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IMMANENCE (MÉTHODE D'

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en suite d’une conception raisonnée, de s’appuyer sur ce qui est dans l’homme sans être de lui, pour amener riiomiue au surnaturel. — Vnfail intérieur, lebesoin d’une autorité divine enseignante en matière de religion, et un fait extérieur, l’Eglise, voilà, disait-il, ce qu’on doit vérilier avant tout ; ces deux faits « se reclierclient pour s’embrasser » ; quand on a reconnu le premier, on a la bonne volonté qu’il faut pour s’incliner devant le second ; et quand l’Eglise, comme autorité divine, estadmise, c’est le surnaturel qui est accepté. Or, par là même qu’il mettait le point de départ de l’apologétique dans la constatation d’un fait intérieur, commun à tous, et irrécusable ; qu’il cherchait aux faits proposés du dehors « la correspondance qui nous les rend assimilables et même obligatoires ; qu’il plantait au cœur de la philosophie la thèse psychologique de l’insuffisance de la raison, même la plus développée, pour résoudre la question religieuse telle qu’elle sort inévitablement de l'état de l’humanité », le cardinal Dechamps rendait justice au " principe d’immanence », sans avoir eu à le reconnaître ni même à le formuler, et conférait à l’apologétique, celle qu’il entendait fortifier, compléter et non remplacer, un caractère vraiment philosophique (cf. Mallet, VŒuvre du cardinal Dechamps, voir à la bibliographie).

Mais si l’essentiel était fait, dès lors qu’antérieurement à tout essai d’apologétique objective, on cherchait dans le sujet lui-même l’amorce de la conversion, il restait encore à organiser scientiliquement la mélhoded’iramanence, en faisant la théorie de son rôle et de ses procédés : ce fut, on vient de le voir, l'œuvre de M. Slauriee Blondkl ; et à appliquer d’une manière rigoureuse la méthode une fois trouvée : c’est l’objet du livre L’Action.

2. Le Livre L’Action, sa marche, ses conclusions. — U s’agit de a mellre en équation ilans la conscience même ce que nous paraissons penser et vouloir et faire, avec ce que nous faisons, nous voulons et nous pensons en réalité : de telle sorte que, dans les négations factices et les fins artificiellement voulues, se retrouvent encore les affirmations profondes et les besoins incoercibles qu’elles impliquent ».

Dans ce but, on considère la volonté dans toutes les attitudes qu’elle peut prendre, qu’elle prend en fait, vis-à-vis du problème essentiel, celui que toute àme se pose même sans y songer, et que toute Ame résout, même sans le savoir : Pourquoi suis-je fait ? Quel est le sens de la vie ? Si je mourais à l’instant, qu’est-ce que la déchirure du voile me montrerait, que je dois prévoir et que je peux préparer ?

A partir de la solution la plus simple, la moins onéreuse, celle qui consiste à nier le problème ou du moins à s’en distraire, jusqu'à la solution la plus élaborée, la plus complexe, la plus savante, celle qui inclut une conception métaphysique et même religieuse, on examine toutes les réponses possibles, graduellement sériées ; c’est le moyen de faire œuvre universelle et concrète. Chaque fois, on décèle dans la volonté qui croit pouvoir s’arrêter à l’une de ces solutions de la nature un mensonge fondamental, une duplicité qui l’oppose à elle-même ; et prenant parti contre le vouloir superficiel et changeant pour le vouloir irrésistible et profond où l'être vraiment s’exprime, on entreprend de suivre le mouvement qui l’emporte.

Non qu’il s’agisse d’avancer à l’aventure, l’esprit tendu et comme aux écoutes pour saisir dans l’histoire biographique, dans la ]>sychologie individuelle, un aveu, une plainte, un désir… Il faut que l’enquête soit rigoureuse, et qu’elle revèteuncaractcre rationnel, universel, proprement scientifique ; aussi se raidit-on

contre la clarté des apparences, contre les invitations explicites ; et, tout le long de la route, on se fait une loi de n’avancer jamais ()ue sous la pression d’une dialectique immanente qui force invinciblement de passer outre.

Cette dialectique est toute concrète, elle n’a rien à voir avec un jeu de concepts, car au lieu de s’appuyer sur une implication logique, elle s’attache à faire rendre aux actes concrets ce que, sans le savoir ou pouvoir s’en empêcher, on a versé en eux, ce qu’ils posent eux-mêmes inévitablement et ce que, peu à peu, par une logique qui sait comprendre même le désordre et dont la science, pour n'être encore qu'ébauchée, doit cependant pouvoir se faire, la vie même se charge d’en tirer*… Nos actes sont plus riches que nos intentions et que nos idées, et c’est dans les actes, parce qu’ils ne sauraient être partiels, parce qu’ils traduisent à la fois la tendance qu’on mortifie et celle à quoi l’on consent, que la volonté révèle sa portée profonde et le terme de son option ; aussi le fruit des actes, c’est l’authentique expression de la roloiilé en ce qu’elle a de nécessaire : et le déterminisme qui, à travers toutes les compensations de la vie et tous les jeux de la liberté dont il compose une résultante unique, fait rendre infailliblement aux actes les conséquences dont ils étaient gros, ce déterminisme éclaire peu à peu la volonté sur ce qu’elle a voulu.

Or, à suivre ainsi le progrès de l’aspiration volontaire, on constate qu’après avoir été amené à retrouver et, pour ainsi dire, à reconstruire, en leratifiant, tout ce qui compose le milieu physique, social, intellectuel, où la volonté se déploie, y trouvant à la fois un obstacle et un aliment, il faut encore avec elle dépasser toutes ces enceintes, pour s’orienter par delà vers un inconnu. Tout ce que la nature peut offrir, la volonté l’a traversé, et voilà qu’au moment où le soi va manquer à son élan, elle a encore du mouvement pour aller plus loin… Vainement, en elfet, la métaphysique de l’inlini avait d’abord paru borner son essor ; vainement, au delà de la métaphysique franchie, avait-il semblé qu’en se faisant mystique, la pensée allait enfin accaparer l’infini, au moins communiquer avec lui ; le besoin religieux s’est traduit en rite, s’est incarné dans un culte, s’est projeté dans des symboles ; — mais ce qui s’est révélé sous ces tentatives, c’est le vide irrémédiable non seulement de la philosophie, mais encore de toute religion qui n’en serait qu’un équivalent, c’est le caractère illusoire et superstitieux par essence de tout essai pour se donner Dieu sans que lui-même il se donne, la nécessité de l’abnégation et de riiumble attente…

Impossibilité de reculer, impossibilité d’avancer seul, et le repos lui-même est interdit. On a tout fait comme si l’achèvement de l’action, comme si le salut devait venir de soi ; pour garder maintenant la sincérité entière, il faut tout attendre de Dieu comme si rien ne devait venir que de lui.

La méthode d’immanence nous amène jusque là ; elle ne va pas plus loin.

Mais par le fait nicme qu’elle définit, subjectivement, l’attitude à prendre en face du mystère subsistant, elle se trouve déterminer aussi, objectivement, bien ((ue d’une manière négative, ce qu’il faudra que soit une révélation pour être écoutée ; celle-ci se donnera comme d’en haut, ou ne comptera pas.

Elle règle encore, mais hypothétiquement, les

1. Les fondements d’une science de rette loyicjtie ont ét^

«.Hahlis pnr M. lilonih-l dans un rapport du 1*' Congrus international de Philo<iO| » liie, vol. M, Pai-is, l'.)00 ; tiré h part

sous ce litre : Principe e’ir’mfntaire d’une Logique de la fie morale.