévitable clarté » (L’Action, p. ^^o). Le sentiment et la connaissance se serviront ici tous deux alternativement de données et de but, soit en raison de nos inépuisables richesses intérieures, soit à cause de la surabondance croissante des apports de la réalité. (lieiue du Clergé français, t. XXIX (igoa), pp. 654-5.) Non qu’il s’agisse de confondre les compétences, a II ne s’agit pas, en voulant, de faire que la réalité subsiste en soi parce qu’un décret arbitraire l’aurait créée en nous ; il s’agit, en voulant, de faire qu’elle soit en nous parce qu’elle est et comme elle est en soi. Cet acte de volonté ne la fait pas dépendre de nous ; il nous fait dépendre d’elle. C’est le rôle de cette connaissance nécessaire qui précède et prépare l’option, d’être une règle inllexible ; mais du moment où ce qu’elle a de nécessairement volontaire est librement voulu, elle ne cesse pas pour cela d’être une connaissance. Tout au contraire, elle y gagne de porter, réellement présent en elle, l’être dont elle n’avait encore que la représentation. Ce qui était simplement idée de l’objet devient, en toute

vérité, certitude objective et possession réelle. >< L’Action, p. 440. Ce qui implique sans doute, une distinction assez importante entre nos difféi « ntes connaissances.

3. La méthode d’immanence suppose en effet une attitude de pensée, distinguant en fait et en droit comme deux phases dans la connaissance que nous aions de l’être. la phase qui précède et celle qui suit l’intervention de noire volonlé. La première connaissance, préalable à toute option, s’impose à nous. Elle est objective. Elle est aussi requérante. Elle est pour nous un principe de décision et de responsabilité. On dira, si l’on veut, que c’est une connaissance per no(ionem.Elle fait entrer peu à peu celui qui en use bien dans une connaissance per connaturalitatem. Celleci enferme l’ébauche réelle de l’inlellection parfaite et de la possession véritable. Elle implique une expérience qui entre dans le vif de la volonté et de l’àme tout entière, une syiupalliie elTective et affective, une impression non seulement passive mais consentante. Car on ne peut pâtir que s’il y a un agir correspondant. (I Dicitur patiens a passione, remarque justement Cajbtan, eo modo quu vehementer affecti circa aliquid passionati dicuntur : in quo denotatur maxima voluntalis inclinalio, ut jam habituata et connaturalis ejfecta. »

Plus nous aurons cette connaissance, moins notre science sera précaire. S’agit-il du problème, qui est la raison d’être de la philosophie, du jïroblènie de Dieu et de notre destinée ? Il sera donc logique d’estimer que les solutions partielles du problème, encore que réelles et objectives, ne sont pas déUnilives. Elles sont affamantes plus que saturantes. Celui qui les possède doit chercher encore. Et c’est précisément le rôle de la méthode d’immanence, de faire entendre que l’arrêt est impossible, parce que nulle part ne se rencontre, dans les soluti(jns purement humaines, la réponse saturante. (Cf. Exposé, col. 589.)

En fonction de la distinction de ces deux phases de notre connaissance, doivent s’entendre les pages de L’Action consacrées au développement de l’idée de Dieu. M. Blondel s’en expliqua quand, à la soutenance de sa thèse, répondant à une question de M. Bnocii.

D, il lit la déclaration suivante : « A un point plus avancé du développement de l’action, j’ai rencontré tout aussi inévitablement, et d’ailleurs sous des formes plus ou moins explicites, l’idée de Dieu : j’ai fait voir comment cette idée est nécessairement engendrée et conmient, même anonyme, pseudonyme ou méconnue, elle engendre nécessairement à son tour. J’ai essayé par les preuves classiques, dont c’est en effet le rôle, de préciser, de purifier, de confirmer cette grande affirmation de l’humanité entière, pour montrer ensuite, avec une force accrue et une lumière qui oriente notre marche, comment l’idée de Dieu, elle aussi, entre dans le dynamisme de l’action ; je l’étudié d’abord dans la mesure où cette connaissance nécessaire devient pour nous l’HnHm jiecessarium, et nous impose la suprême alternative d’où il dépendra qu’elle soit salutaire ou délétère, que Dieu soit réellement ou qu’il ne soit pas pour nous. Mais ici pins que jamais j’ai maintenu que ce que nous refoulons par notre volonté voulue, nous ne le supi)rimons pas, nous ne l’effaçons même pas de notre volonté voulante. Et j’ai indiqué comment, selon la réponse que nous aurons donnée à l’alternative dont la présence de Dieu en notre conscience nous impose la nécessité, la connaissance et la possession que nous avons de lui ne sauraient être les mêmes. » Wehhlk, f ne soutenance de thèse. Annales, mai 1907, p. 13^. Etudiée donc du point de vue de l’action humaine, l’idée de Dieu sera appelée une idée