Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

569

IMMANENCE (DOCTRINE DE L’I

570

l’inverse le sujet dans l’objet ; bref, à définir avec un rare bonheur ce latidique rapport du sujet et de l’objet mcuie qui l’ait le tourment de la pensée moderne. Par où l’on voit une fois de plus — on nous pardonnera d’j- avoir insisté en terminant — tout ce que notre vieille philosophie traditionnelle offre encore aujourd’hui de ressources ; combien sont comprchensivcs et suggestives certaines de ses théories fondamentales ; avec quelle étonnante souplesse aussi elles se peuvent adapter aux conditions de problèmes nouveauxque les anciens docteurs pourtant n’avaient pas, au moins directement, envisages et abordés.

BiuLiOGRAPHiE. — En dehors des ouvrages cités dans le cours de l’article, et sans préjudice des Traités ou Cours généraux (iibi de jure), on pourra consulter avecprolit : D. Gocliin, /.e monc/e extérieur, Paris, 1896 ; A. Farges, L’ohject’u’ité de la perception des sens externes et tes théories modernes, Paris, 1891 (2 » édil.) ; J. H. Fichte, fntrodiictian à la traduction de la méthode pour arriter à la vie bienheureuse (de sCn père, J. Th. Fichte) par F. Bouillier, Paris, iS-5 ; P. Janet, Qu’est-ce que l’idéalisme.’dans Bévue philosopliique, t. HI, p. 32 sq. ; G. Lyon, L’idéalisme en Angleterre au VIII’siècle. Paris, 1888 ; A. Ott, Critique de l’idéalisme et du criticisme (præs. p. 20 sq., p. 316 sq.), Paris, 1883 ; C. Pial, L’Idée (tout le livre IV, Idée et Etre), Paris, 1896 ; E. Saisset, Le scepticisme (dernière partie, Vues théoriques), Paris, 1855 ; K. Schaarschmidt, U’iderlegung des subjectiven Idealismus, dans Philosophische Monatshefte, 1878, 7* fascicule.

H.Deuovf.


IMMANENCE (DOCTRINE DE L’). — Préambule : Deux sens du mot immanence.

Article I. — Exposé.

I. Principaux facteurs de l’immanence. — 2. Ses formules. — 3. L’apologétique immanentiste.

Article II. — Examen.

I. Opposition de l’immanentisme et de la pensée catholique. — 2. Causes de cette opposition : A. Vérités que nie la doctrine de l’immanence. B. Vérités qu’elle déforme. — 3. Persistance de cette opposition entre la pensée catholique et les méthodes apologétiques, qui ramènent indirectement à la doctrine de l’immanence.

Bibliographie.

Deux sens du mot immanence. — D’une façon générale, le mot immanence exprime le caractère de ce qui réside dans un cire ou un ensemble d’êtres.

Il peut se préciser de deux manières :

i) En un sens exclusif : il désigne alors le caractère d’une activité qui trouve, dans le sujet où elle est censée résider, tout le principe, tout l’aliment, tout le terme de son déploiement. Tel est le sens que Spinoza donne à l’immanence. Exclusif est encore le sens que lui donne ICant, pour lequel sont immanents les principes dont l’application est strictement enfermée dans les limites de l’expérience possible (/ ? « iso/i pure. Dialectique transcendantale, I, 3). Ainsi l’usage de ces principes dans le monde de l’expérience est appelé par Kant un usage immanent (Prolégomènes. 40).

a) Le mot immanence peut encore se préciser en un sens non plus exclusif, mais relatif ; il signifie dans ce cas une activité qui, au lieu de trouver dans le sujet où elle réside tout le principe ou tout l’aliment ou tout le terme de son déploiement, y trouve

seulement un point de départ effectif et un aboutissement réel « quel que soit d’ailleurs l’entre-deux compris entre les extrémités de cette expansion et de cette réintégration finales » [Vocabulaire philosophique, fascicule 12, p. 329, dans liutletin de la Société française de Philosophie, 8’année n° 8 (août 1908). — RcDOLF-EisLER, IVôrlerbucli der philosophischen I>egri/fe, p. 558 (Berlin, 1910)].

Article I. — Exposé de la Doctrine

Sous le néologisme vague et ambigu d’immanentisme, les controverses religieuses de ces derniers temps ont mis en relief une doctrine tendant à envelopperdans l’idée exclusive d’immanence le problème des relations du sujet et de l’objet, de l’homme et de Dieu.

Nous ne prétendons l’envisager ici que du point de vue de l’apologétique immanentiste. De là le caractère intentionnellement fragmentaire de cet exposé.

I. — Principaux facteurs de cette doctrine

C’est la théodicée de Spinoza assurément qui contril )ua, en Allemagne surtout, à répandre ce panthéisme mystique dont la doctrine de l’immanence est issue. Mais nous considérons cette dernière au moment où elle s’infiltre jusque dans des écrits qui veulent être chrétiens ; ce n’est plus alors le spinozisme qui l’inspire directement. Ses facteurs sont les suivants :

1) I.a philosophie religieuse de Schleiermacher.

— Kant avait laissé obscure et délibérément pendante la question de la nature du moi. Par là, ainsi que par sa théorie subjcetiviste de l’espace et du temps, il préparait la fortune du monisme. Schleieh-MACiiER la consacra. Il prétendit comprendre selon un type plus intérieur de relation que ne l’avait exprimé Ivant, le rapport de l’Etre infini aux individus particuliers. Cette attitude philosopliique commanda aussitôt une conception de la religion, qui devint pour .Schleiermacher le centred’une conception générale du monde, et qui se donna comme l’expression inadéquate mais réelle de la vie.

« C’est en elTel la Religion seule qui peut, d’après

Schleiermacher, nous révéler à nous-mêmes ce que nous sommes véritablement dans ce qui est l’Etre véritable ; le sentiment dépure piété, dont toute religion procède, exprime immédiatement l’acte d’union de l’infini et du fini. Cet épanouissement harmonieux de toutes no ? puissances spirituelles, que les Romantiques glorifient justement à l’encontre d’un rationalisme superficiel, a son principe et sa fin dans la vie religieuse, car il n’y a que la vie religieuse qui puisse nousélever au-dessus des oppositions de la critique négative et du savoir abstrait ; il n’y a que la vie religieuse, qui puisse fonder un développement de la nature et de l’humanité irréductible à de simples combinaisons de concepts. La religion, éprouvée dans sa pureté originelle, est le lien indissoluble, qui unit en chaque âme toutes ses tendances spontanées, qui unit toutes les âmes entre elles, qui unit toutes les âmes à l’univers. Qu’on la débarrasse donc des formules arbitraires qui prétendent la contenir tout entière et qui ne sont en vérité que des causes de désunion et de scandale ; qu’on la décharge de toutes les vaines prétentions de la science par lesquelles on a essayé de l’imposer du dehors, par lesquelles on l’a finalement discréditée. La Religion n’est ni un système de connaissances ni un système de dogmes. Elle est indépendante de tout savoir déterminé et de toute autorité fixe (l’eber die Religion, Reden an die