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IMMANENCE (DOCTRINE DE L’576

que (le ses principes, incline la pensée vers les thèses panthéistes (Encyclique Pascendi. n. 2087).

Tel est le cas, — antérieur à l’Encyclique, puisqu’il date de juillet 1902, — d’un article de la Revue de Métaphysique et de Morale, intitulé : La dernière idole : étude sur la personnalité divine, et signé abbé ( !) Marcel Hébert :

Le problème angoissant, qui se pose aujourd’hui pour bien des consciences, est celui-ci : l’antique croyance au Dieu transcendant doit-elle céder la place à l’atrirmation du Diyin immanent ? Le Tout-Puissant (le Roi des Rois), n’est ce pas une de ces métaphores cUaldéennes que le christianisme nous a transmises avec sa doctrine si élevée moralement, mais si mélangée, si encombrée de conceptions et de comparaisons archaïques ? Celte image, la métaphysique l’a retouchée de son mieux, elle l’a de plus en plus corrigée, idéalisée ; mais elle y a conservé la notion de personnalité, detellesorle que cette construction Imaginative, faite à la ressemblance, non plus de notre corps mais de notre àme, n’en reste pas moins la dernière idole contre laquelle proteste notre esprit, averti par tant de réllexions et d’expériences… C’est d’après le type de gouvernement arbitraire, tyrannique, des barbares despotes de la Chaldée, que l’humanité primitive a conçu et que la grande majorité de l’humanité civilisée conçoit encore le gouvernement divin. Sans doute, en passant parla conscience des prophètes et du Christ, l’implacable lahvé est devenu le Père céleste, mais que de fois sous le Père apparaît le despote oriental ! Aussi l’humanité pensante proteste-telle énergiquement, au risque de rejeter à la fois et l’image et l’idée. Dire : le divin au lieu de Dieu, c’est sacrilier l’image pour sauver l’idée. I)

Mais l’idée n’est point sauvée, entendez l’idée d’un Dieu réel et distinct du monde. Cessant d’être conçu comme un être personnel. Dieu s’identilie avec le sentiment ipie l’homme croit avoir de lui et qu’il appelle divin. On voit dès lors que la doctrine de l’immanence devra nier une autre vérité essentielle, à savoir :

2) Le caractère surnaturel de ta religion chrétienne.

Car si c’est par immanence vitale que doit être expliquée l’origine de ce sentiment dans lequel est l’essence de la religion chrétienne, comme de toute religion, si ce sentiment en l’homme qui est Jésus, aussi bien qu’en nous, n’est autre chose qu’un fruit spontané de la nature, on ne peut plus dire de la religion chrétienne, ni qu’elle est une grâce, ni qu’elle renferme des mystères, ni qu’elle oriente l’homme vers une destinée supérieure aux exigences de la vie. Logiquement, l’immanentisme incline donc la pensée vers les thèses naturalistes (Encycliqæ Pascendi. Id., 207^).

Le livre de A. Sabatibr, Esquisse d’une Philosophie de ta Religion d’après ta psychologie et l’histoire, en fournit, nous serable-t-il, l’exemple le plus authentique. Mais là ne s’arrête pas l’opposition de la pensée catholique et de la doctrine de l’immanence. Celle-ci nie encore :

3) La valeur objective de nos connaissances religieuses.

Parce que la religion n’est, dit-elle, qu’une forme de la vie, parce que la foi, principe et fondement de la religion, n’est (]u’un sentiment sorti, sans nul jugement préalable, des profondeurs de la subconscience, parce que les représentations de cette foi ne sont que de purs symboles, il faut bien reconnaître que,

du point de vue immanentiste, le dogme chrétien perd sa valeur objective de vérité ; et sous la fluctuation des formules, nécessairement décevantes, il n’est plus qu’une expression de la vie. Ainsi l’immanentisme séparera parune cloison étanche le domaine de la science et celui de la crojance.Il subordonnera d’une manière plus ou moins oppressive et même éliminatoire, l’activité proprement intellectuelle aux raisons de sentiment. Pour croire, un coup d’état de la volonté sera nécessaire. Logiquement, l’immanentisme incline la pensée vers les thèses fidéistes et agnostiques (Enc. Pasc. Id., 2083 ; 2989).

Il n’entre pas dans notre sujet de développer ici des (joints qui ont été ou qui seront mis en lumière dans les articles afférents de ce dictionnaire (v. Agnos-Ticis. ME, FiDÉisME, Panthéis.me, ctc). Il nous suffit de caractériser brièvement les causes profondes de l’opposition que nous avons constatée. Cependant, pour saisir toutes ces causes, il convient de voir encore quelles sont les vérités dont la doctrine de l’immanence prétend garder la tradition, mais qu’elle déforme.

B. — Vérités que déforme la c’octrine de l’immanence

i) La présence réelle et agissante de Dieu dans’homme, ou ta réalité de l’immanence divine.

Dieu est présent à l’homme. Il agit en lui et par lui. Bien plus, ayant gratuitement appelé sa créature à une fin surnaturelle, il prépare la réalisation de ce dessein, tantùt par de lointains appels, tantôt par des sollicitations plus intimes, quand il habite dans les âmes qu’il a déjà sanctifiées. Quelle qu’elle soit, cette présence n’est pas sans effet. Il sera toujours vrai de dire avec Pascal : « Le Dieu des chrétiens ne consiste pas en un Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments, c’est la part des païens et des épicuriens. Il ne consiste pas seulement en un Dieu ! qui exerce sa providence sur la vie et sur le bien des hommes, pour donner une heurevise suite d’années à ceux qui l’adorent : c’est la portion des juifs. Mais le Dieu d’Abraham, le Dieu d’isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des chrétiens est un Dieu d’amour et de consolation, c’est un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède ; c’est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère et sa miséricorde infinie, qui s’unit au fond de leur àme, qui les remplit d’humilité, de joie, de confiance et d’amour, qui les rend incapables d’autre fin que de lui-même. » (Pensées, VIII, 556, édition Brunscuvicg, p. 581.)

Ajoutons que la grande parole de l’Apôtre vaut de tous les païens de bonne foi : « Ce que vous honorez sans le connaître, c’est cela que je vous annonce » (Act., xvii, 23). Car un besoin profond travaille lliumanité présente. Il se traduit par l’inquiétude, la grande inquiétude humaine en présence du fini, par le sentiment de notre indigence en face de l’éphémère et du contingent, par un élan incoercible vers le Bien suprême, la Vérité vue dans sa plénitude, et l’Eternel. Il oriente ainsi, encore que d’une façon parfois bien lointaine, la recherche obscure et tâtonnante des âmes en chemin vers le don surnaturel de cette révélation chrétienne, qui, de fait, comble, en le dépassant, le besoin de tous les « mendiants de Dieu ».

Enfin il faut dire que, pour des âmes privilégiées, la présence de Dieu est parfois expcrimentalenient sentie, par un effet spécial de l’amour et de la foi, qui, sous l’influence du don de sagesse, unissent plus